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Résumé

La coréférence et les relations coréférencielles exhibent dans le système de la représentation linguistique divers schémas et procédés qui finissent par convaincre de la richesse d’un tel phénomène. En fait, dépassant les seuls cadres de la répétition et de l’anaphore, la coréférence imprime aux énoncés textuels ou oraux une cohérence. Autant le dire si la diversité des modes ou modalités de coréférence induit une hiérarchisation sur le versant vertical en termes de degrés de coréférence, l’implication du phénomène de la coréférence dans la structuration ou la déstructuration de l’énoncé en fait un marqueur de cohérence ; d’où la nécessité de sa systémique.

Mots clés : Anaphore, coréférence, cohérence, degré, systémique.

 

Abstract

Coreference and coreferencial relations show multiple plans and conducts, in the system of linguistic representation, which at last convince how this phenomenon is rich. Indeed, being over the only frame of repetition and anaphor, coreference prints a coherence to textual  or oral statements. One should  say that if the diversity of modes or modalities of  coreference leads to an hierarchy on vertical verse on the ground of coreference, the implication of coreference phenomenon in statement structuration or destructuration, indeed on indicator of coherence; from which the necessity of its systemic.

Keys words:  anaphor, coreference, coherence, degree, systemic.

 

 

Introduction

Référence et coréférence ont été des problèmes auxquels se sont attelés les logiciens. C’est bien plus tard que la grammaire, dans son ensemble, va s’intéresser à ce domaine. La référence et la coréférence se sont vues traitées dans le cadre rigoureux de la grammaire générative avant que ne s’intéresse à elles la grammaire des textes. C’est souvent dans le cadre de la syntaxe qu’elles ont été abordées par les générativistes, quoique le volet sémantique n’est pas à exclure. Mais en fait, qu’est-ce que la coréférence ? Peut-on parler de degré de coréférence ? Comment appréhender la coréférence : du point de vue syntaxique ou du point de vue sémantique ?1

Ces questions témoignent éloquemment de la grande ambiguïté qui entoure le phénomène de la coréférence. Le corpus qui nous servira de support pour y répondre est de composition fondamentalement anarchique : il est composé  de productions linguistiques recueillies ici et là, pendant les cours, sur les copies après évaluation des étudiants, dans l’espace du campus universitaire ou ailleurs… cela pour capter les écueils et manières de pratiquer la langue, spécialement, la coréférence dans la langue française en situation réelle.

          La présente analyse apportera un éclaircissement terminologique sur la notion linguistique et grammaticale de «coréférence» et situera les degrés qui peuvent être les siennes dans l’énoncé.

 

I - ECLAIRCISSEMENT TERMINOLOGIQUE SUR LA NOTION DE COREFERENCE

 

Aborder la notion de coréférence invite à aborder aussi des notions apparentées ou connexes comme la référence en ses deux composantes, le référent et le référé, et l’anaphore.

 

1 – La Référence

 

On parle de référence quand dans l’énoncé, un segment renvoie à un autre. A ce propos, Gilles FAUCONNIER dira : « dans un discours, certains mots ou groupe de mots réfèrent à des objets ou individus de l’univers du discours. »2

 

Exemple 1 : Yao se parle à lui-même.

 

Dans cet énoncé, les pronoms «se» et «lui-même» désignent un même être, « Yao », dans la continuité de l’énoncé. Cette analyse est confirmée par Jean-Claude MILNER dans Ordres et raison de langue quand il affirme qu’«une séquence nominale a donc une référence, qui est le segment de la réalité qui lui est associée.»1

Toutefois, il convient de garder en tête que la notion de référence est beaucoup plus complexe et emporte de profondes analyses. En fait, la référence implique que la pleine intelligence d’un énoncé suppose la perception d’un rapport entre un élément et un autre auquel renvoie nécessairement telles ou telles de ses inflexions. Appliqué à l’énoncé, ce dispositif permet l’élucidation raisonnée d’un nombre considérable de phénomènes textuels tels les éléments de structuration ou de dé-structuration de l’énoncé, reprise, anaphore, cohérence… que la linguistique des textes aborde.

Dans l’exemple 1, « Yao » est un nom propre et dans le discours, il est cette partie du discours qui sert à désigner un individu, à l'interpeller, à faire référence à lui, à l'identifier, bref à le « nommer.» Il est considéré comme le corrélat singulier d'une entité individuelle.

Autrement dit, délocutivement, le nom est un terme de référence qu’on emploie pour parler de quelqu'un à quelqu'un, pour « assurer la référence entre deux interlocuteurs comme une coréférence.»2

Le nom propre est donc une forme d'identification qui opère dans le discours référentiel de la communication ordinaire, où deux interlocuteurs réussissent à coréférer sur un individu unique. L'ambiguïté se trouve réduite pragmatiquement. On peut, alors dire que le nom y est propre par contextualisation, par coréférence.

 

2 – La notion de coréférence

 

La notion de coréférence est inhérente à la notion de référence. On dit de deux mots ou de deux segments qu’ils sont coréférents s’ils renvoient à un même mot ou à une même réalité qui en est le référent. A ce niveau, Georges KLEIBER présente ce phénomène comme « un processus de coréférence qui relie une expression anaphorique B à un référent A déjà mentionné dans le texte. »1

Toutefois, prévient Dominique MAINGUENEAU, «on ne confondra pas « anaphore », « cataphore » et coréférence. »2

Cet avertissement atteste que ces notions se recoupent en quelques points ; ce qui introduit une idée de variabilité. Il y a donc, à l’évidence, une appréciation de ces variations en termes de degré : on parlera de degré de coréférence, dans cette étude.

 

II – LES DEGRES DE COREFERENCE

 

Le degré suppose des niveaux classificatoires résultant d’intensité plus ou moins forte. Dans le cas de la coréférence, on parle de degré de coréférence, dans ce sens que la coréférence est établie aussi bien dans la réalité du discours, c’est-à-dire dans le cotexte, que selon la réalité du monde, c’est-à-dire dans le contexte. C’est ce que dit Michel CHAROLLES en ces termes : « On pourrait alors supposer que la coréférence obéit à des marches ou niveaux qui placent chacune des occurrences. »1

 

A – Degré zéro de coréférence, coréférence virtuelle et coréférence actuelle

1 – Degré zéro de coréférence

 

On parlera de degré zéro de coréférence lorsque la coréférence ne s’exprime nulle part avec des segments substituts.

 

Exemple 2 : Je vais au marché. Le mouton est malade.

 

Dans cet énoncé composé de deux phrases, aucun segment ou mot ne renvoie à un autre. Tous les éléments de l’énoncé vivent dans une indépendance sémantique, même s’ils vont tous vers une convergence sémantique. En effet, si « les phrases sont des suites de mots ordonnés d’une certaine manière, qui entretiennent entre elles certaines relations. »2, les mots connaissent, en ce cas, des relations syntaxiques, des relations d’ordonnancements et non des relations de coréférencialité.

 

2 – La coréférence virtuelle

 

Avant d’en arriver à la coréférence virtuelle, il nous parait bon de voir ce qu’est la référence virtuelle.

 

2 – 1 – La référence virtuelle

 

Le mot virtuel exprime ce qui est à l’état de simple possibilité ou encore ce qui a en soi toutes les conditions essentielles à sa réalisation. C’est ce qui ressort de la définition que propose MILNER. Pour lui, « l’ensemble des conditions caractérisant une unité lexicale est sa référence virtuelle. »1

Exemple 3 : Yao a acheté deux livres et moi quatre.

Dans cet énoncé, «quatre» qui suppose «quatre livres» ne renvoient à «deux livres» que parce qu’il s’agit des mêmes segments de réalité. Les livres peuvent, d’ailleurs, être différents. Ces deux segments sont liés par l’identité des propriétés lexicales: ouvrage d’un nombre assez grand de pages.

 

2 – 2 – La coréférence virtuelle

 

Le virtuel est plus qu’un simple potentiel, plus qu’une simple éventualité. Son étymologie même l’indique, il est un système de forces dont les conditions d’actualisation sont disponibles. C’est la disponibilité de cette actualisation qui configure la coréférencialité virtuelle et justifie son existence.

Sur cette base nous pouvons dire que deux unités lexicales peuvent avoir la même référence virtuelle. En ce sens, « la coréférence virtuelle est la relation qui existerait entre deux unités différentes ayant en tout point les mêmes propriétés lexicales.»2

Ainsi dans l’exemple 3 ci-haut, la coréférence établie entre « quatre » et « deux livres », non seulement renvoie l’un à l’autre à partir de l’élément de référence « livre », mais aussi à un certain nombre de propriétés :

1°) le nombre pluriel des deux éléments coréférés « quatre » et « deux livres » ;

2°) la classe grammaticale de ces éléments. Les coréférés sont des groupes nominaux : « deux livres » et « quatre (livres) » ; ce deuxième élément ayant subi l’élision du nom « livre » par souci d’économie, opérant par l’absolu la substantivation de l’adjectif déterminatif numéral « quatre.»

3°) la fonction syntaxique de ces éléments : ils sont tous deux complément d’objet direct  de « a acheté.»

Il y a, en réalité, en cette occurrence, une coréférence par le signifié, comme l’introduit MAINGUENEAU dans l’analyse linguistique du texte littéraire1. Pour lui, il est impératif de distinguer le référent et le signifié : le signifié pose la coréférence virtuelle et le référent, la coréférence actuelle.

 Il est à peine nécessaire de souligner que le virtuel est fondamentalement dépendant d’un actuel, d’une présence.

  

3 – La coréférence actuelle

 

Comme dans le point précédent, nous passerons, dans le point-ci, par la référence actuelle pour arriver à la coréférence actuelle.

 

3 – 1 – La référence actuelle

 

A ce niveau, il est opérant de se référer à la définition de MILNER pour qui le segment de réalité associé à une séquence est sa référence actuelle2.

 

Exemple 4 :

J’ai acheté cinq oranges. Konan en a mangé deux.

 

Dans cet énoncé, la reprise du substantif « orange » est assurée par le pronom adverbial «en.» On parle ici, de coréférence actuelle.

 

3 – 2 – La coréférence actuelle

 

La coréférence actuelle suppose «une relation symétrique entre deux éléments ayant une référence actuelles. »3

Pour MAINGUENEAU, la coréférence ne peut se concevoir en dehors de l’anaphore. Il pose ainsi que le coréférent  d’un  terme est celui «ayant le même référent que lui. »4 

Ainsi dans l’exemple qui suit :

 

Exemple 6 : Sanzan est content. Il a gagné au loto.

 

le nom propre « Sanzan » et le pronom « il »  coréfèrent car ils renvoient à la même personne.

 

III – COREFERENCE ET ANAPHORE

 

Les différends sur la coréférence prouvent que la concernant, il y a différents niveaux de réalisation. Et comme la notion de coréférence est consubstantielle à celle d’anaphore, il importe de voir comment les degrés de coréférences ont une incidence sur l’anaphorisation.

 

A – L’anaphore dans ses terminologies

1 – Le versant rhétorique de l’anaphore

 

Historiquement, l’anaphore s’inscrit dans les figures de rhétorique à côté d’un certain nombre de figures qui expriment la répétition, l’insistance et l’accumulation.  Elle obéit de ce fait, à une construction syntaxique dans le discours, dans le but de convaincre.

 

Exemple 7 :

Vienne l’heure qu’on espère

Vienne l’heure qu’on rêve le bonheur qui est juste là

 

On retrouve ici, le même segment (vienne l’heure) répété en début de chacun de ces deux vers comme c’est le cas, dans le modèle désormais célèbre, de ces vers extraits de Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé CESAIRE :

vienne le colibri

vienne l’épervier

vienne le bris de l’horizon

vienne le cynocéphale

vienne de dauphins une insurrection perlière brisant

la coquille de la mer

vienne un plongeon d’îles

vienne la disparition des jours de chair morte dans la

chaux vive des rapaces

viennent les ovaires de l’eau où le futur agite ses

petites têtes

viennent les loups qui pâturent dans les orifices

sauvages du corps à l’heure où à l’auberge écliptique

se rencontrent ma lune et ton soleil 1

 

2 – Le versant grammatical de l’anaphore

 

Sur la base de l’étymologie grecque «ana» qui signifie retour en arrière, l’anaphore grammaticale a été le plus souvent vue comme la reprise d’un segment dans la chaîne parlée. Georges KLEIBER la définit comme « un pur processus de coréférence qui relie une expression anaphorique B à un référent A déjà mentionné dans le texte. »2 Cette perception restreinte ne doit pas faire perdre de vue le sens large de l’anaphore.

 Au sens large, l’anaphore couvrirait la cataphore et l’anaphore et est appréhendé sous le terme plus globalisant de diaphore proposé par Michel MAILLARD3.

Aussi, « un segment est dit anaphorique s’il suppose l’énoncé antérieur, et cataphorique s’il se rapporte à l’énoncé subséquent.»4

 

3 – Les variétés terminologiques

 

L’anaphore, au sens restreint, et au sens large (diaphore) permettent de réaliser dans l’énoncé le phénomène de répétition. En ce sens, on parle aussi d’endophore qui est une  reprise lexicale qui permet d’éviter les redondances ou répétitions fâcheuses dans le texte.

Une autre notion connexe ou apparentée est celle de «substitution»5 qui renvoie à remplacement ou à représentation. C’est ce florilège de vocables qui traduisent une même réalité que KLEIBER choisit de rendre sous le terme d’anaphore6.

 

B – Des degrés d’anaphorisation

 

Si la coréférence obéit à des degrés, l’anaphorisation est aussi sujette à des degrés.

 

1 – L’endophore

 

L’endophore est une anaphore de type textuel. Elle suppose donc une coréférence actuelle. D’aucun parle de représentation textuelle.

 

Exemple 8 : J’ai acheté un poulet. Celui-ci est de couleur noir.

 

2 – L’exophore

 

L’exophore est une anaphore du hors-texte. Ce type d’anaphore repose selon l’approche de MILNER sur la coréférence virtuelle.

 

Exemple 9 : Ma voiture est bleue. La tienne est noire.

 

A proprement parler, il n’y a pas d’anaphore au sens réel d’endophore ou de diaphore. Ici, les deux segments de signification ne sont liés que par l’élément dénoté voiture (véhicule mû par un moteur).

  

C -  Quelques réalisations d’anaphore

 

On partira du fait que la coréférence actuelle est bâtie dans ces analyses. Dans ce cas, il y a réellement anaphore. MAINGUENEAU a,  d’ailleurs, à ce sujet, averti : « Deux unités peuvent fort bien être coréférentielles sans qu’il y ait anaphore ou cataphore .»1

 

1 – L’anaphore nominale

 

          Le nom est cette partie du discours qui sert à désigner une entité, à faire référence à elle, à l’identifier, bref à la «nommer»: c’est le corrélat singulier d’une entité.

L’anaphore nominale est donc une anaphore qui fait coréférer deux segments nominaux.

 

Exemple 10 : Mariam est une jeune veuve. Cette jeune femme est très courageuse.

 

En ce cas de figure, on use du nom délocutivement, c’est-à-dire comme terme de référence, pour parler d’une personne (ici, de Mariam) à une autre mais surtout, pour assurer la référence entre deux interlocuteurs (celui qui émet cet énoncé et celui à qui il est destiné) comme une coréférence par une sorte de contextualisation que fixe l’anaphore pronominale.

 

2 – L’anaphore pronominale

 

Dans le cadre de l’anaphore pronominale, nous discernons les relations de coréférence possibles entre pronoms et expressions référentielles.

 

Exemple 11: Yao adore Akissi → Yao l’adore.

Exemple 12: La femme de Yao le trouve amoureux.

         

Dans l’exemple 11,  « Yao » et « le » ne peuvent désigner  la même personne: en réalité, « le » est la représentation anaphorique pronominale de « Akissi .» Au contraire, dans l’exemple 12, « Yao » et « le » désignent la même entité : on dit qu’ils ont une relation anaphorique ; relation d’une intimité telle, ici, que dans la ligne syntaxique ils sont étroitement liés, c’est-à-dire qu’ils ne sont séparés par aucun élément linguistique.

 De cette observation, on peut dégager que du point de vue syntaxique et même sémantique, les propriétés de la coréférence pronominale sont plus ou moins subtiles et qu’un énoncé est donc associé à plusieurs niveaux de représentation distincts reliés entre eux par des opérations de pronominalisation.

Par ailleurs, l’anaphore pronominale concerne aussi bien les pronoms personnels que les pronoms et adjectifs possessifs, les pronoms et adjectifs indéfinis et les adjectifs numéraux. A ceux-là, on peut ajouter les pronoms relatifs. Les exemples qui suivent en témoignent :

 

Exemple 13 : Lucien Kouadio était un attaquant. Il était bon buteur.

Exemple 14 : Il y a deux stylos sur la table. Le mien est de marque schneider.

Exemple 15 : Il y a trois stylos sur la table ; deux sont de marque bic.

Exemple 16 : Les tisserins ont envahi le palmier. Quelques-uns retournent à leur nid.

Exemple 17 : La femme qui parle peu est vertueuse.

  

3 – L’anaphore adjective

 

L’anaphore adjective concerne les adjectifs déterminatifs qui déterminent un nom.

 

Exemple 18 : Le chat que nous avons vu est noir. Ce chat rodait autour du foyer.

 

L’adjectif démonstratif assure, ici, le phénomène de l’anaphorisation en faisant varier le segment initial sur la base de la référenciation.

 

IV – COREFERENCE ET COHERENCE DU DISCOURS

 

La coréférence établit certes,  des connexités entre des éléments, mais elle fonde également la cohérence des énoncés en présence. Et, ici, il faut comprendre que l’énoncé peut être une simple phrase, unité minimale d’analyse, ou un texte, unité maximale d’analyse.

 

A – La coréférence dans la syntaxe phrastique

 

Dans le cadre de la syntaxe phrastique, nous choisissons de travailler arbitrairement sur la phrase avec subordination et sur celle comportant un pronom réfléchi dans la syntaxe du verbe.

                   

1 – La phrase comportant un pronom réfléchi dans la syntaxe du verbe

 

          Dans le cadre de la théorie standard étendue de la grammaire transformationnelle, la théorie des traces constitue une redéfinition des transformations de mouvement. Cette redéfinition permet également de faire apparaître des généralisations intéressantes, à la fois, en sémantique et en phonologie. Considérons la phrase suivante :

 

Exemple 19 :   Yao se parle

 

 Dans ce type de phrase, la coréférence est réalisée par le pronom réfléchi qui assure dès lors la cohérence de l’action du verbe sur son destinataire.

Cette phrase peut être retranscrite de la façon suivante :

Exemple19’ : Yao parle à Yao (se).

          A l’analyse,  on considère que « se » est, à la fois,  le sujet « logique » et l’objet du verbe conjugué «parle .» On dira, alors, que l’exemple (19) est dérivé par coréférence à partir de la structure sous-jacente à (19’) : Yao parle à Yao.

            Si on considère maintenant l'ensemble des transformations de coréférence, on constate une véritable cohérence : alors qu'il existe un grand nombre de cas où un item est remplacé par un  autre comme un nom par un pronom, il existe, en même temps,  dans le cas de ces transformations, une recherche de cohérence du discours. Un des buts de la théorie des degrés et de la systémique du phénomène de la coréférence est de rendre, justement, compte de cette cohérence. Supposons, en effet, que la pronominalisation de Yao dans (19) laisse une trace invisible (notée t), comme dans la théorie linguistique des traces,  à l'endroit d'où ce nom a été pris avant d’être déplacés (d’abord, après le verbe (19’) ; ensuite, avant le verbe (19)) et que cette trace fonctionne comme une forme de pronom : on obtient alors pour (19’) la représentation (19’’) : (19’’) Yao se porte (t).

Autrement dit la transformation de «à Yao» en «se.» impose un « déplacement enclitique », c’est-à-dire place le pronom réfléchi «se» avant le verbe1.

On retient, en définitive, que la cohérence est avérée en ce sens que le pronom réfléchi « représente la même personne ou le même objet que le sujet du verbe dont il est complément. »2 Cette définition produit, en réalité, l’idée de coréférence. La phrase y trouve sa cohérence.

 

2 – La phrase comportant une subordonnée relative

 

Dans une phrase comportant une subordonnée relative, la cohérence repose sur la reprise de l’antécédent par le pronom relatif.

 

Exemple 17 : La femme qui parle peu est vertueuse.

 

Cette phrase résulte, par le phénomène de la coréférence, de la fusion des deux énoncés suivants :

 

Exemple 17’ : La femme parle peu.

Exemple 17’’ : La femme est vertueuse.

    

Supposons maintenant que la relation entre une trace t quelconque et la catégorie déplacée (dans nos exemples, « la femme ») soit analogue à la relation qui existe entre un pronom « qui » et son antécédent « la femme » ; on peut alors mettre en relation d'asymétrie notée entre déplacements vers la droite et vers la gauche avec les possibilités de coréférence dans des phrases comme : (17) La femme qui parle peu est vertueuse.

          Dans (17) « La femme » et « qui » peuvent être interprétés comme renvoyant à la même personne. En d'autres termes, la coréférence exhibe la même cohérence dans la structuration linguistique du discours : le phénomène de coréférence, par le principe d’économie, conduit à la fusion de 17’ et de 17’’ en une seule phrase cohérente.

 

B – La coréférence dans la syntaxe textuelle

 

          Même si on a longtemps ignoré la syntaxe textuelle, elle a toute son importance. Et le phénomène de la coréférence conforte cette idée. Dominique MAINGUENEAU, à ce sujet,  souligne, en effet, que les phénomènes anaphoriques, phénomènes de coréférence actuelle, assure la dynamique textuelle1.

Dans l’énoncé qui suit :

 

Exemple 20 :

Dramane était venu le matin au magasin. Il avait acheté une machine neuve. Il a laissé au comptoir un paquet de billets de dix mille francs CFA. Heureux, l’homme était parti en fredonnant. Il pensait à la somme d’argent qu’il récolterait au village avec sa machine à coudre.

 

Les segments soulignés (il, l’homme, dramane) sont coréférents : ils renvoient à la même personne : Dramane l’achéteur qui est ravi de l’achat d’une machine à coudre neuve.

De cela, nous pouvons affirmer que la coréférence bâtit une véritable syntaxe textuelle en mettant les phrases en relation les unes avec les autres. Chacune d’elles ne vit pas en cet énoncé réellement isolées les unes des autres.

 

 

Conclusion

 

Cette réflexion sur les degrés de coréférence pour en comprendre les ancrages systémiques révèle que, en certaines de ses positions, la coréférence ne connait pas toujours de confort : elle n’est pas une notion aisée ni bâtie de facto. Elle peut témoigner d’une disjonction, d’une virtualité ou d’une actualisation dans le discours. Dans ce contexte, l’anaphore, qui à la coréférence est inhéremment liée connaît, elle aussi, des degrés de réalisation. On parle, de fait, de représentation référentielle ou de représentation textuelle ou encore d’endophore ou d’exophore.

           Pour l'ensemble de la programmation qu’elle opère dans ses variations, la coréférence s’établit sur trois plans d’action :

    1) Un plan de référence, c'est-à-dire que la coréférence impose dans sa réalisation des éléments qui ont une référence plus particulièrement actuelle.  Ainsi des segments isoréférentiels contribueront à donner à l’énoncé sa cohérence.

    2) Un plan de connaissance. Par là, nous entendons des éléments syntaxiques et/ sémantiques, des fois explicites, d’autres fois implicites, et qui peuvent être considérées comme jouant un rôle primordial dans la structuration, la dynamique et la cohérence de l’énoncé.

    3) Un plan de recherche. Dans une perspective systémique, il conviendra de dégager les criteria et mécanismes de coréférence en ses divers degrés afin d’aboutir à un système formel de ce phénomène de structuration ou de dé-structuration énonciatique.

En outre, remarquons que la coréférence repose sur des interprétations logiques qui rendent toute la démarche grammaticale quelque peu difficile comme le souligne Gilles FAUCONNIER quand il dit : « ces recherches ont fortement contribué à secouer les bases de la grammaire générative transformationnelle et à mettre en question la tradition structuraliste. »1

 

Bibliographie

  • CESAIRE, Aimé. Cahier d’un retour au pays natal. Paris : Présence Africaine, 1983.
  • CHAROLLES, Michel. « Introduction aux problèmes de la cohérence verbale » in Langue Française n°38, 7-42.
  • --------------------------. La Référence et les expressions référentielles en français. Paris : Orphys, 2002.
  • DUBOIS, Jean. Grammaire structurale du français. Paris : Larousse, 1973.
  • DUBOIS, Jean et René LAGANE. La Nouvelle Grammaire du français. Paris : Larousse-Bordas, 1997.
  • FAUCONNIER, Gilles. La Coréférence : Syntaxe ou sémantique ? Paris : Seuil, 1974.
  • GREVISSE, Maurice. Le Bon Usage. Louvain- la-neuve : De Boeck-Duculot, 1993.
  • KLEIBER, Georges. « Aux confins de la grammaire » in Langage n° 96, Paris : Larousse,
  • MAILLARD, Michel. « Essai de typologies des substituts diaphoriques » in Langue française n°21, Paris : Larousse, pp. 55-71.
  • MAINGUENEAU, Dominique. Linguistique pour le texte littéraire. Paris : Nathan, 2003.
  • MILNER, Jean-Claude. Ordres et raisons de langue. Paris : Seuil, 1992.
  • WAGNER, Robert et Jacqueline PINCHON. Grammaire du français classique et moderne. Paris : Hachette, 1962.

[1] Département de Lettres Modernes, Université de Bouaké

1 Gilles FOUCONNIER. La Coréférence : syntaxe ou sémantique ?. Paris: Seuil, 1974, p.17.

2 Idem., p.7.

1 Jean-Claude MILNER. Ordres et raisons de langue. Paris: Editions du Saint, 1982, p.176.

2 Francis JACQUES. Dialogiques I : Recherches logiques sur le dialogue. Paris: PUF, 1979, p. 37.

1 Georges KLEIBER.  « Aux confins de la grammaire » in Langages.  n°96, Paris: Larousse, p.36.

2 Dominique MAINGUENEAU. Linguistique pour le texte littéraire. Paris: Nathan, 2003, p.198.

1 Michel CHAROLLES. « Introduction aux problèmes de la cohérence verbale" in Langue Française n° 38, 7-42., p.27.

2 Jean DUBOIS et René LAGANE. La Nouvelle Grammaire du français. Paris: Larousse, 1997, p.14.

1 Jean-Claude MILNER. op. cit., p.12.

2 Idem

1 Dominique MAINGUENEAU. op. cit., p.198.

2 Jean-Claude MILNER. op. cit., p.12.

3 Idem, p.11.

4 Dominique MAINGUENEAU. op. cit., p.198.

1 Aimé CESAIRE. Cahier d’un retour au pays natal. Paris: Présence Africaine, 1983, p.45.

2 Georges KLEIBER. « Aux confins de la grammaire » in Langages  n°96, Paris: Larousse, 19…., p.25.

3 Michel MAILLARD. « Essai de typologies des substituts diaphosiques » in Langue  française n°21, pp.55 - 71.

4 Idem., p. 57

5 Jean DUBOIS. Grammaire structurale du français : nom et pronoms, Paris, Larousse, 1973, p.81.

6 Georges KLEIBER. op. cit., p.60.

1 Dominique MAINGUENEAU. op. cit., p.197

1 Gilles FAUCONNIER. op. cit., p.9.

2 Robert-Léon WAGNER. et Jacqueline PINCHON. Grammaire du français classique et moderne. Paris: Hachette, 1962, p. 28.

1 Dominique MAINGUENEAU. op. cit., p. 197.

1 Gilles FAUCONNIER. op., cit., p.17.