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RÉSUMÉ

La présente étude tente de mettre en relief les trois grands problèmes qui menaçaient fortement l’ordre de la République des Lettres au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle d’après le Journal d’un observateur, une des nouvelles à la main les plus répandues dans la France dans cette époque. Ce journal clandestin a dressé un tableau très clair des activités de la scène littéraire à la veille de la Révolution française.

 

 

SUMMARY

This study attempts to highlight the three major problems that threatened the very order of the Republic of Letters during the second half of the eighteenth century from the Observer Journal, the most prevalent in France at that time. This underground newspaper painted a very clear picture of the activities of the literary scene on the eve of the French Revolution.

 

 

INTRODUCTION

1.1.1. Histoire du journal en France

Dès son premier pas sur la terre, l’homme s’est évertué à découvrir son univers, avant même de chercher à se sustenter. Le monde s’est développé et la manière de vivre devenait bien compliquée ; toute la vie se tournant alors vers la sociabilité, l’homme s’est vu obligé, dès lors, de connaître ses semblables pour différentes raisons. Afin d’assouvir cette passion qui le poussait à toujours découvrir de nouveaux horizons, l’homme ne se contentait pas d’apprendre ce qui pouvait lui être utile, mais il cherchait à crocheter les serrures des portes du mystère. Le «journal», en ce sens, s’affichait comme une nécessité sociale et un moyen des plus efficaces pour assurer la circulation des nouvelles dans un monde avide de savoir([1]).

Les premiers essais renvoyant à la parution d’un journal remontent aux siècles les plus reculés, avant l’apparition de l’ars artificialiter scribendi, soit l’imprimerie ([2]). Les Romains et les Grecs avaient des journaux périodiques, juridique et politique, comme par exemple l’Acta diurna ([3]). Il faut remonter jusqu’à l’âge de la Renaissance et de la Réforme en France, pour retrouver de telles tentatives journalistiques : ainsi les « canards » se présentaient comme des feuilles consacrées aux faits divers alors que les « occasionnels » contenaient toutes les nouvelles des batailles entre les protestants et les catholiques([4]). Ces publications, qui étaient dépourvues de périodicité et de variété dans leur contenu, arrivaient rarement, cependant, à séduire les lecteurs.

L’histoire de la presse française débute réellement avec la parution de la Gazette de France, un journal périodique qu’édite Théophraste Renaudot et dont le premier numéro paraît le 30 mai 1631. Si l’on en croit l’assertion de Hatin, dans son étude sur l’histoire du Journal, cette publication s’est placée au-dessus de tout ce qui avait existé d’analogue soit en France soit à l’étranger, par : «la régularité de sa publication, par sa circulation européenne, par l’abondance et le choix des matières, par la supériorité de sa rédaction et le nombre de ses correspondants.» ([5]). Mais un coup d’œil rapide sur les articles de cette feuille périodique permet de constater qu’il ne s’agit pas d’autre chose que d’un bulletin officiel se bornant à rapporter des informations officielles de la Cour, les autres rubriques s’occupant des nouvelles des pays étrangers, comme par exemple la Turquie ([6]). Il faudra attendre jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle pour voir la publication en France du premier journal quotidien, au vrai sens du terme, qui portera le nom de Journal de Paris (1er janvier 1777).

 

 

1.1.2. La censure et la police de la librairie

Avec l’introduction de l’imprimerie en France, toute espèce d’écrit est jugé rigoureusement, le premier arrêt de la censure étant promulgué au cours de l’an 1332. À l’aube du XVIIIe siècle, la monarchie pensa à unifier tous les règlements décrétés pour la librairie et l’imprimerie dans le Code arrêté au Conseil d’état à la séance du 28 février 1732 qui resta en vigueur jusqu’à la fin de l’Ancien-Régime ([7]). Ce règlement renfermait toutes les précautions indispensables pour porter le métier de l’imprimerie et du commerce des publications à une grande perfection[8]. En vertu des dispositions de cette ordonnance, tout manuscrit, avant son impression, devait avoir deux lettres patentes d’approbation : l’une, administrative, de la Direction de la librairie qui représentait le pouvoir royal, et l’autre, professionnelle, de la Chambre Syndicale des Librairies. Mais ces deux autorisations n’ont jamais été délivrées sans un rapport positif et détaillé des censeurs royaux ([9]). Les contrevenants étaient punis de prison et souvent condamnés à mort ([10]).

Mais ces mesures répressives ont atteint leur paroxysme avec la mise en place d’une Police de la librairie dont le rôle consistait à contrôler toutes les étapes du métier de l’écrit et à confisquer tous les manuscrits suspects ou dépourvus de la permission royale de diffusion. La consultation de diverses pièces d’archives nous permet de connaître certaines des tâches qui étaient confiées à cette Police, soit, entre autres : vérifier l’entrée des livres aux douanes ; recevoir le serment des nouveaux officiers de la Police de la librairie et celui de nouveaux libraires ; s’occuper de la censure des pièces de théâtre, etc. ([11]).

 

 

1.1.3. La naissance des nouvelles à la main

La censure stricte sur tous les imprimés a pâli leur contenu, les auteurs sintéressant plutôt à mettre en relief des bagatelles pour éviter toute confrontation avec l’autorité, tant politique que religieuse.

Le peuple a délaissé ces écrits qui n’ont pas assouvi sa curiosité ; il a fréquenté les cafés et les jardins pour collecter les informations ou les secrets au vrai sens du terme. Certains voyaient dans cette envie de s’informer de ce qui s’est passé derrière les portes fermées, une nouvelle sorte de métier pour gagner leur pain ([12]). Ils ont ébauché un plan pour organiser, classifier et rédiger toutes les nouvelles, les racontars et les faits du jour sous une forme de gazette qu’ils ont distribuée clandestinement et vendue à prix raisonnable pour le public ([13]). Parmi ces nouvellistes, certains ne se souciaient pas de publier les informations qu’ils avaient collectées, mais ils s’engageaient comme nouvelliste à la main ou « nouvellants », comme on les nommait dans le marché des nouvelles, chez les nobles ([14]). Ce service d’informations était le plus répandu pendant les périodes de troubles politiques.

Ces journalistes apprentis ou selon l’expression de l’époque les nouvellistes à la main ou les chasseurs de nouvelles, ont profité de leurs relations familiales ou commerciales à la cour et avec les hauts fonctionnaires de l’appareil administratif afin d’enrichir le contenu de leurs gazettes.

Leur travail a dépassé la compilation des informations mondaines, calomnieuses et diffamatoires pour revêtir une forme d’espionnage ; ils ont fondé un service de renseignements qui formait des agents secrets s’immisçant au sein des cercles décisionnels. Ce réseau compliqué a réussi à rassembler des renseignements très secrets sur des personnalités en vue de la noblesse parisienne, lesquels étaient souvent vendus au plus offrant. L’efficacité de ces agents dans le domaine de l’espionnage poussait la Cour à louer leurs services ([15]).

Devant l’augmentation de la clientèle, issue de toutes les couches sociales, pour ces manuscrits illicites, une foule de gens ont orienté leurs activités vers ce nouveau métier rentable ; on y trouvait des hommes, des femmes ([16]) et même des enfants. Afin de bien organiser ce commerce des nouvelles, les éditeurs se sont attachés, en catimini, à établir une corporation des nouvellistes ([17]). Si la Police de la librairie tenta de réfréner ces publications illicites, les résultats obtenus furent décevants en raison de l’absence de moyens réellement efficaces.

Dès lors, les autorités royales se trouvèrent obligées de fermer les yeux et de tolérer implicitement les activités de ces gazetiers, ce qui entraîna une augmentation dans la diffusion illicite des nouvelles à la main. En raison de l’influence de ces feuilles sur l’esprit du peuple, la police elle-même n’hésita pas à utiliser les services de certains gazetiers à des fins de propagande élogieuse pour la France ([18]). Enfin, sous le règne de Louis XIV, les nouvellistes et leurs manières de contourner la censure (qu’il s’agisse d’offrir des pots-de-vin aux mouches de la police ou de corrompre les chefs eux-mêmes) inspirèrent plusieurs auteurs ([19]). Toutefois, il convient de noter que ce ne fut pas toujours sans risque, alors que certains se verront enfermés à la Bastille ([20]).     

Les scripteurs de ces feuilles n’avaient besoin ni d’effectifs considérables ni d’un lieu particulièrement équipé, le « chef de nouvelles » choisissant souvent pour son officine sa propre résidence ou encore un cabaret, l’important étant surtout d’être à l’abri du contrôle de la police. Le secrétaire de la rédaction jouait, quant à lui, un rôle essentiel. C’est en effet lui qui recevait, deux ou trois fois par jour, les nouvelles des agents et des correspondants. Il lui incombait également de s’assurer que les copistes engagés n’iraient pas vendre certaines nouvelles à d’autres nouvellistes ([21]). Une fois les nouvelles rédigées, il veillait à ce que les distributeurs portent les feuilles aux souscripteurs.

 

 

1.1.4. La naissance des nouvelles à la main de Bachaumont

Lorsquil est question de nouvelles à la main, on ne peut passer sous silence le salon de Madame Doublet qui tenait, dans son appartement rattaché au couvent parisien des Filles-saint-Thomas, un bureau d’esprit connu sous le nom de «Paroisse»([22]) où se réunissait une société choisie d’académiciens et de gens de lettres, tels Voltaire, Dortous de Mairan, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, Mirabaud, de l’Académie française ou encore le censeur royal Pidansat de Mairobert ([23]). Le salon de Madame Doublet fut l’un des plus célèbres réseaux de nouvellistes à la main de cette époque. On y mettait en commun les informations recueillies au cours de la journée et appelées à être redistribuées sous forme de nouvelles à la main. On y retrouvait deux registres dans lesquels chacun inscrivait, dans l’un, les nouvelles certaines et dans l’autre, celles jugées douteuses ([24]). Louis Petit de Bachaumont, ami de Madame Doublet, se chargeait de faire un journal avec les extraits des registres, rédigeant les informations retenues sur des feuilles volantes ou encore dites «feuilles de l’ordinaire». Les valets distribuaient alors ces nouvelles à la main sous le nom de Journal d’un observateur.

La présente étude tente de mettre en relief les trois grands problèmes qui menaçaient fortement l’ordre de la République des Lettres au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle d’après le Journal d’un observateur, une des nouvelles à la main les plus répandues dans la France dans cette époque ([25]). Ce journal clandestin a dressé un tableau très clair des activités de la scène littéraire à la veille de la Révolution française ([26]). Il en ressort des éléments susceptibles de saper les fondements du monde littéraire, dont les trois plus importants sont : le crime de plagiat, la relation d’hostilité entre auteur-libraire-lecteur et la censure.

 

 

2. Le crime de plagiat 

Si l’on croit Henry Omont, dans son intervention devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l’histoire du plagiat dans la littérature française remontrait au Moyen Âge, c’est-à-dire approximativement entre le XIIe et le XVe siècle ; la première supercherie littéraire a été faite par un prêtre du nom d’Egbert qui copia mot à mot le livre de Théofroy, abbé d’Epternach, intitulé : La vie de Saint Willibrod, évêque d’Utrecht ([27]).

On n’exagère pas en disant que, les chefs d'œuvres littéraires dans le monde entier avaient été victimes de plagiat. Dans le monde de la pensée, si chacun s’évertue à être le meilleur, les Muses n’inspirent malheureusement pas tous ceux qui prétendent au génie. Dès lors, il n’est pas surprenant de voir certains prendre des raccourcis en plagiant les ouvrages de penseurs ou d’écrivains de grand talent. L’absence de règles claires, au cours de la période qui nous occupe, permettait de jouer avec la notion de plagiat d’une manière assez large. Cela pouvait conduire, en certaines circonstances à remettre en cause l’honnêteté d’un auteur et l’originalité d’un ouvrage en raison, par exemple, d’une imitation jugée inacceptable. Il serait facile de multiplier les exemples : on connaît, au XVIe siècle, les accusations de plagiat portées contre Ronsard pour ses Quatre saisons de l’an, certains affirmant qu’il avait pillé les Macaronicæ de Teofilo Folengo, un poète italien ([28]) ; au XVIIe siècle, l’originalité du Cid de Corneille fut mise en doute alors qu’on lui reprochait d’avoir plagié une pièce espagnole de Guilhem de Castro (Las Mocedades del Cid) ([29]).

Ce problème d’authenticité inquiètera la critique littéraire tout en ouvrant un champ infini d’études qui tentent de donner une définition claire et exacte du plagiaire et aux autres termes apparentés comme le faussaire et le pasticheur.  En contradiction avec le plagiaire qui copie mot à mot les écrits des autres pour pallier sa stérilité intellectuelle, le faussaire a des caractères et des objectifs très différents : on peut le classer au rang des créateurs, mais il doute de la valeur de son ouvrage. Afin de lui donner une sorte de valorisation, le faussaire cherche à l’attribuer à un autre écrivain connu, c’est-à-dire qu’il triche sur la signature de l’ouvrage. Quant au pasticheur, à la différence du plagiaire et du faussaire, il imite la manière de pensée et le style d’un écrivain à talent ([30]).  

Rien d’étonnant à ce que le plagiat littéraire ait occupé une place saillante parmi les articles du Journal d’un observateur parce que ce phénomène animait la curiosité des lecteurs. Devant le grand nombre d’exemples de plagiat mentionnés dans ce journal ([31]), nous nous avons dû faire quelques choix. Le premier exemple qui mérite d’être cité, c’est l’imputation de plagiat qu’on a attribué aux écrivains de grand talent comme Voltaire, Diderot, Rousseau.

Il s’élevait une réclamation très vive contre Voltaire de la part de M. de Sauvigny ([32]) qui donna au public une tragédie en cinq actes, ayant pour titre : Hirza ou Les Illinois. Il reprochait à Voltaire d’avoir pillé sa tragédie dans Les Scuthes, tragédie en cinq actes, et de lui devoir tout ce qu’il y avait de beau dans cette pièce ([33]). En outre, dans l’Année littéraire, éditée par Élie Catherine Fréron ([34]), on publia un article contre Voltaire où l’auteur attaquait le Discours aux Welches en prétendant que le fonds avait été pillé chez un certain Deslandes. Voltaire ne resta pas silencieux face à cette accusation de plagiat dont le chargeait M. de Sauvigny, mais Le journal d’un observateur ne publie aucun plaidoyer voltairien. Afin d’esquiver tout soupçon de complicité de Bachaumont avec l’auteur d’Hirza contre Voltaire, on a compulsé d’autres journaux de cette époque, comme le Journal de Paris et des correspondances des grands écrivains comme la Correspondance de Grimm et de Diderot, mais la synthèse de cette recherche s’avère décevante. Toujours est-il qu’en absence de preuves irréfutables, nous tendons à croire les allégations de M. de Sauvigny contre Les Scuthes de Voltaire. Il faudra attendre des études plus approfondies sur ces deux pièces pour nous apporter de nouveaux éclaircissements ([35]).

Une autre accusation de plagiat littéraire sera intentée par Fréron contre Diderot. Il prétendait que le rédacteur en chef de l’Encyclopédie avait écrit son drame, Le fils naturel en s’inspirant du roman de Goldoni, intitulé Le père de famille et le véritable ami.   L’auteur ne se serait pas contenté de piller le plan et l’intrigue de ce roman italien, mais il en aurait même puisé des expressions ([36]). À l’instar de l’écrivain du Siècle du Louis XIV, Diderot ne prêtait pas une oreille attentive à ces diffamations et refusa toute rencontre avec l’auteur italien pour se disculper de l’accusation de plagiat : « malgré toutes les démarches que lui [Galdoni] et ses amis ont faites pour le faire rencontrer avec M. Diderot, celui-ci a toujours éludé : en vain MM. Marmontel et Damilaville, intimement liés avec ce dernier, ont-il promis à l’Italien de lever les difficultés, il parait que ces deux ont échoué dans leur négociation » ([37]). Mais les études comparatives entre les deux romans ont permis de découvrir qu’il n’y avait que le premier acte du Fils naturel qui était semblable au roman de Goldoni. Bien que ces remarques permettent de disculper Diderot du crime de plagiat, le silence de ce dernier n’a pas moins laissé planer un doute. La vive polémique autour de l’originalité du Fils naturel semble avoir eu des effets à long terme ; le philosophe se vit obligé de sortir de son silence pour se défendre vigoureusement de l’imputation de plagiat dans son ouvrage les Entretiens sur le fils naturel ([38]).

Les accusations de plagiat atteignaient également Rousseau, Dom Casot, un savant bénédictin, faisant imprimer un livre ayant pour titre Histoire détaillée des plagiats de Jean Jacques Rousseau ([39]). Il y démontrait que ce philosophe avait pillé des pages entières et qu’en lui ôtant tous ces emprunts, il ne lui restait rien de ses pensées et de ses théories hardies ([40]).  Malgré l’absence des défenses de Rousseau dans les feuilles de Bachaumont, on sait que ce philosophe s’est appliqué, dans ses Confessions, à détruire l’accusation de plagiat dont le chargeait Dom Casot ([41]).  

Sur la scène théâtrale, le plagiat s’affichait comme une trame essentielle de ce monde. Le journal d’un observateur est rempli d’exemples qui montrent que les accusations de plagiat ont été largement employées comme moyen de publicité pour influencer les esprits des lecteurs ou des spectateurs.

Pour citer quelques exemples, M. D’Arnaud intentait une accusation de plagiat contre M. Bret en prétendant que ce dernier avait reconduit dans sa pièce intitulée Mauvais riche les meilleures situations, les personnages et les plus excellents traits empruntés de sa comédie, le Faux généreux ([42]).  Une telle accusation mit M. Bret en rage, qui assurait qu’il n’avait jamais connu ni l’accusateur ni sa comédie tout en affirmant que les allégations de M. D’Arnaud ne visaient qu’à dénigrer sa réputation. Toutefois, les défenses de M. Bret ne présentent aucun déni précis contre l’accusation et nous tendons à prendre les accusations de M. D’Arnaud au sérieux.

Par ailleurs, les feuilles de Bachaumont ont mis en relief un autre crime de plagiat qui capta l’attention du public de cette époque. On reprochait à monsieur de Chamfort d’avoir copié sa tragédie Mustapha et Zéangir sur celle M. Belin qui portait le même titre ([43]). On y découvrait un plagiat manifeste, non seulement du sujet, mais du plan entier, de l’intrigue et presque de toutes les scènes. Afin d’affirmer l’authenticité de sa tragédie et de pulvériser les imputations de plagiat dont le chargeait M. Belin, Chamfort s’efforça de changer sept fois le dénouement ([44]) de sa pièce, mais tous ces essais ne réussirent pas à dissiper les préjugés et Bachaumont écrivait, le 1er janvier 1778, que tout cela « est une grande opération [changement le dénouement] pour un poète qui a été douze ans à se traîner sur les pas d’un autre, et à calquer sa tragédie sur la sienne. Il n’est pas encore prêt » ([45]).    

Les accusations de plagiat n’étaient pas adressées seulement aux écrivains, les troupes théâtrales étant également victimes de plagiat. La troupe des Comédiens italiens intentaient une telle accusation contre celle du Théâtre français. Elle reprochait à sa rivale d’avoir copié les divertissements et la musique de la représentation d’une pastorale intitulée Hylas et Sylvie de Rochon de Chabannes ([46]). De sa part, le Théâtre français ripostait en alléguant la propriété de ces entractes ; cette contestation occasionna des méchancetés et de ridicules échanges. Car, au lieu de mettre un terme à ce différend, les deux troupes théâtrales y virent un moyen gratuit de propagande. 

À l’opposition des autres genres littéraires, la poésie se présentait comme le genre le moins plagié au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Tous les numéros des nouvelles à la main de Bachaumont, qui s’étendent de 1762 jusqu’à la fin de l’année 1778, n’enregistrent que cinq cas de plagiat. Citons, à titre d’exemple : les accusations intentées par Voltaire contre M. de la Harpe ([47]). Cet écrivain, lauréat de l’Académie française, a pillé les quatrième et cinquième chants de la Guerre civile de Genève de Voltaire. Ce philosophe déiste irrité de ce plagiat et des tracasseries qui en résultaient déclara qu’il coupait toute relation avec M. de la Harpe ou ce «petit auteur», selon l’expression de Voltaire. Après un certain temps, des amis communs sont intervenus pour régler ce litige, et Voltaire pardonna à M. de la Harpe. Cette indulgence voltairienne n’était pas sans arrière-pensée, Voltaire cherchant sans doute à regagner l’affection et l’appui du public après avoir été lui-même accusé de plagiat par M. de Sauvigny.

Dans le monde de l’Opéra, le plagiat a pris de nouvelles dimensions où le plagiaire ne se contentait pas de piller l’ouvrage des autres, mais il volait aussi la musique, les danses, les masques et les décors. Les imputations les plus célèbres dans ce domaine sont venues de D’Auberval, maître des Ballets de Bordeaux, contre Gardel, maître des Ballets de l’Opéra de Paris, qui a calqué ses plans de pantomimes sur ceux de D’Auberval. « Il faut entendre la défense de celui-ci », peut-on lire dans un numéro du Journal d’un observateur daté du 29 août 1785([48]). Gardel ne se défendait jamais, laissant ainsi une porte ouverte aux diffamations de ses adversaires qui ont réussi à pousser le public à demander à la Cour la démission de M. Gardel de l’Opéra de Paris ([49]). Cependant, la Cour ne prêta pas une oreille attentive aux vœux du public et chercha plutôt à protéger un des favoris de la famille royale. Donc, on peut ajouter aux tares de la Monarchie absolue une autre, c’est la protection des plagiaires. 

Un autre exemple concernant des accusations de plagiat dans le milieu de l’Opéra mérite d’être cité : M. Philidor, membre de l’Opéra de Paris et musicien connu pour son talent, avait été accusé de plagiat pour son opéra, Ernelinde. On prétendait qu’une grande partie de son opéra était plutôt due à de grands musiciens italiens. Afin d’en fournir la preuve, on publia un livre sous le titre de Collection des œuvres de Philidor, cet ouvrage se présentant comme une étude comparative entre la musique de M. Philidor et celle des grands maîtres italiens ([50]). On n’écoutait pas les défenses de M. Philidor contre ces accusations de plagiat documentées et on laissa la polémique se jouer dans le Journal d’un observateur, bien que les propos qu’on y publia fussent dépourvus de toute argumentation académique.

Au moment de quitter la salle somptueuse de l’Opéra de Paris, une question nous vient à l’esprit : pourquoi le plagiaire s’en tirait-il sans trop de conséquences ? La réponse vient sans doute de la place prépondérante qu’occupe l’opéra au cours du règne de Louis XVI. L’opéra, cet art italien, était l’un des divertissements les plus goûtés par les nobles et la famille royale ([51]), qui se souciaient peu des polémiques. Au cours des représentations données à Versailles et dans les autres châteaux de la noblesse et de la haute bourgeoisie, les acteurs, les danseurs, les musiciens et les chorégraphes pouvaient étendre leur réseau de connaissances ([52])susceptibles de leur obtenir des privilèges infinis dans tous les secteurs de l’État. Et, pour leur part, les nouvellistes devaient appuyer les décisions de l’administration dans n’importe quel litige pour avoir la possibilité de publier les annonces des spectacles de cet établissement artistique, lesquelles représentaient la base du budget de ces feuilles volantes ([53])

Tournons-nous maintenant vers les journaux en considérant, par exemple les imputations de plagiat intentées par le Journal étranger contre le Journal des savants. Sans aucun changement, ce dernier a copié les remarques et les commentaires du premier sur la traduction française pour la version anglaise des Poésies d’Erses de Madame la Duchesse d’Aiguillon ([54]).  Le Journal des savants garda le silence sur ces accusations qui indifféraient assez ses lecteurs. L’absence d’une punition sévère contre ce plagiat ouvrait toutefois la porte aux autres périodiques qui n’hésitaient pas à se piller mutuellement.

 Tous ces plagiats, réels ou inventés, mettaient la stabilité de la vie intellectuelle en danger et tourmentaient les esprits des auteurs honnêtes qui cherchaient à éviter d’être accusés de plagiat. En lisant les articles du Journal d’un observateur, on peut voir à quel point les imputations de plagiat devenaient une obsession chez les écrivains. Citons quelques exemples : M. Durosoy, qui imprimait une tragédie intitulée le Siège de Calais, rendait compte, dans une préface assez longue, d’une comparaison entre sa pièce et celle de Belloy qui portait le même titre tout en affirmant que sa tragédie était bien antérieure à la pièce de Belloy ([55]). Citons un autre exemple : la peur d’être accusé de calquer sa comédie intitulée Sorcière par hasard sur la Fausse magie, comédie de Marmontel, poussa M. Framery à présenter au public une histoire très détaillée du processus de l’écriture de sa pièce ([56]). Ces exemples contribuent à montrer que cette atmosphère de suspicion perturbait le monde littéraire et enracinait dans les esprits une sorte de phobie du plagiat.

Toutefois, le plagiat n’était pas le seul phénomène qui semait la perturbation dans le monde littéraire lors de la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors qu’une guerre éclatait entre les libraires et les auteurs. Tout essai de réconciliation était voué à l’échec ; la Cour se vit obligée de renvoyer ce dossier devant la justice. 

 

 

3.L’auteur-libraire-lecteur : relation de complémentarité ou d’hostilité ?

            La Renaissance ayant redécouvert les Anciens, le XVIIe siècle considéra comme sacré l’héritage que lui laissa le siècle qui l’avait précédé. Mais cet édifice intellectuel était basé sur un substrat immobile et tout changement qui pouvait secouer cet ordre intellectuel immuable était exclu et refusé :

Demeurer ; éviter tout changement, qui risquerait de détruire un équilibre miraculeux : c’est le souhait de l’âge classique. [...]. L’esprit classique, en sa force, aime la stabilité : il voudrait être la stabilité même. [...]. On a soustrait la politique, la religion, la société, l’art, aux discussions interminables, à la critique insatisfaite ([57]).

 

 

Alors que l’esprit qui caractérisait le siècle classique était le respect de la trinité sacrée : la religion, le Roi et les Anciens, celui du XVIIIe siècle dédaignait cette vénération et cette soumission qu’on jugeait servile à bien des égards. Dans une lettre à la princesse Dashkoff, Diderot manifestait l’esprit du XVIIIe siècle en ces termes : « chaque siècle a son esprit qui le caractérise. L’esprit du nôtre semble être celui de la liberté » ([58]). Cette nouvelle idéologie de nombreux auteurs tentaient de la communiquer au public ; mais le métier d’auteur, tout spécialement à cette époque, était peu rémunéré ([59]). Dépourvu des fonds nécessaires pour l’impression de son manuscrit, l’auteur frappait à la porte d’un mécène. Mais la multiplication du nombre des manuscrits dans toutes les branches de la connaissance rendait difficile cette recherche d’un mécène ([60]). La bourgeoisie entra alors en scène y voyant une manière de faire fructifier ses capitaux. Le métier de libraire ou d’imprimeur ou, selon un terme employé à l’époque, de « faiseurs de livres » devint à la mode. Mais quelle était la nature de la relation entre l’auteur et son éditeur à la fin de l’Ancien Régime ? Voyons de quelle manière cette relation est décrite dans le Journal d’un observateur.

« Si vous êtes un homme, allez lire et écrire », voilà l’une des idées fortes que prônait une certaine partie de la société de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’écrivain qui tentait de se faire une place sur la scène intellectuelle disposait de deux moyens pour y parvenir : le premier était d’éditer son manuscrit à son compte, cette pratique autonome et facile était l’apanage d’une certaine société d’auteurs issus de la noblesse ou de la bourgeoisie ([61]).  Celui qui ne disposait pas des fonds nécessaires devait avoir recours aux libraires qui, dans ce cas, offraient un somme d’argent contre la cession complète de l’œuvre. En vertu de ce contrat, toutes les recettes des ventes du livre revenaient au libraire. Ce gain sommaire que l’auteur retirait de la vente de son manuscrit n’était pas loin de la convoitise des libraires. Afin de soustraire aux droits monétaires des auteurs, les imprimeurs s'efforçaient de dessiner une image utopique et idéale de l’écrivain tout en enracinant dans l’esprit du public le mépris profond pour l’auteur qui cherchait une rétribution monétaire de sa production intellectuelle ([62]). Contre l’exploitation des libraires, les écrivains employaient leurs talents oratoires pour solliciter la protection de la Cour, mais il fallut un certain temps pour que cette dernière prête une oreille attentive à leurs requêtes. Nous trouvons des échos de cette situation dans les nouvelles à la main de Bachaumont, alors qu’il mentionne l’Avis aux gens de lettres. Fenouillot de Falabaire ([63]), auteur de cette brochure, y dessine une image déplorable de la condition des gens de lettres en France à la fin de l’Ancien Régime : « gémissant sous le joug des libraires, travaillant en vils esclaves au champ fécond de la littérature, tandis que ces maîtres durs recueillent tout le fruit de leurs sueurs, et vivent à leurs dépens dans l’abondance et dans le luxe.» ([64]). L’auteur ne se contente pas de chercher à captiver l’attention du Roi et du public par des expressions touchantes, mais il compare les procédés des libraires de Paris et de ceux de Londres envers les auteurs, et il en fait voir l’énorme différence à la honte des premiers tout en présentant l’exemple de l’écrivain anglais, Robertson, qui a vendu le manuscrit de son livre intitulé Histoire de Charles Quint pour quatre mille guinées ; tandis que le privilège de l’impression de l’Encyclopédie, ce vaste dépôt de toutes les connaissances humaines, a été vendu par Diderot pour cent pistoles de rentes viagères, bien que ce dictionnaire énorme ait rapporté plus de deux millions en gain aux libraires. L’auteur de l’Avis aux gens de lettres termine sa brochure par une péroraison où il incite ses confères à la révolution contre l’exploitation des libraires, à s’aider mutuellement dans l’impression et la vente de leurs ouvrages ([65]).

Cet appel à réagir devait inspirer certains auteurs dont, entre autres, Luneau de Boisjermain, écrivain et critique connu par des ouvrages estimables et surtout pour son Commentaire des tragédies de Racine. Il apparaît dans les feuilles de Bachaumont comme le Spartacus des écrivains victimes des libraires de Paris. Il menera une guerre sans merci contre la tyrannie et l’avidité des imprimeurs tout en exhortant les auteurs à faire imprimer leurs ouvrages à leurs frais et à les faire débiter personnellement ou par des subalternes de confiance. Luneau de Boisjermain lui-même fit imprimer ses ouvrages à son compte et les vendit au public depuis son domicile ou par la poste. Les libraires ont considéré les tentatives de Luneau de Boisjermain pour une plus grande autonomie et une capacité de vivre de sa plume comme une menace qui méritait d’être affrontée avec sérieux. Monsieur Sartine, lieutenant de police et inspecteur de la librairie, recevait tous les jours des requêtes et des représentations de la part des libraires contre Luneau de Boisjermain. Ils l’accusaient de contrevenir aux règlements du Code de la librairie et imprimerie de Paris qui interdisaient :

à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, autre que les libraires et imprimeurs, de faire le commerce de livres, en vendre et débiter aucuns, les faire afficher pour les vendre en leurs noms, soit qu’ils s’en disent les auteurs ou autrement ([66])

 

 

En se basant sur cet article, le jugement rendu par Sartine dans ce procès fut en faveur des libraires et il ordonna la saisie de tous les livres mis en vente. Luneau de Boisjermain répliquaà ce jugement dans quatre mémoires successifs où il cherchait à prouver qu’il n’avait pas vendu et débité des livres et qu’il ne les avait point fait afficher pour les vendre ([67]). L’auteur reçut un large appui ([68]) de la part des gens de lettres[69] qui s’efforçaient de lier cette cause à toutes les autres du même genre et qui rejoignaient beaucoup d’autres auteurs : « Une affaire particulière, devenue presqu’une affaire générale entre les gens de lettres et les libraires […] » ([70]). Dans cette cause, Le journal d’un observateur renonça à toute impartialité et mit tout en œuvre pour orienter l’opinion publique en faveur de Luneau de Boisjermain, en choisissant, par exemple, des expressions émouvantes ou fortes pour influencer les points de vue des lecteurs : « tyrannie des libraires envers les gens de lettres ; sous le joug des libraires ; vils esclaves ; rapacité dévorante des libraires ; sangsues des auteurs.» ([71]), etc.

            Après un flux de mémoires issus des deux camps justiciables, monsieur Sartine prononça, le 30 janvier 1770, un jugement favorable à Luneau de Boisjermain dans lequel il signifiait la mainlevée de la saisie faite chez Luneau de Boisjermain et le paiement de 300 livres de dommages et intérêts à monsieur de Boisjermain ([72]).

Tous les auteurs accueillirent avec allégresse ce règlement qui secouait le joug de la servitude tout en affirmant leur affranchissement de l’autorité des libraires. Le procès de Luneau de Boisjermain contre les libraires s’est affiché comme un conflit des intérêts et du droit entre deux corporations complémentaires. Cette cause a montré que la relation entre les gens de lettres et les libraires était au bord du précipice et avait besoin de l’intervention de la Cour. Le Roi a finalement répondu aux revendications des auteurs pour une plus grande autonomie en promulguant deux arrêts successifs (août l777 et juillet 1778) qui stipulaient le droit de l’auteur d’imprimer et de vendre ses propres ouvrages à condition qu’il ne le rétrocède à aucun libraire ; la durée du privilège obtenu par l’imprimeur de la part de l’auteur était de dix ans et non renouvelable ([73]). Les libraires considérèrent ces décrets comme une privation de leurs prérogatives acquises de longue date. Ils entrèrent en lice juridique avec le gouvernement. Les feuilles de Bachaumont ont consacré un grand nombre de pages pour exposer les réactions des libraires de Paris contre ces nouvelles lois. Il suffit d’en citer un exemple ayant pour titre : Les très-humbles et très respectueuses représentations adressées au roi par les libraires et imprimeurs-jurés de l’université de Paris ([74]). Cette pétition tendait à convaincre le Roi que les différentes dispositions de ses deux arrêts attaquaient plus ou moins directement leurs droits et menaçaient leurs acquis.

En feuilletant tous les numéros des feuilles volantes de Bachaumont, nous avons remarqué que la Cour garda un silence absolu devant les remontrances des libraires, les arrêts prononcés par la Cour donnant assez à penser sur la position adoptée. Par ailleurs, à la suite de notre étude des divers autres décrets royaux concernant les droits des auteurs, nous avons pu constater le support que leur a accordé la Monarchie. Mais ce soutien matériel et phycologique, présenté par le journal de Bachaumont et par le gouvernement aux auteurs, nous incite à s'interroger sur ses raisons. Il est très important de signaler que la plupart de nouvelles à la main à cette période a vu le jour au sein des salons littéraires fréquentés régulièrement des écrivains et des intellectuels.  Les membres de ces boudoirs ont réussi à fonctionner ces feuilles volantes pour jouer un rôle publicitaire dans leur conflit contre les libraires. Mais à cette raison idéologique s'ajoute une autre raison technique qui compliquait l’affaire. La chambre de la librairie de Paris a décidé d’augmenter les prix des papiers et les frais de l’impression des manuscrits ([75]), ce qui allumait la colère des nouvellistes contre l’avidité des imprimeurs.

D’ailleurs, les problèmes économiques et politiques de la Monarchie à la fin de l’Ancien Régime portaient atteinte à sa splendeur des siècles précédents. À l’opposition de son père qui portait l’appellation de : Bien Aimé, Louis XVI méritait d’être qualifié de "Mal aimé", son échec persistant dans le traitement des problèmes de la France sur la scène mondiale et nationale, et surtout la crise financière, mettait son pouvoir au cible des critiques des penseurs et des écrivains qui stigmatisé toutes les tares de la société contemporaine à travers leurs écrits. La figure traditionnelle des hommes de lettres au XVIIe siècle, qui ne s’intéressait qu’à des thèmes en rapport avec la vie dorée des castes aristocratiques, a été transformée totalement à la fin de l’Ancien-Régime. Ils avaient une tendance à instruire l’opinion publique, à la diriger et à jouer un rôle sociale ([76])Lors de la préparation du projet loi de loi à la première lecture, la Cour prenait parti à donner des privilèges aux hommes de lettres pour les utiliser pour enjoliver son image sombre.

Donc, les hommes de lettres jouissaient de certains privilèges au grand dam et à la colère des libraires. Ces décrets ont réussi à fournir aux auteurs la protection adéquate pour pratiquer un métier dont l’indépendance et la liberté représentaient un aspect essentiel.  Dans ce cas, l’auteur pouvait espérer toucher une part convenable des recettes des ventes. Ces nouvelles mesures privaient les libraires de revenus considérables, aussi ont-ils cherché d’autres sources, telle la souscription, pour compenser ces pertes ; et ce furent les lecteurs qui en firent les frais.

La souscription se composait de : « l’obligation de prendre un certain nombre d’exemplaires d’un livre qu’on doit imprimer, et une obligation réciproque de la part du libraire, ou de l’éditeur, de délivrer ces exemplaires dans un certain temps.»([77]) . Ce système de financement permettait aux libraires de collecter à l’avance des fonds nécessaires pour l’impression d’un ouvrage et aux souscripteurs de recevoir des exemplaires des livres à des prix forfaitaires.  Selon les dispositions de larrêt de 1777, l’auteur ou l’imprimeur avait le droit d’offrir une œuvre en souscription, mais il devait faire imprimer le prospectus qui expliquait la forme de l’œuvre à venir, son prix, etc.… ([78])

Poussés par leur avidité, la plupart des libraires n’ont pas rempli les conditions du prospectus des ouvrages présentés lors de la souscription. Ainsi, Le journal d’un observateur rapporte le cas qui a concerné la souscription de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ([79]).

Luneau de Boisjermain est entré de nouveau en scène, mais cette fois comme un des souscripteurs de l’Encyclopédie. Il présenta, le 13 mars 1770, un mémoire concernant l’impression de l’Encyclopédie dans lequel il accusait les libraires, Briasson et Breton, de ne pas avoir respecté les engagements prévus dans le prospectus (publié en 1750) de la souscription de ce vaste dictionnaire. Selon le prospectus de l’Encyclopédie, les libraires associés à l’impression de l’ouvrage s’étaient engagés à livrer aux souscripteurs, entre le 1er octobre 1750 et le 1er mai 1750, moyennant 280 livres, un exemplaire de l’Encyclopédie imprimé en dix volumes, dont deux étaient composés de planches. En réalité, ces clauses n’ont jamais été remplies et les libraires ont plutôt imprimé cet ouvrage en vingt-sept volumes, qu’ils ont vendus au prix de 373 livres ; les souscripteurs se sentirent lésés par cette violation flagrante des articles du prospectus ([80]).  

Le procès allait se prolonger jusqu’en 1777 et il est intéressant de voir que, si Le journal d’un observateur consacra plus d’espace aux réquisitoires des libraires qu’aux remontrances de Luneau de Boisjermain (16 articles contre 6 articles), c’était afin de pouvoir déconstruire plus aisément leurs arguments([81]). Par ailleurs, Bachaumont n’hésitait pas à utiliser l’humour pour attirer un large public vers le camp de Luneau de Boisjermain, comme en font foi quelques représentations de certains plaidoyers de Luneau de Boisjermain devant le tribunal ([82]). Toutefois, les défenses de Luneau de Boisjermain étaient mal fondées tandis que les allégations des libraires associés à l’impression de l’Encyclopédie étaient bien documentées, ce qui poussa le tribunal à prononcer son jugement en faveur des imprimeurs et à condamner Luneau de Boisjermain à tous les dépens ([83]).

On ne peut passer sous silence l’intervention de Diderot, directeur de l’Encyclopédie, dans cette cause. Il fit, en effet, parvenir une lettre à la libraire, datée du 31 août 1771, dans laquelle il se portait à leur défense. Dans le Journal d’un observateur, on critiqua cette immixtion de Diderot dans le différend :

On est fâché de le voir se compromettre et s’exposer au soupçon de passer pour le suppôt et le gagiste de ces libraires. On ne voit pas quel autre motif raisonnable a pu le déterminer à se donner ainsi en spectacle et à jouer un personnage, dont il ne peut résulter qu’un grand ridicule pour lui dans le public.([84])

 

 

Nos recherches ont toutefois montré que Diderot n’eut pas toujours la même attitude dans cette histoire. En lisant sa correspondance, nous avons trouvé qu’il se plaignait de l’exploitation des imprimeurs de l’Encyclopédie, se rangeant du côté de Luneau de Boisjermain au commencement de son litige avec les libraires associés ([85]). Plus tard, il adoptera une attitude très hostile envers Luneau de Boisjermain, mais pourquoi ? Diderot pensait-il que son soutien pour le camp de Luneau de Boisjermain pouvait nuire à sa relation avec les libraires, d’autant plus que tous les volumes de l’Encyclopédie n’étaient pas encore parus ? Si l’on en croit Proust, dans son étude intitulée Diderot et l’Encyclopédie, la raison de ce revirement imprévu chez Diderot serait l’engagement des libraires à assurer une dot à sa fille ([86]).

De ce qui précède, on peut inférer que l’exploitation, l’injustice et l’hostilité déterminaient une part de la relation auteur-libraire-lecteur à la veille de la Révolution française et ceci, dans un contexte où naissait une bourgeoisie pour laquelle le mercantilisme prenait ses distances avec une pensée aristocratique qui, jusque-là, avait considéré avec un certain dédain le fait de publier un ouvrage avec le dessein d’en tirer un revenu. Toutefois, les relations tendues qui existaient entre les auteurs et les libraires n’étaient que l’un des aspects des difficultés que rencontraient les auteurs lorsqu’il s’agissait de publier un ouvrage. La censure, en effet, constituait un problème non négligeable et plusieurs, pour la contourner, se tournèrent vers la Hollande, beaucoup plus ouverte que la France.

 

 

4. La censure

Tous les systèmes despotiques voyaient dans la liberté d’expression une menace considérable mérite d’être répressive. Ils se sont appliqués à enraciner dans l’esprit du public les principes de la soumission et de la sujétion et à éviter tout changement dans le statu quo par tous les moyens juridiques ou policiers. Dès les débuts de l’apparition de l’imprimerie en France, l’Église s’inquiéta de ce nouveau moyen de diffusion des idées et particulièrement de celles qui concernaient la religion « prétendue réformée ». C'est ainsi que le clergé présenta, le 7 juin 1533, une requête à François Ier pour abolir, par un édit, l’art typographique sous le prétexte de sauver le dogme catholique ([87]).

La Cour ne répondit pas à ces sollicitations mais chercha tout de même des moyens pour contrôler le flux des imprimés qui pouvaient contenir des idées subversives ; dans ce but on créa un Index qui comprenait la liste des livres défendus, ceux qui se risquaient à en publier ou à les vendre se voyant menacés d’anathème, voire de l’autodafé en cas de récidive ([88]). Les arrêts et les règlements politiques et religieux se succédaient pour tenter de contrôler les publications de tous genres, qu’il s’agisse de romans ou d’écrits scientifiques. La France, tout particulièrement, a exercé, dès le XVIIe siècle, un contrôle des plus sévères à cet égard. La censure était partout et, bien que, comme nous l’avons vu, son système n’était pas parfait, la liberté d’écrire et la libre pensée étaient menacées ([89]). Sur ce point, Le journal d’un observateur jette un jour intéressant.    

Afin d’obtenir le privilège royal pour l’impression et la vente d’un livre, l’auteur devait présenter son manuscrit à la Direction de la librairie, attachée directement à la Cour, qui nommait, par un décret royal, des commissaires, c’est-à-dire des censeurs spécialisés dans le sujet que traitait le manuscrit. On avait l’habitude de déterminer le nombre de ces examinateurs selon les volumes que contenait l’ouvrage : un censeur pour une œuvre en un seul volume et quatre pour examiner les écrits en plusieurs tomes ([90]). Le rapport positif du censeur royal ne représentait qu’une permission d’imprimer le manuscrit, mais l’approbation pour la mise en vente de l’imprimé était délivrée par la police de la librairie qui nommait un autre censeur dont la tâche principale était de vérifier la conformité de l’imprimé avec le manuscrit et avec les corrections exigées ([91])

Les censeurs royaux jouissaient de prérogatives étendues. Ils ne se contentaient pas d’inspecter les manuscrits, mais ils avaient aussi le droit de donner leur avis sur les écrits circulant dans les salons littéraires et même sur ceux présentés pour un prix académique. Leurs rapports, qu’ils présentaient au Roi, pouvaient mener à retirer le prix de l’Académie. Ainsi, l’Académie française ayant décerné le prix de poésie pour l’année 1764 à Monsieur de Chamfort pour sa pièce intitulée La jeune indienne, un censeur spécialisé dans le domaine de la théologie démontra qu’on trouvait dans ce poème les principes laïques de Rousseau et d’Helvétius ([92]) ; bien que ces accusations aient été fermement rejetées par la commission littéraire de l’Académie, la Direction de la librairie exigea de l’Académie qu’elle lui soumette les écrits présentés au concours à la censure royale.    

De même que la police de la librairie, les censeurs royaux n’étaient pas toujours d’une parfaite rectitude morale et acceptaient volontiers de signer une permission de publier contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Les autorités étaient très attentives aux manœuvres malhonnêtes de ces fonctionnaires royaux et sanctionnaient sévèrement le censeur soudoyé qui pouvait se voir enfermé à la Bastille ([93]). Si une relation d’amitié entre le censeur et l’auteur pouvait faciliter et accélérer les procédures administratives, certains auteurs n’hésitaient pas, pour leur part, à offrir un espace au censeur pour qu’il publie dans leur ouvrage une œuvre de son cru ([94]). Afin de mettre un terme à ces comportements, on défendit qu’il y ait la moindre relation entre l’écrivain et son censeur ([95]) ; en cas de contravention, la Direction de la librairie retirait le nom de l’accusé de la liste de ses censeurs et confisquait le manuscrit de l’écrivain ([96]).

Le journal d’un observateur nous rappelle aussi que les censeurs royaux fréquentaient les théâtres pour s’assurer que le texte de la pièce présentée correspondait bien à celui pour lequel l’auteur avait reçu une approbation. Les comportements des acteurs sur la scène faisaient également l’objet de leur examen. Ils faisaient leur rapport au directeur du théâtre et l’omission de se soumettre à leurs recommandations pouvait entraîner l’interdiction de présenter la pièce et même la fermeture du théâtre ([97]).

Pour les autorités religieuses, ces mesures de la censure manquaient encore de rigueur et, pour endiguer toute forme d’hérésie menaçant le dogme catholique, elles désiraient rendre obligatoire l’approbation de la Faculté de théologie pour obtenir le privilège qui permettait de publier un ouvrage. Le journal d’un observateur a critiqué, dans plus d’une centaine d’articles, l’immixtion de la religion dans le domaine de la vie intellectuelle et scientifique ([98]), rappelant que ses décisions étaient souvent dictées par l’ignorance et le préjugé ([99]).

Mais toutes ces mesures répressives ne réussissaient pas à endiguer la circulation des ouvrages les plus audacieux, des nouvelles à la main et des pamphlets, lesquels étaient imprimés clandestinement et circulaient sous le manteau à Paris. Les écrivains des ouvrages refusés par la Direction de la librairie ne mettaient pas les armes, mais ils confiaient leurs manuscrits aux imprimeurs étrangers (en Hollande, le plus souvent) et la vente aux colporteurs. Le risque, bien entendu, n’était pas absent et ceux qui se faisaient prendre dans ce jeu de cache-cache avec la censure, se retrouvaient à la Bastille et l’imprimeur voyait son commerce fermé ([100]).

 

 

CONCLUSION

Pour conclure, le plagiat littéraire, le conflit entre les gens de lettres et les libraires de même que la censure constituaient quelques-uns des problèmes essentiels qui occupaient la République des Lettres à la veille de la Révolution française. Toutefois, la diffusion des idées, le droit au libre arbitre et à la libre-pensée demeuraient des enjeux majeurs pour nombre de philosophes et d’auteurs et, à cet égard, l’imprimerie tout comme la circulation d’ouvrages sous le manteau résistèrent aux nombreux arrêts de la Cour et aux condamnations que réclamait l’Église. Ainsi, de tous ceux qui ont bravé les interdits dans ce siècle des Lumières, on peut dire qu’ils ont sans doute contribué à éclairer les esprits et cherché à agir selon cette formule de Kant qui, à la question Qu’est-ce que les Lumières ? (1784), répond qu’elle est « la sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable », la minorité étant « l’incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’autrui.»([101]).

 

 

Ouvrages cités

Corpus

Louis Petit de Bachaumont, Pidansat de Mairobert, Mouffle d'Angerville: Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des Lettres en France, depuis MDCCLXII, ou Journal d'un observateur, contenant les analyses des pièces de théâtre qui ont paru durant cet intervalle, les relations des assemblées littéraires…, Londres, chez John Adamson, 1789, 36 volumes (11734 pages).

 

 

Ouvrages sur l'édition et l'imprimerie

-André Chevillier :L’origine de l’imprimerie de Paris. Dissertation historique et critique divisée en quatre parties, Paris, éd. J. de Laulne, 1694 (472 pages).

-Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes :Mémoires sur la librairie et sur la liberté de la presse, Paris, Agasse, 1809 (435 pages).

-Code de la librairie et imprimerie de Paris, ou Conférence du règlement arrêté au Conseil dÉtat du Roy, le 28 février 1723[...] avec les anciennes ordonnances [...] depuis lan 1332 jusquà présent, Paris, Quillau, 1744 (573 pages).

-Jules Andrieu:La censure et la police des livres en France sous lAncien Régime : une saisie de livres à Caen en 1775, Paris, J. Michel et Médan, 1884 (55 pages).

-Lettres iroquoises, ou correspondance politique, historique et critique entre un iroquois voyageant en Europe, et ses correspondants, Londres, Au berceau de la vérité, 1783, t. II(306 pages).

-Louis-Pierre Manuel :La police de Paris dévoilée, Paris, J. B. Garnery, 1793. t. I(440 pages).

 

 

Ouvrages sur le journalisme

-Édouard Fournier:Variétés historiques et littéraires : recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers, Paris, Pagnerre, 1855-1863, t. VIII (352 pages).

-Eugène Hatin :Histoire politique et littéraire de la presse en France : avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1859, t. I (505 pages).

-Eugène Hatin,Le journal, Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, 1800(198).

-Frantz Funck Brentano : Figaro et ses devanciers, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1909 (400 pages).

-Gabriel Peignot :Essai historique sur la liberté décrire chez les anciens et au moyen âge ; sur la liberté de la presse depuis le XVe siècle, et sur les moyens de répression dont ces libertés ont été l’objet dans tous les temps [...] suivi d’un tableau synoptique de l’état des imprimeries en France en 1704, 1739, 1810, 1830, et d’une chronologie des lois sur la presse de 1789 à 1831, Paris, Crapelet,1832(233 pages).

-Mélanie Blais :Une plume pour écrire, une feuille à envoyer. Les nouvellistes à la main à Paris au XVIIIe siècle, mémoire présenté pour l’obtention du grade de Magistère, Université de Sherbrooke, décembre 2002(195 pages).

 

 

Ouvrages généraux

-Daniel Roche :Le siècle des Lumières en province. Académie et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, Mouton, 1978, t. I (394 pages).

-Denis Diderot :Correspondance, Paris, Minuit, 1964, t. XI (272 pages).

-DenisDiderot et Jean Le Rond D’Alembert :Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Lausanne, chez les Sociétés Typographiques, 1781, vol. XXXI, (660 pages).

-Denis Diderot : Œuvres de Denis Diderot publiées sur les manuscrits de l’auteur, Paris, Deterville, 1800, t. IV (550 pages).

-Édouard Fournier :Chroniques et légendes des rues de Paris, Paris, Dentu, 1864, p. 279.

-Feuillet de Conches :Les salons de conversation au dix-huitième siècle, Paris, Charavay frères, 1882 (227 pages).

-François Ravaisson Mollien :Archives de la Bastille : documents inédits, Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1866, t. XVI (522 pages).

-Gustave Vapereau :Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876(2096 pages).

-Jacques Saint-Germain :La vie quotidienne à la fin du Grand Siècle, Paris, Hachette, 1965(320 pages).

-Jean-Jacques Rousseau :Les confessions, Paris, Firmin-Didot frères, 1844(622 pages).

-Louis-Antoine Caraccioli, Louis Sébastien Mercier :Les entretiens du Palais-Royal, Paris, Buisson, 1788, t. II (219 pages).

-Nicolas Boileau-Despréaux :L’art poétique, Paris, Delalain, 1815, chant IV, p.  36.

-PaulHasard :La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, éd. Boivin et Cie, 1935(474 pages).

-Roger Chartier :Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 1990 (244 pages ).

-Voltaire :Correspondance, Paris, Gallimard, 1963, t. X, p.  15).

 

 

Les articles parus dans les périodiques informatisées :

-Denis Malo, « Diderot et la librairie : l’impensable propriété »,Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, no 10, 1991, p.  57-90, [en ligne] :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_07690886_1991_num_10_1_1100; page consultée le 6 mars 2013).

-Édouard Langille,L’histoire de Tom Jones, ou l’enfant trouvé (1750) et la genèse de Candide, Paris,Presses universitaires de France/Revue d’histoire littéraire de la France, 2008/2, vol. 108, p.  269-287, [en ligne] :http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RHLF&ID_NUMPUBLIE=RHLF_082&ID_ARTICLE=RHLF_082_0269 (pageconsultée le 5 mars 2012).

-Emmanuel Kant :Qu’est-ce que les Lumières ? (1784), [en ligne] :http://www.cvm.qc.ca/encephi/contenu/textes/kantlumieres.htm

-François Moureau, « Informer et diffuser la pensée dans la France du dernier siècle de l’Ancien Régime »,Lumen, vol. 28 (Travaux choisis de la Société canadienne détude du dix-huitième siècle), 2009, p. 29-50, [en ligne] :http://id.erudit. org/iderudit/1012036ar (page consultée le 2février 2012).

-Gazette de France, [en ligne] :http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41590953d ; page consultée le 10 février 2012).

-Hélène Maurel-Indart, « Le plagiat littéraire : une contradiction en soi ? »,L’information littéraire, 2008/3, vol. 60, p.  55-61, [en ligne] :http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2008-3-page-55.htm (pageconsultée le 26 février 2012).

-Jean-Marc Civardi, « Quelques critiques adressées auCid de Corneille en 1637-1638 et les réponses apportées »,L’information littéraire, 2002/1, vol. 54, p. 12-26, [en ligne] :http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2002-1-page-12.htm(page consultée le 30 février 2012).

-Omont Henry, « Un plagiat littéraire au XIIesiècle. La vie de saint Willibrord, évêque d’Utrecht, par le prêtre Egbert », dansComptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n. 1, 1903, 47e année, p.  98-100, [en ligne] :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1903_num_47_1_19293(page consultée le 26 février 2012).

 

 

Les articles parus dans les périodiques :

-Alexandre Eckhardt, « Ronsard accusé de plagiat.  L’invention de l’églogue », Revue du Seizième Siècle, tome VII, 1920, p. 235-247.


([1])-«Chercher depuis quand le journal existe, c’est en apparence, chercher depuis quand les hommes sont sociables, tant la vie commune nous semblerait impossible aujourd’hui sans ce merveilleux instrument de communication.» (Eugène Hatin, Le journal, Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, 1800, p. 7.)

([2])-Cf. François Moureau, « Informer et diffuser la pensée dans la France du dernier siècle de l’Ancien Régime », Lumen, vol. 28 (Travaux choisis de la Société canadienne détude du dix-huitième siècle), 2009, p. 29-50, [en ligne] : http://id.erudit. org/iderudit/1012036ar (page consultée le 2 février 2012).

([3])-Cf. Eugène Hatin, op.  cit. p. 9.

([4])-Plusieurs études sont consacrées à ce thème : on peut citer à titre d’exemple, Jean-Pierre Seguin : Linformation en France avant le périodique. 517 canards imprimés entre 1529 et 1631, Paris, G.-P.  Maisonneuve et Larose, 1964 et Maurice Lever : Canards sanglants, naissance des faits divers, Paris, Fayard, 1993.

([5])-Eugène Hatin, op.  cit., p. 23.

([6])-Citons un passage d’un article du premier numéro : « De Constantinople, le 2 avril 1631. – Le roi de Perse, avec 15 mille cheveux et 50 mille hommes de pied, assiège Dille, à deux journées de la ville de Babylone, où le Grand Seigneur a fait faire commandement à tous ses janissaires de se rendre sous peine de la vie, et continue, nonobstant ce divertissement-là (cette diversion) à faire toujours une âpre guerre aux preneurs de tabac, qu’il fait suffoquer par la fumée » (Gazette de France, [en ligne] : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41590953d  ; page consultée le 10 février 2012).

([7])-Il serait utile de souligner que cette ordonnance a été modifiée plusieurs fois, par exemple en 1757 et en 1777.

([8])-Cf. Code de la librairie et imprimerie de Paris, ou Conférence du règlement arrêté au Conseil dÉtat du Roy, le 28 février 1723 [...] avec les anciennes ordonnances [...] depuis lan 1332 jusquà présent, Paris, Quillau, 1744.

([9])-« Alors le Censeur donnera son jugement par écrit à M. le Chancelier, pour décider si la permission doit être accordée ; mais il ne donnera au public que le certificat qu’il a lu l’ouvrage ; ce qui ne peut jamais le compromettre » (Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes : Mémoires sur la librairie et sur la liberté de la presse, Paris, Agasse, 1809, p. 36).

([10])-Une pénalité rigoureuse fut dailleurs plusieurs fois appliquée : « Je nai pas à dresser ici un martyrologe bibliographique ; quil me suffise de citer le malheureux Martin Hommet qui [...] fut pendu à Paris pour avoir imprimé et mis en vente un pamphlet contre les Guises [...] Je rappelle encore le compagnon imprimeur Rambault qui fut soumis à la question et pendu avec le garçon relieur Larcher pour limpression et la vente dun libelle qui dut blesser vivement Louis XIV » (Jules Andrieu: La censure et la police des livres en France sous lAncien Régime : une saisie de livres à Caen en 1775, Paris, J. Michel et Médan, 1884, p. 11).

([11])-Cf. Louis-Pierre Manuel : La police de Paris dévoilée, Paris, J. B. Garnery, 1793. t. I, p. 30-31.

([12])-« Le nouvellisme, qui dabord navait été quune manie de curieux ou doisifs, devint un métier pour certains coureurs de nouvelles, qui se mettaient  aux gages de quelque grand personnage, quils avaient  charge de tenir au courant des bruits de la ville » (Eugène Hatin : Histoire politique et littéraire de la presse en France : avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1859, t. I, p. 47).

([13])-Le prix de l’abonnement de la nouvelle à main était de 6 livres par mois pour quatre pages in-4°, et de 12 livres pour huit pages. À ce propos, on peut consulter Édouard Fournier : Variétés historiques et littéraires : recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers, Paris, Pagnerre, 1855-1863, t. VIII, p. 269.

([14])-« Ce confident des ministres est remarquable par un nez dune grosseur énorme et qui sapperçoit de fort loin. Tu ne peux te former une idée de la considération dont jouit ce nouvelliste ; il tient ses audiences lorsquil fait beau dans un des jardins du grand chef; […] il est toujours entouré dune cour nombreuse.» (Lettres iroquoises, ou correspondance politique, historique et critique entre un iroquois voyageant en Europe, et ses correspondants, Londres, Au berceau de la vérité, 1783, t. II, p. 80).

([15])-La conspiration constituait une part essentielle de la vie de la Cour. À cet égard, la plupart des rois dans toute l’Europe et surtout en France avait des gazetiers à gages pour les informer de toutes les nouvelles concernant les courtisans. Après l’échec de la cabale des Importants, ou conjuration des Importants, nom donné au complot fomenté par quelques hommes de la Cour contre Mazarin, ce dernier eut recours au service des nouvellistes pour tenter de connaître les projets de ses ennemis : « les grands seigneurs avaient leur nouvelliste ou gazetier à gages, chargé de leur rapporter tous les scandales et toutes les aventures piquantes de la ville. Mazarin payait dix livres par mois un nommé Portail, pour lui "fournir des nouvelles toutes les semaines" » (Gustave Vapereau : Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1494).

([16])-Le rapport de l’inspecteur de police Poussot, daté du 16 mars 1717, cité par Brentano, confirme cette participation féminine dans le commerce des nouvelles : « La nommé Laboulaye est femme d’un sergent aux gardes françaises. Elle a déjà été plusieurs fois saisie (à cause de son métier de nouvelliste) » (Frantz Funck Brentano : Figaro et ses devanciers, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1909, p. 56).

([17])-« Mais comment n’a-t-on encore établi la confrérie des Nouvellistes, comme il y a celle des Francs-Maçons ? On s’assemblerait trois fois par semaine ; chaque associé serait obligé de fournir une nouvelle, et de payer une amende lorsqu’elle serait fausse. Les discours ne rouleraient que sur des nouveautés.» (Louis-Antoine Caraccioli, Louis Sébastien Mercier : Les entretiens du Palais-Royal, Paris, Buisson, 1788, t. II, p. 164).

([18])-« Enfin, de même que la police autorise l’envoi d’articles censurés aux abonnés, elle semble avoir adopté un troisième moyen pour solutionner ses problème de contrôle. Elle offre à certains nouvellistes des privilèges pour la rédaction de nouvelles à la main ; elle en engage qui écrivent notamment des gazettes manuscrites remplies d’éloges pour la France » (Mélanie Blais : Une plume pour écrire, une feuille à envoyer. Les nouvellistes à la main à Paris au XVIIIe siècle, mémoire présenté pour l’obtention du grade de Magistère, Université de Sherbrooke, décembre 2002, p. 123).

([19])-À cette époque, le personnage du nouvelliste inspira plusieurs ouvrages : Louise-Geneviève Gillot de Beaucour : Le galant nouvelliste : histoire du temps, 1693 ; Jean-Paul de Rome d’Ardène : Le nouvelliste, comédie en trois actes et en vers, 1743 ; Charles-François Panard : Le nouvelliste dupé, opéra-comique, en un acte, 1757. 

([20])-Il est difficile de connaître le nombre de nouvellistes embastillées, mais on peut citer comme exemple le cas de Noël : « Berryer à D’Argenson. 9 janvier 1752. Noël, commis de l’intendant de M. le comte de Caraman, etc., demande sa liberté. A été arrêté pour raison de nouvelles à la main, ayant été accusé par Baize, autre nouvelliste qui venait d’être arrêté et conduit à la Bastille. On n’a rien trouvé chez Noël quand on y a fait perquisition, mais comme il était chargé par Baize, et qu’il s’était mêlé autrefois de nouvelles, on ne put se dispenser de le mettre à la Bastille » (François Ravaisson Mollien : Archives de la Bastille : documents inédits, Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1866, t. 16, p. 195).

([21])-Cf. Jacques Saint-Germain : La vie quotidienne à la fin du Grand Siècle, Paris, Hachette, 1965, p. 260.

([22])-Nom donné au salon de Madame Doublet parce qu’il se tenait au couvent. 

([23])-Cf. Feuillet de Conches : Les salons de conversation au dix-huitième siècle, Paris, Charavay frères, 1882, p. 109.

([24])-Édouard Fournier : Chroniques et légendes des rues de Paris, Paris, Dentu, 1864, p. 279.

([25])-Dans les dernières années de sa vie, Bachaumont a réuni tous les numéros du Journal d’un observateur, de 1762 jusqu’à 1771, dans un recueil intitulé Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres en France depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours, ou Journal d’un Observateur, contenant les analyses des pièces  de théâtre qui ont paru durant cet intervalle ; les relations des assemblées littéraires ; les notices des livres nouveaux, clandestins, prohibés ; les pièces fugitives, rares ou manuscrites, en prose ou en vers ; les vaudevilles sur la Cour ; les anecdotes et bons mots ; les éloges des savants,  des artistes,  des hommes de  lettres morts [...]. Après la mort de Bachaumont et de Madame Doublet, Mathieu François Pidansat de Mairobert, censeur royal et secrétaire de la rédaction du Journal d’un observateur, a continué à publier ce journal puis Moufle d’Angerville s’est chargé de cette mission jusqu’à la fin de l’année 1778, date du dernier numéro de ces nouvelles à la main.

([26])-Pour les citations de ce Journal, nous nous sommes basé sur le recueil des articles de 1762 jusqu’à 1787 imprimé à Londres en 1789 chez John Adamson en 36 volumes. Afin d’éviter d’alourdir le texte, nous avons corrigé l’orthographe du Journal en français moderne et l’ouvrage sera désormais désigné par le sigle JO, suivi de la date de l’article, du volume et de la page.

([27])-Cf. Omont Henry, « Un plagiat littéraire au XIIe siècle. La vie de saint Willibrord, évêque d’Utrecht, par le prêtre Egbert », dans Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n. 1, 1903, 47e année, p.  98-100, [en ligne] : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1903_num_47_1_19293 (page consultée le 26 février 2012).

([28])-Cf.Alexandre Eckhardt, « Ronsard accusé de plagiat.  L’invention de l’églogue », Revue du Seizième Siècle, tome VII, 1920, p. 235-247.

([29])-Sur la querelle du Cid, on peut consulter Jean-Marc Civardi, « Quelques critiques adressées au Cid de Corneille en 1637-1638 et les réponses apportées », L’information littéraire, 2002/1, vol. 54, p. 12-26, [en ligne] : http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2002-1-page-12.htm (page consultée le 30 février 2012).

([30])-Cf. Hélène Maurel-Indart, « Le plagiat littéraire : une contradiction en soi ? », L’information littéraire, 2008/3, vol. 60, p.  55-61, [en ligne] : http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2008-3-page-55.htm (page consultée le 26 février 2012).

([31])-On peut compter, dans tous les numéros de Bachaumont, environ 40 cas de plagiat sur toutes les scènes intellectuelles (articles de journaux, pièces de théâtre, poèmes, musique, etc.).

([32])-Edme-Louis Billardon de Sauvigny (Auxerre 1738, †Paris 1812) est un homme de lettres et dramaturge français. Parmi ses ouvrages, on peut citer : Réflexions en vers sur l’héroïsme, Le Persifleur, comédie en trois actes et en vers, Encyclopédie des dames, ouvrage destiné à l’instruction du beau sexe.

([33])-Cf. JO, 20 mai 1767, vol. III, p. 187.

([34])-Les feuilles de Fréron étaient entièrement consacrées à critiquer les philosophes des Lumières au nom de la religion et de la monarchie.

([35])-Ce ne serait pas la première fois que Voltaire aurait pillé les ouvrages des autres écrivains et surtout des étrangers, son roman Candide s’inspirant de celui d’Henry Fielding publié sous le titre de Tom Jones ou L’enfant trouvé ; pour en savoir plus, voir l’étude d’Édouard Langille, L’histoire de Tom Jones, ou l’enfant trouvé (1750) et la genèse de Candide, Paris, Presses universitaires de France/Revue d’histoire littéraire de la France, 2008/2, vol. 108, p.  269-287,

[en ligne] : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RHLF&ID_NUMPUBLIE=RHLF_082&ID_ARTICLE=RHLF_082_0269 (page consultée le 5 mars 2012).

([36])-Cf. JO, 4 octobre 1764, vol. II, p. 100 ; JO, 22 mars 1765, vol. II, p. 170 ; JO, 30 septembre 1771, vol. V, p. 328.

([37])-JO, 4 octobre 1764, vol. II, p. 100.

([38])-« Que d’effort n’a-t-on pas fait pour m’étouffer en naissant ? Après la persécution du Fils naturel, croyez-vous, ô mon ami ! Que je dusse être tenté de m’occuper du Père de famille ? Le voilà cependant.  Vous avez exigé que j’achevasse cet ouvrage ; et je n’ai pu vous refuser cette satisfaction. En revanche, permettez-moi de dire un mot de ce Fils naturel si méchamment persécuté » (Œuvres de Denis Diderot publiées sur les manuscrits de l’auteur, Paris, Deterville, 1800, t. IV, p. 455).

([39])-Le Journal de Bachaumont constitue, à notre connaissance, la seule référence de ce siècle qui ait cité ce titre. Nous n’avons trouvé aucune trace de cet ouvrage dans les écrits et les études du XVIIIe siècle, ce qui nous pousse à croire qu’il s’agit d’une œuvre inédite.   

([40])-JO, 31 octobre 1765, vol. II, p. 252.

([41])-« Il se répandit [...] un bruit que je n’étais pas l’auteur du Devin du village. Comme je ne fus jamais un grand croque-note, je suis persuadé que sans mon Dictionnaire de Musique, on aurait dit à la fin que je ne la savais pas. » Par ailleurs, il se justifie sur la paternité de son œuvre dans ses Dialogues, où il estime qu’elle est marquée d’une « empreinte impossible à méconnaître. » Il insiste : « si j’ignorais quel est l’auteur du Devin du village, je le sentirais à cette conformité » (Jean-Jacques Rousseau : Les confessions, Paris, Firmin-Didot frères, 1844, p. 360).

([42])-JO, 11 juin 1765, vol. II, p. 201 ; JO, 2 août 1765, vol. II, p. 217.

([43])-JO, 20 décembre 1777, vol X, p. 315 ; JO, 1er janvier 1778, vol. XI, p. 52.

([44])-JO, 13 décembre 1777, vol. X, p. 308.

([45])-JO, 1er janvier 1778, vol. XI, p. 53.

([46])-Marc-Antoine-Jacques Rochon de Chabanne (Paris 1730 - † Paris 1800), dramaturge français. Sa production est très riche de comédies et d’opéras comiques ; on peut citer, à titre d’exemple : La coupe enchantée, opéra-comique en un acte et Le jaloux, comédie en cinq actes et en vers libres.

([47])-JO, 1er avril 1768, vol. IX, p. 4 ; JO, 18 avril 1768, vol. XVIII (additions), p. 334.

([48])-JO, 29 août 1785, vol. XXIX, p. 194.

([49])-JO, 19 mars 1787, vol. XXXIV, p. 303.

([50])-JO, 3 novembre 1780, vol. XVI, p. 34.

([51])-Les nouvelles à la main de Bachaumont donnaient une description de l’Opéra au cours d’une représentation : « Toutes les loges étaient louées ; il y avait du monde dès midi, et la salle regorgeait, ainsi que les corridors, les galeries, les avenues » (JO, 24 novembre 1767, vol. III, p. 257).

([52])-Les articles du Journal dun observateur montraient la relation solide existant entre les membres de l’Opéra de Paris et le Roi et la famille royale. Lisons cette nouvelle, datée du 24 mars 1763 : « L’Anglois à Bordeaux a été joué à la cour. Le roi, la reine et la famille royale ont voulu voir l’auteur : en conséquence Favart s’y est rendu. Il a été accueilli avec beaucoup de bonté.» (JO, 24 mars 1763, vol. I, p. 194).

([53])-Citons, à titre d’exemple, cette annonce : « les Comédiens français donneront aujourd’hui le Fat puni et Impertinent.  Le St. Larive remplira les deux rôles » (JO, Annexe, vol. XIV, p. 345).

([54])-JO, 20 février 1763, vol. I, p. 178.

([55])-JO, 6 février 1765, vol. II, p. 152.

([56])-JO, 3 septembre 1783, vol. XXIII, p. 138.

([57])-Paul Hasard, La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, éd. Boivin et Cie, 1935, p. 3.

([58])-Denis Diderot, Correspondance, Paris, Minuit, 1964, t. XI, p. 20.

([59])-À cet égard, rappelons ces vers de l’Art poétique de Boileau :

Je sais qu’un noble esprit peut sans honte et sans crime

Tirer de son travail un tribut légitime ;

Mais je ne puis souffrir ces auteurs renommez

Qui dégoûtez de gloire, et d’argent affamez

Mettent leur Apollon aux gages d’un Libraire

Et font d’un Art divin un métier mercenaire !

Nicolas Boileau-Despréaux : L’art poétique, Paris, Delalain, 1815, chant IV, p.  36.

([60])-Daniel Roche, dans son livre Le siècle des Lumières en province. Académie et académiciens provinciaux, 1680-1789, compte 1000 titres par an en 1720 et, pour la seconde moitié du XVIIIe siècle, environ 3500 titres par an (Paris, Mouton, 1978, t. I, p. 90).

([61])-« Les ambitions inédites d’auteurs qui ne veulent vivre que de leur plume créent un marché des œuvres qui obéit à ses lois propres et qui rétribue directement, sans le détour des pensions et sinécures, le travail d’écriture » (Roger Chartier : Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 1990, p. 90).

([62])-À ce propos, on peut lire ce passage de L’origine de l’imprimerie de Paris :« un auteur trop intéressé à qui on doit s’en prendre ; et qui pour avoir tiré une somme considérable du libraire, c’est cause qu’on ne peut avoir un livre à un prix raisonnable ; conduite, à mon avis, peu digne d’un homme de lettres qui ne doit être animé quand il compose que de la vue d’un bien public. Le commerce qu’il fait de sa plume et dans lequel il ne se propose que le gain, rabaisse sa qualité à celle d’un négociant et ce n’est plus qu’une âme commune agitée d’une basse idée de gagner de l’argent.» (André Chevillier : L’origine de l’imprimerie de Paris. Dissertation historique et critique divisée en quatre parties, Paris, éd. J. de Laulne, 1694, p.  380).

([63])-Dans son article, Bachaumont ne cite pas le nom de l’auteur de cette brochure, mais il déclare qu’« un anonyme a répandu une brochure intitulé : Avis aux gens de lettres ». En consultant cette brochure sur le site (Gallica) de la Bibliothèque Nationale de France, nous avons trouvé le nom de l’auteur écrit à la main : Charles-Georges de Fenouillot de Falbaire de Quingey. Étant donné que l’auteur de cette brochure n’a pas obtenu l’autorisation (le privilège du roi) de la publier, il a sans doute choisi l’anonymat pour être en abri de la poursuite et de la censure.

([64])-JO, 25 décembre 1769, vol. V, p. 32.

([65])-JO, 25 décembre 1769, vol. V, p. 31.

([66])-Code de la librairie et imprimerie de Paris, ou Conférence du règlement arrêté au Conseil d’Etat du Roy, le 28 février 1723 [...] avec les anciennes ordonnances [...] depuis l’an 1332 jusqu’à présent, Titre II (Des imprimeurs et libraires en général), article (Défense de faire le commerce de livres sans qualité), p. 26.

([67])-JO, 20 octobre 1769, vol. IV, p. 321.

([68])-Les auteurs engagèrent Linguet, un avocat célèbre de Paris, pour défendre Luneau de Boisjermain.  

([69])-Voltaire était à la tête de la liste des écrivains de grand talent qui se rangeaient irrévocablement du côté de Luneau de Boisjermain. Dans la lettre qu’il lui envoie, le philosophe de Ferney met en relief les raisons de la condition sommaire des gens lettres : « Il me paraît que les toiliers, les droguistes, les vergetiers, les menuisiers, les doreurs, n’ont jamais empêché un peintre de vendre son tableau, même avec sa bordure. M. le doyen du parlement de Bourgogne veut bien me vendre tous les ans un peu de son bon vin, sans que les cabaretiers ne lui aient jamais fait de procès. Pour les gens de lettres, c’est une autre affaire, il faut qu’ils soient écrasés, attendu qu’ils ne font point corps, et qu’ils ne sont que des membres très épars.» (Voltaire : Correspondance, Paris, Gallimard, 1963, t. X, p.  15). 

([70])-JO, 20 octobre 1769, vol. IV, p. 321.

([71])-JO, 20 décembre 1769,  vol. V, p. 32.

([72])-JO, 16 mars 1770, vol. V, p. 80.

([73])-JO, 8 novembre 1777, vol. X, p. 273.

([74])-JO, 15 décembre 1777, vol. X, p. 309.

([75])-« Il est certain que le directeur actuel de la librairie a trouvé dans son tarif une mine d’or, s’il peut le maintenir sur le pied qu’il a imaginé. Pour une édition in folio, chaque volume, tiré à 1500 exemplaires=240. Pour une édition in-4. Idem=120 livres. Pour une édition in-8. Idem=60 livres. Pour une édition in-12. Idem=30 livres. Pour une édition in-16. Idem=15 livres » (JO, 3 juillet 1779, vol. XIV, p. 107).

([76])-« Monsieur Albert joint à la place de lieutenant-général de police, l’inspection de la librairie, partie bien essentielle dans un moment où les écrivains se tournent vers la politique et le gouvernement, et où tout le monde écrit sur ces matières » (JO, 12 mai 1775, vol. VIII, p. 29).

([77])-Denis Diderot et Jean Le Rond D’Alembert : Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Lausanne, chez les Sociétés Typographiques, 1781, Partie II,  vol. XXXI, p. 527.

([78])-Cf. Code de la librairie et imprimerie de Paris, ou Conférence du règlement arrêté au Conseil d’Etat du Roy, le 28 février 1723 [...] avec les anciennes ordonnances [...] depuis l’an 1332 jusqu’à présent, Titre III (Des souscriptions), article XVII (Seront proposées par les libraires ou imprimeurs seulement) p. 126.

([79])-JO, 1er février 1770, vol. V, p. 59.

([80])-JO, 13 mars 1770, vol. V, p. 78.

([81])-« Le procès concernant l’Encyclopédie se réveille. Les libraires associés à l’impression de cet ouvrage, par une astuce digne de leur mauvaise foi, ne veulent pas délivrer aux souscripteurs les derniers volumes de planches qu’ils ne donnent un certificat qui décharge lesdits libraires associés de tous les engagements qu’ils ont pu prendre avec eux, lesquels ils annulent, ayant été pleinement remplis, et etc. [...]. Ils espèrent par cette manœuvre dépouiller certainement de leurs titres les personnes que ne sont point instruites de l’infidélité contre laquelle on réclame.» (JO, 13 février 1773, vol. VI, p. 286).

([82])-« Le jour est indiqué à mercredi 11, et l’orateur, qui se sent apparemment les forces nécessaires pour jouer son personnage, fait courir des billets portant invitation de se trouver à la chancellerie du palais à huit heures du matin, où sera le spectacle qu’il annonce.» (JO, 18 août 1771, vol. V, p. 298). « La macération de son visage a parfaitement fécondé la commisération qu’il a voulu exciter, et son organe d’ailleurs quoiqu’affaibli par la douleur s’est prêté au volume de voix nécessaire pour le vaisseau de la grand’chambre où il parle.» (JO, 12 mai 1772, vol. VI, p. 136).

([83])-JO, 11 mai 1777, vol. X, p. 129.

([84])-JO, 6 septembre 1771, vol. V, p. 311.

([85])-Il écrivit, le 13 octobre 1769, cette lettre à Sartine pour se plaindre de l’injustice des imprimeurs dans son grand projet, l’Encyclopédie : « N’est-il pas bien étrange que j’aie travaillé trente ans pour les associés de l’Encyclopédie ; que ma vie soit passée, qu’il leur reste deux millions, et que je n’aie pas un sol ? - A les entendre, je suis trop heureux d’avoir vécu.» (Denis Diderot : Correspondance, Paris, Minuit, 1955, vol. 9, p. 171).

([86])-Cf. Jacques Proust : Diderot et l’Encyclopédie, Paris, Armand Colin, 1962. En outre, Denis Malo a confirmé cette hypothèse dans son étude en signalant une lettre de Diderot à Sophie Volland datée du 14 juillet 1762 : « Je me suis arrangé avec les libraires. Mon travail me déplaît moins depuis que je suis soutenu par l’espérance de préparer la dot de ma fille. Autrefois sa mère aimait le luxe pour moi [...]. Mais il est inutile de vous achever cette histoire » (Corr., IV, 43, cité dans Denis Malo, « Diderot et la librairie : l’impensable propriété », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, no 10, 1991, p.  57-90, [en ligne] : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_07690886_1991_num_10_1_1100 ; page consultée le 6 mars 2013).

([87])-Cf. Gabriel Peignot : Essai historique sur la liberté décrire chez les anciens et au moyen âge ; sur la liberté de la presse depuis le XVe siècle, et sur les moyens de répression dont ces libertés ont été l’objet dans tous les temps [...] suivi d’un tableau synoptique de l’état des imprimeries en France en 1704, 1739, 1810, 1830, et d’une chronologie des lois sur la presse de 1789 à 1831, Paris, Crapelet, 1832, p. 54.

([88])-Le premier index français des livres défendus a été publié en 1543. Cf. Gabriel Peignot, op. cit., p. 55.

([89])-Le thème de la censure royale au XVIIIe siècle a été traité par plusieurs chercheurs au dix-huitième et au dix-neuvième siècle. Citons à titre d’exemple : Gabriel Peignot, op. cit. ; Jules Andrieu, op. cit. ; Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, op. cit.  

([90])-« Le roi vient de nommer quatre commissaires à l’effet d’examiner un ouvrage immense, auquel travaille depuis longtemps M. Barletti de Saint-Paul, ancien secrétaire du protectorat de France en cour de Rome, et membre de plusieurs académies. Le titre de cet ouvrage porte Institution nécessaire ou Cours complet d’Education et relative, dans lequel on trouve la vraie méthode d’étudier et d’enseigner les différentes sciences convenables aux deux sexes, à tous les âges et à tous les états. Les commissaires choisis sont MM. Bonami et de Guignes membres de l’Académie des Belles Lettres, et MM. de Moncarville et de Passe, censeurs royaux.» (JO, 8 septembre 1764, vol. II, p. 90).

([91])-Cf. JO, 10 décembre 1767, vol. III, p. 266.

([92])-JO, 21 décembre 1764, vol. II, p. 132.

([93])-« Il passe pour constant que le Sr. Marin, censeur de la police, a été 24 heures à la Bastille pour avoir passé les vers d’une pièce faite par M. Dorat.» (JO, 6 mars 1763, vol. I, p. 183).

([94])-« M. Colardeau pour satisfaire ses critiques, vient de faire réimprimer sa lettre amoureuse d’Héloïse à Abaillard, avec la traduction de divers morceaux qu’on lui reprochait d’avoir élagués. Nous croyons qu’il aurait pu être moins docile, le goût est la première qualité d’un traducteur, surtout Anglais. On a ajouté une vie d’Abaillard de la plume de monsieur Marin, censeur royal.» (JO, 8 novembre 1766, vol. III, p. 96).

([95])-Cf. JO, 23 septembre 1776, vol. IX, p. 222.

([96])-« M. Helvétius est mort, il y a quelques jours, d’une goutte remontée. C’était le fameux auteur du livre De l’Esprit pour lequel il a essuyé tant de persécutions ainsi que son censeur et ami M. Texier. On lui reproche de n’avoir pas reconnu comme il convenait l’importance du service qui avait coûté si cher à ce dernier puisqu’il en avait perdu sa place […] » (JO, 29 décembre 1771, vol. VI, p. 70).

([97])-Cf. JO, 16 décembre 1766, vol. III, p. 114.

([98])-Ainsi, par exemple, en ce qui concerne l’introduction de l’inoculation contre la petite vérole, la Faculté de théologie de Paris s’y opposa : « Quant à la faculté de théologie, il suffit que ce soit une nouveauté pour être réputé condamnable […] » (JO, 24 juin 1763, vol. I, p. 237). Quant au comte de Lauraguais, qui défendait les principes de l’inoculation, il s’est vu arrêté et conduit « par ordre du Roi à la citadelle de Metz » pour avoir envoyé un mémoire en ce sens à M. de St. Florentin et des lettres au comte de Bissy et au comte de Noailles, dans lesquelles il aurait parlé de la « Faculté de théologie, du Parlement et de quelques personnes de la cour.» (JO, 16 juillet 1763, vol. IV, p. 286-287).

([99])-Ainsi, nous rapporte le Journal, « M. l’abbé Yvon [...] avait entrepris une Histoire ecclésiastique [...]. M. l’Archevêque [...], entouré d’hommes ignorants et à préjugés, s’est absolument opposé à la publication [...] de cette histoire [...]. En vain l’Abbé a demandé ce qu’on trouvait de répréhensible dans son ouvrage.» (JO, 22 avril 1768, vol. IV, p. 14-15).

([100])-JO, 22 juillet 1775, vol. VIII, p. 123.

([101])-On peut consulter le texte du philosophe allemand sur le site suivant : http://www.cvm.qc.ca/encephi/contenu/textes/kantlumieres.htm page consultée le 1 avril 2013).