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L’ENTOURNURE DES CHOSES !

La ville n’est plus seulement cet ailleurs négatif de la campagne mais le lieu de construction continue de nouvelles cultures, de nouvelles modalités d’un vivre ensemble. Le positionnement de disciplines majeures par rapport à la ville et à l’urbanisation comme la sociolinguistique, la littérature, la sémiotique, l’urbanisme, la géographie, l’anthropologie, la sociologie, les sciences politiques, l’architecture, la démographie, etc. fait que la ville est devenue un enjeu fondamental pour appréhender les mutations sociales. La complexité des dynamiques urbaines est donc à décrypter suivant plusieurs logiques, plusieurs points de vue, selon des intelligibilités complémentaires et non contradictoires. C’est pourquoi nous avons ici convoqué les sciences humaines et sociales qui interrogent la ville ou s’interrogent sur la ville pour en expliciter les logiques et rationaliser les dynamiques. A travers ses habitats, ses aménagements, ses modes d’organisation, ses parlers, ses processus d’institutionnalisation, ses agencements socioculturels, ses imaginaires, ses modèles socioéconomiques, etc., la ville bruit de paroles plurielles qu’il faut savoir écouter pour démêler le dicible et l’indicible, l’explicite et l’implicite, pour en surprendre l’impensé. Si la stratégie peut se comprendre comme mode d’articulation de pratiques concurrentes dans un contexte donné, il faut bien avouer que les acteurs dans la ville et la ville elle-même comme acteur développent des discursivités sociales hautement stratégiques. Ce sont ces stratégies que ce collectif, dans le cadre des activités du laboratoire GRADIS (Groupe de Recherches en Analyse des Discours Sociaux) va tenter de saisir dans ces modalités d’inscription et dans ses niveaux de pertinence. Il s’agit de croiser les divers points de vue sur la ville et ses logiques pour documenter les politiques publiques de la ville et les processus décisionnels.

Ce premier numéro est symbolique à plusieurs titres : il est symbolique une première fois parce qu’il matérialise un engagement, une ambition de mettre à la disposition des chercheurs (confirmés comme débutants) intéressés par les mêmes problématiques un creuset de réflexion et d’accompagnement scientifiques, en l’occurrence un laboratoire de recherches sur l’analyse des discours sociaux; il est symbolique une deuxième fois parce qu’il rend public sous la bannière du jeune laboratoire un espace de discussion, de vulgarisation et de formation scientifiques sous la forme d’une revue semestrielle trans/inter disciplinaire ; symbolique une troisième fois enfin en ce que nous y avons fait le choix d’interroger l’hétérogénéité de la ville en sa complexité-même en tant que mode de donation du sens. Les contributions réunies dans ce premier numéro de GRADIS se font échos dans la continuité du questionnement.

Dans Sociolinguistique, urbanité(s) langagière(s) et mobilité(s) : Hanoï ou la circulation des normes, Thierry Bulot et Thi Thanh Thùy Dàng abordent la question de l’hétérogène urbain du point de la corrélation entre discours topologiques et discours épilinguistiques pour concevoir le faire sens des identités urbaines et de leur contraste. Hanoï leur permet ainsi de penser les mutations socio-langagières et de les mettre en relation avec les dynamiques urbaines. Pour Fallou MBow, le discours de la ville s’appréhende par rapport à la construction discursive des positionnements, des valeurs et des identités. Il cherche à montrer la façon dont les différents énoncés produits dans et par la ville participent d’un constructivisme de l’espace urbain. Michel Dispagne interroge l’impact des interférences linguistiques dans les processus d’intégration et de résistance des locuteurs Haïtiens dans l’espace urbain martiniquais. Alors qu’Albinou NDecky met le focus sur la pluralité de la parole du locuteur mancagne à Goudomp pour comprendre les agencements de cette hétérogénéité foncière. Khadimou Rassoul Thiam examine, à partir des textes de Grand Corps Malade, le slam en tant que genre entre tradition et modernité, entre respect des normes classiques et innovations stylistiques. Pour Bara NDiaye, les graffitis sont un langage urbain, entre éthique et esthétique, qui bousculent les frontières du visible et du lisible. Quant à Nadia Naami, elle montre la façon dont la ville de Tanger se mémorialise à travers sa peinture en se produisant depuis des récits marocains d’origine. Dans la même perspective, Souheila Hédid, s’attaque aux tags pour analyser leurs procédures de faire sens en tant que Street Art. Elle interroge en cela les pratiques féminines de Tags en Algérie et se demande ce qu’apporte le point de vue féminin dans cet art de la rue. A partir de la confrérie Mouride au Sénégal, Alioune Willane analyse la métamorphose de l’urbain et les variations identitaires qui lui sont corolaires. Avec Mountaga Diagne, le phénomène religieux s’élargit aux Tidjan-Niassène de Kaolack et examine le rôle des confréries religieuses dans le développement au Sénégal. Il pointe la diversité de la construction sociale et locale du politique au travers des espaces religieux. Les légendes urbaines retrouvent leur caractère énigmatique dans la contribution de Lea Zamer : comment la double image de femme fantôme permet-elle de reconstruire les mutations socio-anthropologiques dans les villes gabonaises ? Lorsque Boubacar Camara questionne la ville de St-louis, c’est pour tenter d’en décrire la forme de vie corolaire de la forme de la ville elle-même. « Etudier la forme de cette ville, selon lui, c’est en comprendre à la fois la grammaire et la forme de vie si particulière à laquelle cette ville-palimpseste donne lieu ». Pendant ce temps, Kalidou SY aborde les cultures urbaines de façon théorique et les met en relation avec les procédures de sémiotisation. En considérant les cultures urbaines comme des pratiques stratégiques, il ébauche un modèle d’analyse anthropo-sémiotique. Enfin Sébastian Prothmann « explore les notions discursives de la modernité et la notion d’interconnexité globale au sein des jeunes hommes de Pikine », dans la banlieue de Dakar. Il examine la posture des jeunes pikinois tendue entre Boy Pikine, Boy Town et Baay Faal, appellations lourdement chargées de connotations populaires.

Entre tournure et entournure des choses, ce numéro nous intime de re-questionner nouvellement nos évidences pour déceler les logiques qui en gouvernent la complexité. Il est à lire ici ces logiques de l’hétérogène qui sont fabrique de singularités !