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Introduction

La ville est devenue au fil du temps l’expression exemplaire d’une mise en situation de configurations hétérogènes suivant l’agencement des temporalités et des spatialités (Maïté Clavel; 2002). De quelques points de vue qu’on les envisage d’ailleurs, ces espaces - temps urbains déploient, mutatis mutandis, des interactions entre sujets sociaux, entre actants pour faire émerger des valeurs et des modalités de leur circulation. Ils instruisent de nouveaux modes de vivre ensemble, de nouvelles procédures de faire sens, de nouvelles territorialités. Ils engagent de ce fait même et de façon continue une sémiosis sociale singulière. Ces configurations instaurent aussi une dynamique interlocutive entre sémioticités et se donnent à lire radicalement comme sémiosphère, pour reprendre Lotman (Youri Lotman; 1999), comme intersémioticité plus exactement ici. Cependant, l’institution des cultures urbaines à la fois comme paradigme et comme symbolicités dans l’espace-temps urbain intime de lire ces processus comme pratiques sémiotiques stratégiques entendues comme pratiques concurrentes et comme conjonctures (Jacques Fontanille; 2008), et de ce fait même elles se lisent aussi en tant que pratiques procédurales. Le mouvement Hip Hop, dans sa diversité d’expressions (chants, danses, tags et graffitis, pratiques sportives, etc.), occupe une position centrale dans les pratiques urbaines, dans les rituels de réappropriation de l’espace-temps urbain et dans les processus d’institution de sujets actants.

Cette contribution tentera alors de poser une sémiotique des cultures urbaines au travers des procédures de sémiotisation et d’en déduire une logique des pratiques urbaines en tant que nouvelles anthropologies d’un réel urbain qui se donne au moins dans sa pluralité irréversible. En même temps qu’elles disent l’altérité, ces pratiques tracent des territorialités qui sont fabriques de singularités radicales (première hypothèse). Il semble ainsi qu’on puisse envisager ces pratiques en termes de régimes de sémioticité (deuxième hypothèse). François Hartog appelle régimes d’historicité « des manières typiques d’articuler passé, présent et futur et de leur donner sens » (François Hartog; 2003), régime de sémioticité sera entendu ici comme mode d’articulation des configurations sémiotiques et des temporalités hétérogènes pour produire du sens. Un régime de sémioticité donc définit une procédure sémiosique et les modalités de faire sens. De ce point de vue alors, l’intelligibilité des cultures urbaines en tant que pratiques sémiotiques est inséparable d’une interrogation sur l’éthique de ces mêmes pratiques et de l’éthos des sujets interactants.

 

I- Cultures urbaines : une sémiotique-objet improbable

I-1- Une histoire de réappropriation de la marge[1]

Ce qui s’appelle ordinairement Cultures urbaines est essentiellement issu du mouvement Hip Hop né aux USA à la fin des années 60 du XXe Siècle, dans les ghettos New Yorkais. C’est un mélange d’héritages venus de la Jamaïque, de l’Afrique et des Amériques. Il est influencé par les sonorités et rythmes afro-américains ou africains-américains. Né dans un contexte économique et social très difficile des quartiers pauvres de New York (Bronx, Harlem, Brooklyn), le mouvement charrie la violence, le mécontentement et la révolte des jeunes se sentant victimes expiatoires d’un système injuste. Il est vite catalogué comme mouvement des banlieues pauvres, des ghettos jusque dans les politiques publiques de la ville menées par les pouvoirs publics. Le rap est expérimenté par le militantisme du groupe Last Poets vers 1968 influencé par le soul, le funk, le reggae et probablement par les vocalises des musiciens traditionnels africains et tout cela dans des mises en scènes de plus en plus provocatrices. C’est la Zulu Nation avec son leader Afrika Bambaataa qui va populariser le rap et le transporter en France lors de sa tournée en 1982. Les DJ et les Mc (Djing, Mcing comme pratiques performatives des DJ et MC), devenus des célébrités incontournables de la scène Hip Hop, expérimentent de nouveaux sons, de nouvelles combinaisons de rythmes. Pendant ce temps les b-boy et b-girl (b-boying, b-girling en tant que pratiques performatives des b-boy et b-girl) rivalisent de créativité sur les scènes du Break Dance et du Beat-box. Tout cela est porté par la vogue des radios FM et par la mobilité des radios cassettes. Le Slam lui est issu de concours de poésie orale (les Poetry parties) que de jeunes gens organisaient dans des bars, des espaces publics pour détourner et canaliser la violence des gangs vers des joutes oratoires encadrées. Le Slam parie, comme le poème, sur les pouvoirs d’instauration du langage, sur la mise en scène de l’inventivité des mots. Le Hip Hop intègre le Graffiti sous forme de Tags à partir des années 70, même si par ailleurs différentes campagnes avaient déjà mis à profit ces procédés de graphisme avec les soldats américains de retour de la seconde guerre mondiale (« Kilroy was here » par exemple) ou les « V » de victoire des Laveleye (Londres) pour ne rien dire des campagnes contre la guerre du Viêtnam. Mais surtout c’est avec Jean Michel Basquiat que le graffiti va prendre un tournant et s’apparenter de plus en plus au Street Art avec tout l’arsenal du urban art du reste : pochoirs, affiches, mosaïques, stickers, éphémères, etc. Toujours est-il que le Hip Hop s’affiche depuis ses débuts comme un mouvement issu des couches populaires confrontées au quotidien impitoyable et qui tentent de résister, de faire front avec leur corps, littéralement : corps chantant, corps dansant, corps taguant, corps grimaçant dans le geste contorsionniste et provocateur. Corps subversif donc[2]!

Au Sénégal, le mouvement Hip Hop s’installe progressivement au début des années 90 du XXe siècle (l’année blanche de 1988 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar y serait pour quelque chose, selon Adrien Benga) et devient populaire avec le Positive Black Soul de Didier Awadi et sa bande, puis Daaraa-J, Pee-Froiss, Bidew bu Bess, la sortie, en 1992, de la compilation DK1992 (par l’ex Centre culturel français à Dakar), ... Aujourd’hui encore, Galsen, Keur-gi, Gelongal, Bat’Haillon-Blin-D, des individualités comme Doug-Tee, Carlou-D, Phata, Pacotille, Khouma, le graffitiste Docta, le poète peul de Bordeaux, Souleymane Diamanka, Matador, les rencontres périodiques de Slam à Dakar, Les rimes du fleuve à St-Louis, etc., rendent visible le mouvement Hip Hop sénégalais avec des talents de plus en plus confirmés sur les scènes nationales et internationales. Si aux États-Unis et en France (le rap à Marseille ou à Paris dans le 93, par exemple) le mouvement Hip Hop est initié par les banlieues difficiles et les quartiers pauvres des grandes villes, au Sénégal le mouvement est entré par le biais des émigrés (sénégalais vivant en à l’étranger, en Europe au départ), de quelques émissions à la Radio et à la Télévision sénégalaises, et plus généralement de l’explosion des stations FM. Le premier groupe de Rap, Positive Black Soul (plus connu sous le sigle PBS) est composé de jeunes de la SICAP et de Dieupeul, qui étaient plutôt des quartiers résidentiels des classes moyennes[3]. Il faut voir là probablement les effets de la globalisation (même si la notion n’était encore pas à la mode à l’époque) qui font voir l’impact du global sur le local, les façons dont le global vient au local (en général les systèmes faibles ou affaiblis) et le bascule vers des sémioticités syncrétiques, tout au moins hétérogènes. Ces classes moyennes faisaient partie des catégories qui avaient les moyens de regarder la télé, de voir les clips diffusés, d’avoir à la maison les vidéos des stars, américaines pour la plupart, de voyager aussi des fois. C’est pour cette raison peut-être que le rap sénégalais a été au départ très marqué par l’influence américaine, jusqu’à la langue (Anglais) dans laquelle chantaient les rappeurs, l’habillement (plutôt le déguisement), les postures et la gestuelle, les nominations/désignations. Cependant très tôt le mouvement Hip Hop sénégalais se nationalise en se resituant par rapport aux réalités nationales et africaines d’une part et d’autre part par rapport aux langues nationales du Sénégal. Aujourd’hui le rap sénégalais se fait presque dans toutes les langues locales (la revanche du local sur le global !) tout en restant centré sur des préoccupations revendicatives (politiques et sociales) et moralisatrices (l’influence du religieux).

Mais c’est le mouvement Y en a marre, mis sur pied à Dakar le 11 janvier 2011 par des rappeurs et des journalistes (Fadel Barro, Simon, Thiat, Kilifeu, Fou Malade, etc.), qui va donner au mouvement Hip Hop un tournant politique et patriotique fondamental. Le mouvement va se poser comme rempart contre le coup de force institutionnel orchestré par le président Abdoulaye Wade et son régime à la veille des élections présidentielles. Y en a marre, à la fois dénomination et cri de ralliement[4], a réussi à mobiliser toute la jeunesse sénégalaise et par de là toutes les forces patriotiques pour défendre la république et ses institutions ; il a ainsi contribué de façon déterminante à la défaite du pouvoir d’alors et à l’avènement de la seconde alternance politique au Sénégal en 2012. Et le mouvement Y en a marre continue aujourd’hui encore d’assurer une fonction de veille, de sentinelle de la République et de ses institutions démocratiques, en dépit de ses erreurs, et de ses errements aussi parfois.

 

I-2- Un objet en construction

Il faut revenir au syntagme même et distinguer les « Cultures urbaines » de la « Culture urbaine »pour lever un certain nombre d’équivoques. « Culture urbaine » au singulier peut s’entendre comme un ensemble de normes, de règles et de pratiques générées par la ville et qui contribuent en retour à lui façonner un visage, une identité en somme. De ce point de vue alors, la ville est un terrain, un objet surtout pour la distinguer de la campagne et du rural. Quand bien même les « cultures urbaines » de façon générale dériveraient du mouvement Hip Hop, il faudrait entendre par ce syntagme un ensemble composite où se retrouveraient de la musique (rap, slam, danses, etc.), des arts graphiques (dessins, tags, graffitis, etc.), des arts numériques (vidéos, photos, installations, etc.), des pratiques sportives (skateboard, roller street, streetbike, basket de rue, etc.), des performances qui font cohabiter concurremment plusieurs de ces pratiques et probablement un modèle d’architecture et d’aménagement de l’espace qui induit des modalités particulières de vivre ensemble et de faire avec (comme les HLM et les cités assimilables). On peut donc dire qu’elles sont à la jointure de l’artistique, du social et du culturel. On peut aussi, de ce point de vue, définir les cultures urbaines comme un ensemble de pratiques stratégiques prenant place dans l’espace de la ville suivant une démarche d’appropriation et de territorialisation. Appropriation veut dire ici inscription d’un processus de réaffectation des parts dans ce qui est du public, de redistribution dans le commun du communautaire[5] ; et territorialisation fait entendre l’institution d’un protocole de singularisation, des procédures d’émergence d’une altérité. Cette diversité, voire cette hétérogénéité des sujets actants et des pratiques dans l’espace de la ville, fait éclater les approches du fait culturel urbain et des pratiques urbaines. De ce point de vue donc l’expression pratiques urbaines, plus englobante, serait plus appropriée pour désigner ce tout hétéroclite. En réalité d’ailleurs, quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit plutôt que la plupart des sciences humaines et sociales procède par segmentation mais toujours en partant de la ville comme fondement, comme base, j’allais dire comme infrastructure. Et les cultures, elles, sont vues comme une superstructure. Un fond de l’approche marxiste ou marxisant traverserait souterrainement l’essentiel des méthodologies, en dépit des dénégations répétées du reste!

Dès lors, le qualificatif « urbain » devient un patron productif dans l’élaboration des méthodologies pour analyser la mise en relief d’une des dimensions de cette urbanité: la sociolinguistique urbaine, issue de la sociolinguistique, étudie les variations socio-langagières produites par et dans la ville[6]. Elle ne se focalise pas sur les cultures urbaines entendues au sens du mouvement Hip Hop, elle tente plutôt d’établir ainsi des corrélations entre collectifs, espaces et codes langagiers/linguistiques; la sociologie urbaine étudie les dynamiques de changement social, les modes de redistribution des statuts et des rôles dans l’espace urbain[7] ; l’anthropologie urbaine, en s’intéressant aux modes de production de l’altérité dans les sociétés contemporaines ne pouvait trouver meilleur terrain que la ville actuelle pour la mise en scène de ses distances et de ses distanciations[8] ; la géographie urbaine tente de comprendre les logiques d’aménagement et d’agencement des espaces et des populations dans la ville et leurs évolutions[9] ; l’urbanisme étudie les méthodologies d’occupation, d’habitation en vue de rationaliser l’espace urbain par la planification[10]; l’architecture s’intéresse à l’immobilier et à la façon dont le bâtis s’intègre dans un système de cohérence fonctionnelle et identitaire[11] ; quant à la sémiotique urbaine, elle s’efforce de rationaliser les modes d’existence des objets et les procédures de production du sens dans l’espace urbain[12], en tant que ces procédures de production du sens relèvent d’abord de la conjonction d’un plan de l’expression et d’un plan de contenu : comment la ville fait-elle sens, en somme ? Mais la sémiotique urbaine elle-même est tiraillée entre la sémiotique de l’espace, la sémiotique de l’architecture, la sémiotique des cultures et la sémiotique des pratiques[13], au moins. On peut donc se demander légitimement si une sémiotique des cultures urbaines est une sémiotique urbaine, une sémiotique des cultures, une sémiotique des pratiques, une sémiotique de l’espace ou tout cela à la fois.

Naturellement, les raccourcis que je viens de prendre rendent compte de façon très insuffisante, et peut-être même réductrice, les perspectives théoriques et méthodologiques subsumées par des approches autrement plus complexes et plus pertinentes, il s’agissait d’une simple revue pour situer le point de vue que je défends ici.

Les cultures urbaines, elles-mêmes, ne facilitent pas la tâche aux chercheurs parce qu’elles brassent plusieurs pratiques hétérogènes dont les bords extérieurs, au moins, touchent à d’autres disciplines, d’autres configurations, d’autres logiques en somme. Mais, et c’est bien là le fondement de ma thèse, c’est que les cultures urbaines sont foncièrement et fondamentalement des discursivités sociales à l’intérieur de la ville qui est elle-même figuration de systèmes discursifs, d’intersémioticités. Cela entraine au moins deux conséquences méthodologiques : la première oblige à envisager les cultures urbaines comme des pratiques sociales structurées et structurantes, et la deuxième regarde ces pratiques sociales en tant que formes d’expression, en tant qu’ensemble de discours que la société tient sur elle-même comme altérité. Les cultures urbaines sont donc des constructions discursives du social, des configurations discursives du social. On peut alors les interroger suivant une double articulation : suivant la façon dont elles articulent leur propre cohérence, leur propre sémioticité d’une part et d’autre part la manière avec laquelle elles s’articulent sur des spatialités et des temporalités déjà là pour organiser des tactiques de détournement, de braconnage. Dès lors, une sémiotique des cultures urbaines est avant tout une sémiotique de l’hétérogène, une sémiotique de la complexité, une anthropo-sémiotique en somme. En tant que discursivités sociales, les cultures urbaines s’inscrivent de façon irrémédiable comme polyphoniques, mieux comme dialogiques ; cette polyphonie et cette dialogie subsument au moins une hétérotopie et une hétérologie. Il afflue dans ces discursivités sociales comme un feuilletage des temps et des espaces, comme une tension entre les niveaux de discursivisation et les lieux d’énonciation.

 

II- Sémiotisation de l’espace urbain : Spatialité, Temporalité, Territorialité

Les cultures urbaines en tant que pratiques sont fondamentalement des cultures de la rue, elles s’expriment dans des espaces le plus souvent consacrés à d’autres usages, à d’autres rituels et à d’autres fonctionnalités. Les diverses pratiques redéfinissent rituellement de nouveaux rapports à l’espace et au temps, font surgir de nouvelles spatialités et de nouvelles temporalités alternatives pour construire des territorialités singulières, hétérogènes. De ce point de vue, elles décentrent les espaces culturels par une sorte de mise en crise des procédures d’axiologisation et de modalisation. Elles imposent un nouveau faire sens et une nouvelle sémantique. On connait le rôle des marges dans les innovations sociales et culturelles depuis au moins les travaux de l’école de Chicago.

 

II-1- Spatialité

Le dualisme qui schématise notre rapport à l’espace physique nous entraine dans une conception presque manichéenne qui oppose de façon exclusive l’objectif et le subjectif d’une part et d’autre part fait de la spatialité une projection du subjectif sur l’objectif. Cependant, en envisageant la question de la spatialité non plus du point de vue de l’espace physique simplement, on se rend compte à la fois de la complexité des modes d’existence humaine et des objets sémiotiques en général : la spatialité est une intersection de trois espaces au moins, une structuration de trois instances. Ce qui en fait d’une certaine façon une conjoncture. Il faut inscrire radicalement la spatialité dans une interaction fondatrice entre l’espace physique, l’espace social et l’espace mental. Henri Lefebvre a été parmi les premiers à inscrire ce recadrage comme problématique de la spatialité[14]. Dans cette perspective, le géographe, orientaliste et grand spécialiste du Japon, Augustin Berque, a raison de souligner avec force :

De la médiance corps animal/corps médial découle que la spatialité ne peut pas être une simple affaire d’organisation physique de l’étendue (l’extensio de la res extensa), non plus qu’une simple projection de la subjectivité individuelle ou collective sur cette étendue. Elle caractérise la structure existentielle de notre être même : ni simplement objective, ni simplement subjective, elle est trajective[15]. Cela signifie que, d’un côté, nos systèmes techniques projettent notre corporéité jusqu’au bout de notre monde (il y a donc cosmisation du corps), tandis que, de l’autre, nos systèmes symboliques rétrojectent le monde au sein de notre corps (il y a donc somatisation du monde)[16].

 

Les danses urbaines comme les pratiques sportives urbaines marquent de façon itérative un processus alternatif dans cette « cosmisation du corps » et cette « somatisation du monde ». Il ne s’agit pas seulement de s’approprier l’espace dans un jeu de maîtrise de l’objet mais de faire corps avec lui dans une fusion totale des codes et codages imposant ainsi une continuité sémiosique en tant que conjonction d’une forme d’expression et d’une forme de contenu pour produire du sens. Et d’ailleurs, on le constate dans la danse de façon générale et la danse africaine contemporaine plus spécifiquement : il n’y a pas fondamentalement de frontière entre le corps du danseur ou de la danseuse, le corps de la danse (chorégraphie) et le corps de l’espace, il y a plutôt simplement un corps dansant, l’être-là de la danse (sorte de Dasein heideggérien). Le graffeur ou graffitiste qui prend possession d’un mur, d’une façade, d’un wagon pour y apposer ses tags ou graffitis instaure une interlocution, une interaction nouvelle en imposant d’autres codages, des codages autres : ce n’est plus un mur, ce n’est plus une façade, pas plus qu’un wagon, c’est une instance discursive par le jeu des embrayages dont la signature n’est que le moment ultime dans la déictisation/déixisation, dans la spatialisation ou plutôt dans la trajectivation. Comme du reste une performance de b-boy ou de b-girl ou encore une partie de Battle. En articulant l’espace physique, l’espace social et l’espace mental pour actualiser une « structuration existentielle», selon l’expression de Berque, les cultures urbaines en tant que sémioticités ou plus exactement intersémioticités se donnent à lire elles-mêmes comme processus de spatialisation. Et on voit bien que ce processus de spatialisation est foncièrement de l’ordre de la tensivité au moins par le jeu des valences et des modalisations.  

 

II-2- Temporalité

On peut interroger les pratiques urbaines selon plusieurs temporalités ou régimes de temporalités. Cependant on peut les considérer ici suivant l’agencement au moins des temporalités sociales, des temporalités historico-politiques et des temporalités biographiques.

Du point de vue des temporalités sociales, les pratiques urbaines figurent ce feuilletage des diverses formes de socialité concurrentes dans une sémiosphère, selon le vocabulaire lotmanien, plutôt une intersémioticité dans le cadre de cette contribution. Une société donnée configure, dans ses interactions quotidiennes, des agencements de socialités diverses qui tiennent lieu de normes et de pratiques des normes en tant que ces dernières sont des mises à l’épreuve continues de ces normes elles-mêmes. Dès lors, les pratiques urbaines ne sont pas simplement une forme autre de socialité, elles sont surtout un lieu d’affluence des socialités autres sans qu’elles se donnent à lire comme syncrétiques dans l’espace sémiotique. Certaines formes d’expressions du mouvement Y en a marre lors des élections présidentielles de 2012 au Sénégal comme Daas fanaan, sama carte sama askan, etc. articulent des modalités d’être et des modalités de faire (modalisations ontiques et déontiques : devoir-être et devoir- faire) qui, en réalité, ne produisent pas du sens en tant que tel mais configurent des univers de sens, ouvrent à l’infini du sens. D’un autre point de vue des pratiques urbaines, une performance en tant qu’articulation d’esthétiques diverses ne produit pas du sens, si on veut être logique, elle configure un univers de sens, plus exactement d’ailleurs il aurait fallu dire un univers-sens parce que le sens est ce monde qui s’ouvre en ouvrant un dehors du sens, en dissipant cette opacité qui sépare du sens. Elles jouent sur la labilité de feuilletage, sur l’inassignable des frontières et des seuils[17].

Du point de vue des temporalités historiques ou historico-politiques, les pratiques urbaines jouent à fond sur la discordance des temps pour que de ces tensions surgisse l’interrogation déconstructrice, la fêlure instauratrice. En faisant se télescoper des historicités singulières, hétérogènes, les pratiques urbaines s’organisent sur le modèle du mythe, sur le mode à la fois augural et inaugural ou plus exactement inaugural parce qu’augural. Ce qui participe de l’institution de signes que l’on pourrait nommer, dans le processus de sémiotisation, des signes-mondes, c’est-à dire en forçant un peu le trait, des signes (des pratiques) qui sont des formes de présence de leurs propres modalités de faire sens, de leur signifiance (si ce mot n’était passé de mode, hélas!). Dans cette perspective, l’album Gibraltar (2006) du slameur français Abd al Malick ou celui du rappeur sénégalais Didier Awadi (l’un des fondateurs du premier groupe de rap sénégalais, Positive Black Soul) Les présidents d’Afrique (2010) ou encore le film documentaire du même rappeur, Le point de vue du lion (2010) sont des exemples pertinents en la matière. On trouve ces raccourcis aussi chez nombre de graffitistes africains, comme le sénégalais Docta, qui articulent sur un même niveau de manifestation, de présence, des générations différentes de figures africaines sans que la syntaxe énonciative permette de prédire une quelconque discontinuité, des frontières de lisibilité et de traductibilité.

Selon les temporalités biographiques, le slameur franco-sénégalais Souleymane Diamanka, dans son album Hiver Peul (2007)[18], offre des formes paradoxales de ce qu’on pourrait appeler un montage discursif, lisible dès le titre oxymore. Les temporalités biographiques posent, à mon avis, au moins deux problèmes liés : d’une part le rapport entre sujets de l’énoncé et sujet de l’énonciation, et d’autre part la question de l’identification, de la délimitation du sujet de l’énonciation même ou plus précisément des sujets de l’énonciation. Depuis les tours de bétons des cités bordelaises, faire une plongée au cœur du Sud du Sénégal, dans les structures sociales du Fouladou et de leurs mutations incessantes. Mais dans la parole du fils (Souleymane Diamanka) résonne plutôt les fresques de l’histoire du peuple peul, peuple de cultivateurs et de bergers, que le père (Boubacar Diamanka), au soir de sa vie d’immigré en France, a eu le génie d’enregistrer sur des cassettes pour magnétophone. Le père répétant, une partie de l’histoire que lui-même (jeune adulte avec ses camarades du village) a entendu le soir en dansant autour du feu sacré. La voix qui arrive donc jusqu’à nous est chargée au moins de quatre générations de parole : la voix des ancêtres transmise par le grand-père, relayée par le père et orchestrée par le fils. L’hétérogénéité discursive est manifeste même s’il ne s’agit pas seulement de l’histoire du Fouladou et de ses mutations mais surtout de ce peuple de bergers et de cultivateurs se parlant à lui-même pour entretenir sa mémoire. La biographie de chacun des récitants successifs est entée sur la biographie collective : la biographie individuelle prolongeant la biographie collective en lui ajoutant une nouvelle branche et celle-ci légitimant celle-là, d’une seule performance. Si l’on définit le discours social ordinairement comme un discours mettant en jeu des collectifs, l’hiver peul inscrit bien ce marquage d’interactions entre énonciateur et énonciataire collectifs. Et le plus intéressant c’est que finalement une rupture dans la chaine de transmission va s’opérer avec Souleymane Diamanka en élargissant le collectif énonciataire, par le biais des médias de masse, aux publics qui dépassent le peuple peul du Fouladou. Et cette tension dans l’hétérogénéité discursive culmine véritablement dans les duos (dans ce même album) avec d’une part le poète (slameur) français Grand Corps malade et d’autre part le poète (slameur) polonais John Banzaï[19].

On peut dire que la mise en scène des temporalités biographiques dans et par les récits de vie de façon générale se problématise par, au moins, la question de l’hétérogénéité discursive.

 

II-3-Territorialité

La territorialité est indissociable de la question de l’altérité et des frontières séparant de l’autre et du dehors. On peut donc la définir comme perception de la différence et effet de bornage pour circonscrire un espace physique et/ou symbolique propre ; et il faut comprendre propre à la fois comme propre à quelqu’un, donc approprier (appartenance) et propre pour quelque chose, c’est-à-dire apprêter (fonction). La dimension éthologique reste prégnante dans ses usages en sciences humaines et sociales. On sait la façon dont les philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari, depuis leur Anti-Œdipe (1972), ont popularisé la notion de territorialisation avec ses versants, déterritorialisation et reterritorialisation, pour en faire un processus dynamique et créatif. De ce point de vue, pointer la territorialité dans les pratiques urbaines, c’est indexer ces pratiques comme procédures de subjectivation ou plus exactement de trajectivation, pour reprendre le concept de Berque, c’est-à-dire ce double mouvement de cosmisation de notre corps et de somatisation de l’espace. La territorialité est alors un effet d’occupation et de positionnement, une manière d’affirmation d’une identité, individuelle ou collective, et de la disposer en face d’une différence. Elle est une façon tout aussi bien de se tenir comme différence. Elle est de fait une production de l’altérité. Considérées ainsi, les pratiques urbaines deviennent des procédures de symbolisation, de sémiotisation et en elles –mêmes, des formes de sémiosis. Une territorialité, dans le jeu des pratiques, est donc un chiffrage urbain, une redistribution des codes et des codages pour imposer à la fois une visibilité et une lisibilité autres. Rancière dirait «une redistribution des parts dans le sensible »[20], un repartage du sensible alors. La renégociation des spatialités et des temporalités contribuent à faire émerger de nouvelles grammaires du sens. En mettant en circulation des signes et des signaux, en définissant les modalités de leurs usages de communication, de reconnaissance ou de (re)construction de liens, les acteurs en tant que sujets de culture élaborent pour eux-mêmes et pour les autres des modes d’organisation alternatifs. C’est donc du point de vue des procédures de modalisation qu’il faut interroger la territorialisation des pratiques urbaines. L’inscription des pratiques urbaines d’un point de vue praxéologique reconfigure les univers de sens par un déplacement continu des frontières et des seuils : frontières spatiales, frontières temporelles, frontières symboliques. Ces déplacements autorisent alors des passages entre systèmes de codage, de chiffrage et modèles cryptiques. A l’intérieur du mouvement Hip Hop par exemple, la façon dont les différentes disciplines, les diverses pratiques émergent et se différencient progressivement en rap, slam, graffiti, basket de rue, etc., sans jamais cesser d’être à la fois des sous-systèmes et des environnements de systèmes. Chacun de ces micro systèmes ne peut s’analyser qu’en référence au macro système que représente le mouvement Hip Hop tandis que le mouvement Hip Hop lui-même ne se comprend qu’au travers de ses manifestations que sont les micro systèmes rap, slam, graffiti, performance, etc. La différenciation n’est pas une dissociation dans ce cas de figure. On pourrait alors dire d’une certaine façon que le mouvement Hip Hop et plus généralement les cultures urbaines se donnent à lire comme systèmes autopoïetiques et autoréférentiels[21]. La territorialisation s’élabore ainsi dans une autopoïesis continue. C’est pour cette raison d’ailleurs que la territorialité dans les pratiques urbaines ne peut pas s’analyser de façon autonome mais seulement dans ses relations foncières avec son dehors. Et si on veut bien considérer la territorialisation comme lieu d’une praxis, mieux d’une praxéologie, on peut dire que la structure modale ne peut se réduire seulement à une question de pouvoir de la territorialité.

 

III- Cultures urbaines et procédures de resémantisation

Le paradoxe des pratiques urbaines, c’est qu’elles se disent depuis leur désir de sens ou plus exactement elles s’énoncent comme désir de sens suivant le constat d’une vacuité, d’une rupture et d’une discontinuité dans le faire sens. Si l’on considère la ville comme un ensemble de discours et les cultures urbaines elles-mêmes comme un espace interdiscursif, un espace d’interlocution donc, l’inscription des pratiques urbaines dans la ville met en crise les règles déjà là de production du sens par l’introduction d’une discordance radicale. La superposition de ces espaces physiques et symboliques construits suivant des grammaires différentes, opacifie les ancrages syntagmatiques et paradigmatiques par un brouillage des régimes de sémioticité en œuvre. Par exemple lorsqu’un graffitiste s’empare d’une gare, d’une façade d’immeuble, d’un pont sur une autoroute, etc., il dé-figure l’objet par une désarticulation de la logique urbaine, de la logique des politiques urbaines, pour le trans-figurer littéralement. Un espace en tant qu’objet sémiotique, ne signifie pas seulement par sa cohérence interne mais aussi par la façon dont il s’articule avec ses environnements externes. Du fait même de ce jeu de dé-figuration et de trans-figuration, il se produit dans l’interprétant dynamique (pour parler comme Peirce) ce que j’appellerai l’effet palimpseste qui est une sorte de tension entre le déjà là qui affirme sa présence et l’alors qui n’est plus là mais criant la présence de son absence. Cette tension irrécusable donne à lire le déjà là comme violation de l’alors qui n’est plus là dans la continuité des mémoires et des imaginaires interprétatifs. Les cultures urbaines ainsi s’énoncent comme propositions de faire sens dans l’espace d’interlocution qui prend forme progressivement et de façon irrévocable. Tout espace sémiotique est fondamentalement un espace d’interlocution, une interdiscursivité et une intermédialité donc. De ce point de vue, la co-présence d’une double sémioticité fait sens dans ses oppositions contradictoires mêmes en se donnant à la fois comme euphorique et dysphorique. Mais cela veut dire aussi que les sémioticités co-présentes ne signifient pas chacune de son côté, séparément, leur processus de production du sens est foncièrement dépendante des procédures d’articulation des hétérogénéités en présence. Il n’y a pas de pratiques urbaines déliées des formes de contestation des logiques urbaines, elles se présentent comme des manières autres de ces logiques urbaines qu’elles remettent en question. En ce sens, l’hétérogène est le mode radical de donation de sens des pratiques urbaines et plus fondamentalement des pratiques sémiotiques de façon générale. Une pratique urbaine en tant que pratique sémiotique est d’emblée une pratique complexe qui intime une sémiotique de la complexité sinon de l’hétérogénéité. On peut faire alors l’hypothèse suivant laquelle que c’est en agissant conjointement sur les spatialités et sur les temporalités pour circonscrire des territorialités physiques et/ou symboliques, que les pratiques sémiotiques en général et les pratiques urbaines en particulier prennent place comme sémiosis sociale pour réinterroger, dans les rituels du quotidien (pour parler comme Goffman), les normes sociales dans l’imaginaire collectif[22].

Et Paul Ricœur de dire avec sa finesse habituelle:

C’est d’abord dans l’action que fonctionnent les signes, tandis que la pratique des signes est une espèce d’action. Aussi, pour beaucoup d’auteurs, et non sans fondement, la théorie de l’action englobe d’une certaine manière la sémiotique elle-même. Tout au moins la théorie des actes de langage est-elle comprise comme un segment de la théorie de l’action[23].

 

 

Conclusion

Donc pour conclure ce parcours il nous faut revenir sur deux ou trois choses essentielles pour recadrer plus précisément les propositions avancées dans cette contribution.

D’abord, les pratiques urbaines ne sont pas une sémiotique-objet autonome coupée du reste des pratiques sociales, elles sont partie intégrante des interactions sociales qui constituent le rituel du quotidien. De ce fait même, elles ne peuvent se décrire et s’analyser de façon pertinente que suivant l’interdépendance des systèmes sémiotiques, des intersémioticités successives et co-présentes. Cette interdépendance des hétérogénéités fait que les pratiques urbaines relèvent de la complexité et s’appréhendent à partir des méthodes et non des méthodologies, pour reprendre la célèbre distinction opérée par Edgar Morin.

Ensuite, en tant que pratiques sémiotiques, elles participent des procédures de redéfinition et de requalification du commun dans le communautaire par la mise en crise des codes et des codages déjà-là. Ce processus de contestation de la grammaire présente est aussi manière d’imposition d’un faire sens autre qui instruit la complexité des pratiques et dans les pratiques comme forme radicale de donation de sens. De ce point de vue, le sens se lit dans le jeu continu avec les frontières et les seuils, dans l’ouverture d’un dehors. Les pratiques sémiotiques que sont les cultures urbaines ne produisent pas du sens distinct, détaché d’elles-mêmes, objectif si on peut dire, elles sont le sens même en tant qu’elles disent une expérience intersubjective en même temps qu’une « jection » dans le monde.

Enfin, en articulant des spatialités et des temporalités hétérogènes pour énoncer des territorialités autres, les pratiques urbaines construisent du sémiotique et se donnent à lire comme sémiosis sociale. Elles participent alors à l’élaboration d’espaces d’interlocution foncièrement dialogiques, des interdiscurisivités. Ces espaces polyphoniques, plus exactement dialogiques viennent ratifier le surgissement irrécusable de l’altérité, de la différence à l’horizon du sujet comme condition d’assignation des significations. Le sens est donc irrémédiablement un sens en société, dans le rapport au monde des sujets en tant qu’intelligibilisation du monde, en tant que processus de (re)sémantisation, inséparablement de l’histoire de ces sujets eux-mêmes.

Alors une sémiotique des cultures urbaines peut donc se revendiquer comme une sémiotique ancrée dans la dimension anthropologique des pratiques, une sémiotique de la complexité : une anthropo-sémiotique.

 

 

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[1] Il ne s’agit pas ici de faire une histoire chronologique exhaustive du mouvement Hip Hop mais simplement de tracer à grands traits les contours de l’émergence d’une pratique sémiotique ancrée dans l’espace urbain et surtout dans les marges urbaines. C’est une manière de contextualiser le propos à venir dans la suite de cette contribution.

[2] Ce survol très rapide sur l’émergence du Hip Hop s’inspire librement des publications majeures comme celles de Jeff Chang, de Christian Béthune, de Patricia Hill Collins, de Rose Tricia, et le site de www.culturesurbaines06.com (consulté le 10 mai 2014), essentiellement. Cf. la bibliographie sélective en fin de l’article.

[3] Ce résumé sur le mouvement Hip Hop sénégalais s’inspire librement des travaux de nos collègues Ndiounga Adrien Benga (« Entre Jérusalem et Babylon : Jeunes et espace public à Dakar » In revue Autrepart, 2001/2, N°8), et Mamadou Dramé (Thèse de doctorat 3è Cycle sur l’argot dans le rap sénégalais) qui ont consacré de lumineuses analyses à ce phénomène, chacun depuis sa spécialisation, bien sûr.

[4] Une comparaison avec le cri des indignés en Europe lancé par les jeunes espagnols en juin 2011 à la Puerta del Sol et qui s’est répandu comme une trainée de poudre peut bien se faire dans une généalogie des mouvements contemporains de contestation.

[5] Rancière, J. (2000), Partage du Sensible, Paris, Découverte

[6] Bulot, T., Bauvois, C. et Blanchet, Ph., sd. (2001), Sociolinguistique urbaine. Variations linguistiques : images urbaines et sociales, Rennes, PUR ; Calvet, L.-J. (1994), Les voix de ville, Paris, Payot

[7] Clavel, M. (2002), La sociologie de l’urbain, Paris, Editons Economica ; Rémy, J., (1987), « Bilans et tendances de la sociologie urbaine de langue française depuis 1945 » In Espaces et Sociétés, N° 48-49 ; Marpsat, M., (1999), « La modélisation des « effets de quartier » aux Etats-Unis. Une revue des travaux récents. » In Populations, N°54, Vol.2 ; Ostrowetsky, S., (1996), Sociologues en villes, Paris, L’Harmattan  

[8] Althabe, G. et Comolli, J.-L., (1994), Regards sur la ville, Paris, Editions Centre Pompidou ; Métral, J., sd, (2000), Cultures en ville ou de l’art et du citadin, La Tour d’Aigues, Editions de l’aube ; Hannerz, L. (1985), Explorer la ville, Paris, Minuit ; Augé, M., (1992), Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil ; (1994), Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Flammarion

[9] Roncayolo, M, (1990), La ville et ses territoires, Paris, Gallimard ; Harvey, D, (2008), Géographie de la domination, Paris, Les Prairies ordinaires

[10] Choay, Fr, (2006) Pour une anthropologie de l’espace, Paris, Seuil ; (1965), L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Paris, Seuil

[11] Nopen, L, sous la dir., (1995), Architecture, Forme urbaine et identité collective, Laval, les éditions du Septentrion ; Paquot,Th. & Younès, Ch. (2000), Ethique, Architecture, Urbain, Paris, La Découverte

[12] Lamizet, B., (2007), « La polyphonie urbaine : essai de définition », Communication et organisation, N°32 (La ville dans tous les sens), disponible sur http://communicationorganisation.revues.org/1141 (consulté le 19/05/2014)

[13] Hammad, M., (2010), Palmyre. Transformations urbaines. Développement d’une ville antique de la marge aride syrienne, Paris, Geuthner; Fontanille, J., (1989), Les espaces subjectifs, Paris, Hachette; Fontanille, J., (2008), Pratiques sémiotiques, Paris, PUF ; Landowski, E., (2009), « Régimes d’espace », Actes Sémiotiques, en ligne http://epublications.unilim.fr/revues, (Consulté le 19/05/2014); Bertrand, D. (2009), « De la topique à la figuration spatiale »,Actes Sémiotiques, en ligne http://epublications.unilim.fr/revues, (Consulté le 19/05/2014); Zilberberg, Cl., (2008), « Contribution à la sémiotique de l’espace », Nouveaux Actes Sémiotiques, en ligne sur http://epublications.unilim.fr/revues, (Consulté le 19/05/2014); Sansot, P., (1973), Poétique de la ville, Paris, Klincksieck ; Lotman, Y., (1999), La sémiosphère, Limoges, PULIM mais aussi du même auteur (2004), L’explosion et la culture, Limoges : PULIM, Nouveaux Actes Sémiotiques

[14] Lefebvre, H., 1974, La production de l’espace, Paris, Anthropos

[15] Le concept de trajectivité a été introduit par Augustin Berque dans Le Sauvage et l’artifice. Les japonais devant la nature (Paris, Gallimard, 1986) et reprécisé par la suite (et en particulier) dans Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains (Paris, Belin, 2000)

[16] Berque, A., 2008, « Existence humaine et spatialité », texte de Communication dans le cadre de la rencontre Dispositifs et notions. Croisements des spatialités et temporalités françaises et japonaises, Kyôto, Kôsen Kaikan, 12-13 Décembre 2008, pp. 10-11

[17] Je reprends autrement ici une thématique chère à Jean-Luc Nancy, contre la vulgate selon laquelle notre monde a perdu son sens : « le monde n’a pas de sens mais il est le sens », disait-il dans Le sens du monde, Paris, Galilée, 1993, p.19

[18] L’histoire de cet album est pour le moins singulière car cela aurait pu être l’album du père s’il avait été slameur ou simplement griot chanteur.

[19] Avec John Banzaï, Souleymane Diamanka prolonge l’expérience artistique par un ouvrage à deux mains, J’écris en français dans une langue étrangère, Paris, Editions Complicités, 2007

[20] Rancière, J. (2000), Partage du sensible, Paris : La Fabrique

[21] La sociologie Luhmannienne, de façon remarquable, tente un nouveau paradigme à partir de l’analyse des systèmes sociaux et leurs environnements en partant de la perspective du fonctionnement des organismes vivants, cf. la bibliographie en fin de cette contribution.

[22] C’est pour cela qu’il y a un paradoxe inquiétant lorsque les politiques publiques urbaines cherchent de plus en plus à aménager des espaces pour abriter les pratiques urbaines, à organiser des festivals et des expositions dédiés aux cultures urbaines, parce que c’est bien là des stratégies de normalisation, de légalisation de pratiques qui ne s’élaborent que dans le face à face entre la légalité et l’illégalité, entre le pouvoir et sa marge (l’autre radical du pouvoir et du centre). C’est pourtant dans la fabrication de sa marge que le pouvoir se donne comme singularité en produisant de la différence et non dans la normalisation de « l’anormal ».

[23] Ricœur, Paul (1993) « Préface » à L’esprit de société, sous la direction d’Anne Decrosse, Liège : Mardaga, p.9