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Résumé

Ma contribution vise à explorer les notions discursives de la modernité et la notion d’interconnexité globale au sein des jeunes hommes Pikinois. Bien que de nombreux chercheurs constatent le faible impact de la mondialisation qui caractériserait les grandes banlieues africaines, j’aimerais proposer une lecture alternative en suivant l'approche de Jean-Marc Éla (1999) et son « anthropologie de la banalité et de la quotidienneté » en analysant la notion « du agency » entre une conversion affirmée de la mondialisation traduite par l’exclusion de la participation aux processus urbains et la manière dont les jeunes hommes façonnent ce qu'ils perçoivent comme la modernité dont ils négocient l’interconnexité globale. Mon argument se basera sur le fait que les pratiques visibles de la consommation agissent comme des percées à la modernité et permettent aux jeunes hommes de participer à celle-ci.Aussi, les figures de constructions identitaires deviennent cruciales et ont besoin d'être analysées à la lumière de cet ardent désir que les jeunes Pikinois ont de participer à une culture de consommation mondialisée. Cet article tente ainsi de donner une idée plus précise sur des notions locales comme Boy Pikine, Baay Faal et Boy Town.

Mots-clés: Agency, modernité, mondialisation, interconnexité globale, urbanité, jeunesse, consommation, Pikine 

 

INTRODUCTION

Dans son ouvrage intitulé “Remotely global” Charles Piot s'appuie sur un travail ethnographique chez les Kabiyè du Nord-Togo et argumente que des domaines triviales, considérés clairement traditionnels, sont en fin de compte liés à des expériences de la modernité. L’isolement, analysé dans toutes ses facettes, comme une peur/expérience douloureuse, caractérise aussi de nombreux jeunes de la banlieue de Dakar. Les banlieues ici, comme de nombreuses autres dans le monde entier, sont souvent victimes d’évaluations discriminatoires de l’extérieur.

Pikine, ville-satellite à l’est de la péninsule du Cap-Vert, qui a été l’un des grands projets urbains gouvernementaux de restructuration de l’Afrique, ne fait pas exception à cela. Alors qu'il y a quelques années le géographe Gérard Salem considérait Pikine comme une ville de riens et une ville sans vraie histoire (1998: 271), l'intérêt pour cette ville et celui des autres espaces urbains en Afrique a été relégué à une approche générale de la recherche dans les sciences humaines de voir et de lire les villes africaines contemporaines [...] à travers les grands récits de l'urbanisation, de la modernisation et de la crise (Mbembe et Nutall 2004: 353). Mais les commentaires généralisant qui étaient souvent utilisés ont échoué dans la description de la composition hétérogène des voisinages des quartiers urbains précaires des grandes agglomérations partout dans le monde. Nous pouvons dire maintenant que cette évaluation n’est plus valable pour Pikine.

   Fondée en 1952, lorsque les quartiers péricentraux de Dakar ont été effacés de squatters en situation irrégulière, Pikine était une destination pour des migrants ruraux fuyant la sécheresse, en particulier dans les années 1960. Aujourd'hui, Pikine est une grande ville-satellite cosmopolite dans la périphérie de Dakar avec une population d'environ un million et demie d’habitants formée d’une mosaïque de différentes communautés ethniques. Avec la prolifération de nouveaux restaurants, en particulier dans le créneau du Fast Food, Pikine acquiert de plus en plus une envergure mondiale. Aujourd'hui Pikine est caractérisé par un conglomérat diversifié de constructions formelles à faible coût: petits blocs de logements de ciment et immeubles d’un étage à multi-étages auto-construits.

   Même si ses habitants peuvent être comptés parmi les citadins pauvres, nous devons nous abstenir de faire toutes sortes d’hypothèses d’un point de vue de la victime. Au contraire, nous devons prêter notre attention aux figurations d'agency d'un point de vue constructif. C’est à cet effet que cet article de recherche tente de donner un examen plus minutieux de la société pikinoise et leur conception de soi. De plus, je tiens à attirer l’attention du lecteur sur le fait que récemment nous avons assisté à une “ouverture des sociétés africaines en termes d'interconnexité globale” (Schapendonk 2013: 10). Néanmoins, pour beaucoup de personnes, aussi pour les jeunes citadins de Pikine, cette interconnexité globale “s’expérimente principalement dans son absence,sous la forme de non-arrivée du changement, des promesses non tenues et des aspirations insatisfaites” (Graw 2012 : 32)  traduit dans une misère et d'incohérence de la vie dans les banlieues (Devisch 1999: 5; cf. AbdouMaliq 2001: 17), au lieu d’une augmentation réelle de la mobilité ou de flux de marchandises” (Graw 2012: 32).

   Sur la base de onze mois de travail sur le terrain à Pikine, je suis l'approche de Jean-Marc Éla (1999) et son “anthropologie de la banalité et de la quotidienneté[1]”. J'analyse l'agency, comment des jeunes hommes dans la banlieue de Pikine négocient leurs désirs pour la mondialisation et comment cela est lié à leurs processus de figurations d'identité plus intégréedans des discours locaux.

  

 

 

INTERCONNEXITÉ GLOBALE

L’amour et la valorisation que les jeunes de Pikine donnent à leur localité sont exprimés par des sloganstels que I love Pikinepar exemple sur des T-shirts et l'idée de la Pikinité[2], va de pair avec l’intégration de ces discours dans les forces de liaisons mondialisées. Afin de ne pas être isolés, les jeunes sont en train de négocier activement leur participation dans les évènements mondiaux. Dans le cadre d'une citoyenneté mondiale, je définis personnellement en corrélation avec la définition de Nadine Dolby, qui dit que la citoyenneté est marquée par une relation entre un État, un peuple’ et un territoire particulier. (2006: 34), c’est-à-dire en d'autres termes l'accès des habitants dans leur localité à un éventail de possibilités offertes par le flux global des marchandises, que ce soit matériel ou immatériel.

 De nombreux chercheurs ont parlé d’une prolifération inégale de la mondialisation sur le continent africain. Nombreux sont les chercheurs qui parlent de non-arrivée de la mondialisation en Afrique. Francis Nyamnjoh a intitulé un de ses articles scientifiques: “For Many are Called but Few are Chosen” (Beaucoup sont appelés mais seulement quelques-uns sont élus), puisque  les images de la mondialisation sont accessibles partout et montrent un déséquilibre  extrême. En effet, beaucoup ne participent pas à ce “monde cosmopolite prometteur” (Salazar 2010: 58, cf. Jónsson 2008, Ferguson 2006). Ce que Donna Perry a nommé “urbanized globalization” (mondialisation urbanisée) (2009: 41) se traduit souvent par une exclusion d’une participation aux processus mondiaux pour la plupart des jeunes, même s'ils sont leurs acteursles plus importants. Ainsi seulement quelques possibilités restent à façonner la modernité (Halperin et Scheld 2008: 170-174; cf. Schapendonk 2009: 2).

   Dans son travail sur la région sud-ouest de l'Inde sur la côte de Malabar, Ritty Lukose soutient que la jeunesse est considérée comme un groupe social de consommateurs, le premier à se plier sous ce qui est compris comme pression de la mondialisation homogénéisant, une mondialisation fondamentalement liée à une Américanisation. Les pratiques de la consommation juvénile deviennent donc un indice de la présence et de l‘accès à la mondialisation (2005: 915). De nos jours les marchandises sont disponibles partout, mais cette disponibilité mondiale ne signifie pas l'accessibilité globale (Nyamnjoh 2004: 48), comme ce récit d'un jeune homme du quartier de Pikine le démontre:

Dans la rue, tu vois une boutique, y a l’habit qu’on  a exposé pour vendre. Tu veux l’acheter, ça te plait, tu veux l’acheter, tu peux pas. Quand tu regardes, tu sais que t’as pas de l’argent pour acheter cela. On veut des choses, on veut faire des choses, mais on peut pas, parce qu’au fond, ou bien quand on regarde aux alentours de nous, on voit que, on ne peut pas, quoi, parce que y a le manque de moyens, qui ne nous le permet pas, quoi. (Pape[3], 20 ans)

  

La réalité est composée de nombreux blocages. Beaucoup de jeunes doivent se contenter de ce que le philosophe Achille Mbembe appelait lécher la vitrine (Meyer et Geschiere 2008: 5), l’impuissance de la réalisation des désirs en raison du manque de moyens financiers, ce qui conduit à un désenchantement, à la frustration et au stress (cf. Durham 2000: 113). Il y a  une économie de biens souhaités qui est connue, qui peut parfois être vue, que l’on veut apprécier, mais á laquelle on n'aura jamais accès (Mbembe et Rendall 2002: 271). Les jeunes sont placés dans une position douloureuse entre des aspirations et des opportunités (Whyte et al. 2008: 14) dans une ville de nombreuses possibilités (cf. Beck 2010: 14). L'occident s’apparente à une expérience visuelle omniprésente quotidiennement à Dakar: hôtels de luxe, grandes villas et voitures de luxe, restaurants chics (qui propose essentiellement des plats d’’ailleurs’), boîtes de nuit et casinos qui créent à Dakar une ambiance d’une décadence culturelle et sociale (Biaya 2001: 76). D'autre part, cependant, la désillusion, le vagabondage, la marginalisation et le chômage sont une réalité incontournable et toujours présente (Van Eerdewijk 2006: 4). Dakar peut être l'Europe[4] (le Plateau, Point E, Fann, Almadies, Nord Foire, etc.) ou l’Afrique (Grand Yoff, Grand Dakar, Pikine, Guédiawaye, etc.), une vitrine de modernité (cf. Dimé 2005: 97), mais au même temps son contraire flagrante, un kaléidoscope d’un champ discursif au cœur de l'expérience visuelle (Grabski 2007: vii).

   Les trottoirs sont trop souvent transformés dans des marchés aux puces en plein air énormes qui évoquentpartout aux tentations consuméristes, encore plus marquées dans la soirée, quand nous pouvons observer l'appropriation de l'espace du piéton par des vendeurs pour l'exposition de leurs produits, par exemple des chaussures (partiellement jusqu’au point où les piétons doivent utiliser la rue). De plus, la ville est remplie d’affiches publicitaires d'idéaux consuméristes qui sont irréalistes pour la plupart de la population. Pour beaucoup de gens un Toyota RAV4, un Mitsubishi ASX, faire des vacances au Maroc ou en voyage à Paris, Istanbul ou bien à une autre destination est bien au-delà de leurs moyens, et parfois même pas dans leurs habitudes de consommation.

   Les jeunes se trouvent dans une situation inconfortable: ils sont soit des non-consommateurs soit des consommateurs qui ont d’énormes difficultés. C’est pourquoi, pour inverser cette position, ils font usage de différents outils d'un répertoire très élaboré pour pouvoir participer à la vie sociale urbaine. Il faut de la ruse locale, Achille Mbembe parle d’urban knowledge (connaissances urbaines) (1997: 153), nandité ou bien muus dans le jargon local. Je vois ces expressions locales sur le modèle de Mbembe, qui explique que le Urban knowledge est considérée comme la capacité d’improviser, de survivre, et en fin de compte de réussir dans la ville. Cette connaissance peut être seulement acquise d'une manière pratique, mais également a besoin de l'expérimentation et de l'improvisation (McLaughlin 2001: 156).

   Pour les jeunes hommes, cette ruse locale est d'une importance cruciale. Mon argument dans cet article se basera sur l’idée que la négociation des percées sur les circuits consuméristes et l'affichage public de consommation permettent aux jeunes hommes Pikinois de participer à la modernité d'une manière qui leur permette d’être un acteur actif et constitutif.

 

 

LE CONTEXT SOCIAL DE LA NÉGOCIATION DE L’INDENTITÉ DES JEUNES

Je compare la société oblige sénégalais avec la conception française de noblesse oblige, qui était pratiquée en Europe par la classe noble en particulier au cours de la période médiévale. Cela ne signifie pas que les pratiques subversives ne sont pas possibles, mais toutes les actions humaines, en particulier dans le voisinage où on vit se surveille strictement. De plus la croyance islamique sert de tuteur conservateur de l'ordre moral et influence l'action humaine. Cependant, même si les activités sont regardées d'un œil critique, l'Islam peut être qu’un obstacle sur le mode de vie des jeunes. C'est aux gens eux-mêmes de respecter les principes islamiques ou de trouver des moyens acceptés ou cachés afin de les contourner. La manière de les contourner ou de naviguer auprès des terrains sociaux qui ont des potentialités contradictoires sont liées à une planification de vie avec des idéologies abstraites et confuses.

   Les idéologies des jeunes sont converties dans des pratiques comportementales irrationnelles. En effet, elles apparaissent ici comme fluides, ambigües, contradictoires et incompatibles avec les convictions rationnelles. Ils sont tiraillés entre plusieurs impératifs et oscillent constamment dans une pluralité de logiques contradictoires, par exemple: les impératifs de la redistribution dans la communauté et ceux des solidarités familiales, etc. (Marie 1997: 410).

Prédispositions à la solidarité d’un côté, pulsions individualistes de l’autre; interdit d’individualisme et soumission à « la loi de la dette » d’une part, le devoir de réussir, d’autre part. Telles sont déjà les contradictions qu’installe en eux la socialisation communautaire. Mais ce n’est pas tout: voici qu’en même temps, la socialisation urbaine vient  au contraire s’appuyer sur leurs pulsions individualistes en les  sommant  plus que jamais, sous l’empire  de la rareté, d’être compétitifs, agressifs et autonomes. (Marie 1997: 420)

   En accusant l'ordre ancien, présenté dans le monde contemporain comme des concepts fluides de restes demeurant, cette nouvelle génération est à la recherche de quelque chose, qui n’est même pas encore défini ces derniers. Les stratégies de camouflage jouent un rôle vital pour la navigation dans les vécus des citadins masculins. Les pratiques quotidiennes consistent à ne pas révéler les réalités sombres de la vie dans la banlieue, mais plutôt de montrer des pratiques harmonieuses de cohabitation. Il y a un impératif social de préserver une image sociale intacte et de gérer une certaine forme d'imagination positive qui cache beaucoup de facettes de réalités quotidiennes paupérisées (cf. Dime 2005: 212). Le terme sag (honneur, fierté) et la logique de dafa sag (quelqu'un qui est honorable) et daw gàcce(éviter le déshonneur) dans le jargon local signifie cela.

   Ces jeunes font usage de différents outils d’un répertoire très élaboré, qui reflète des normes sociales acquises, pour manipuler l'ordre social établi courant et en tirer profit. Nous comprenons ces négociations complexes de l'agency quotidienne dans le cadre de ces interactions sociales créatives, qui sont mises à profit pour tirer des bénéfices de conditions de vie qui sont apparemment immuables et immobiles.

 

 

‘ÊTRE DANS LE MONDE’ À TRAVERS DE VÊTEMENTS D’OCCASION

Les types de consommations peuvent être le plus facilement exprimés par des pratiques vestimentaires. La consommation est entraînée ici par un fantasme alimenté qui conduit à créer un espace d'identité, un style de vie, et la réalisation d'une rêverie de la bonne vie (...) (Friedmann 1994: 121). Consumérisme, réalisé grâce à des pratiques vestimentaires, est lui-même un acte de satisfaire des désirs qui sont corrélés aux modes de vie aspirés. Il remplace d'autres formes de réalisation matérielle qui ne sont pas possibles ou difficiles à atteindre, dans un monde où beaucoup de gens courent auprès des images interprétées de soi d'une bonne vie (cf. Friedmann 1994: 121). En outre, avec ces pratiques les jeunes citadins arrivent eux-mêmes à se retirer ​​des réalités économiques précaires en transformant leurs apparences de sorte à avoir ce qu'ils considèrent comme des représentations symboliques de leur propre réussite. Porter des haillons placerait les jeunes contemporains dans une situation désavantageuse, qui volerait leur dignité et les reléguerait à un statut d’indigence et à un manque d'accès. Le manque d'accès peut être décrit ici comme un mot qui englobe toute exclusion de particuliers des circuits sociaux, culturels et économiques.

   Mais comment ces jeunes, qui n'ont presque pas de moyens, arrivent à avoir accès à des vêtements de fantaisie? De nombreux marchés dakarois, Colobane, Sandaga, Castor, HLM et les marches hebdomadaires, qui ont lieu dans un quartier de Dakar, un quartier de  Pikine ou d'un autre chaque jour de la semaine, offrent des vêtements jetées de l'Ouest (Hansen 2000: 3), appellée fëgg jaay, littéralement "secouer" (= fëgg) et vente (= jaay). Mais est-ce que ces vêtements d'occasion, dont personne ne connait le propriétaire précédent, peuvent mettre des jeunes hommes à la mode et leur permettre d’être dans le monde? Mais si les connexions transnationales sont rares, le recours à ces connexions devient difficiles, et que les ressources financiers pour acheter des vêtements originaux dans des magasins prêt-à-porter font défaut, ces marchés servent comme une solution pour rester à la mode.

   Alors que l'observateur profane voit peut-être juste des tas énormes de vêtements d’occasion, chaque stand est spécialisé et offre différentes parties de vêtements. Les détaillants savent les conditions locales spécifiques ainsi que les exigences et préférences des jeunes clients. Mais la compréhension des pratiques d'achat comme des actes aveugles de copier l'Occident” ne prennent pas en compte les processus complexes d'acquisition de produits occidentaux. Au contraire, ces jeunes citadins ont créé des pratiques vestimentaires idiosyncrasiques qui sont adaptées aux cosmologies locales et qui répondent aux tendances actuelles et aux normes culturelles acceptées. Dans ces marchés, loin de remplir simplement des nécessités vestimentaires de base, il est assez probable d’obtenir des vêtements qui répondent, aux besoins et aux désirs de chacun en aidant ainsi les jeunes à négocier et créer leurs propres identités sociales (Hansen 2000: 6).

   Tandis que les jeunes se valorisent à travers des pratiques vestimentaires ils ont besoin du savoir urbain et des contacts appropriés, soit sur ​des marchés de l’habillement, soit dans des magasins de vêtements prêt-à-porter. Ils ont besoin de connexions à travers des connaissances ou avec une famille qui a de bonnes liaisons, qui leur permettent d'avoir accès aux vêtements venant de l'étranger. Maa la dàq dox(littéralement: je marche mieux que toi)tient pour une expression de quelqu'un qui a de bons réseaux et qui connait bien la ville. Des marchés sénégalais sont des lieux d'échange, pas nécessairement de marchandises en échange de l'argent, mais aussi pour l’échange de biens contre d'autres biens. Dans plusieurs marchés comme Colobane les gens peuvent échanger leurs vieilles chaussures contre des nouvelles chaussures (chaussures d'occasion), une pratique qui est appelée localement dugal (littéralement: entrer). Une personne amène une paire de vieilles chaussures, ajoute une petite somme d'argent (teg) et choisit une autre paire de chaussures. Cela est seulement possible avec des chaussures originales, qui sont appelés dàll bal. Bal se réfère ici à un grand sac rempli avec des chaussures originales venant de l'Europe. La fourchette de prix est entre 7.000 CFA (Euro ~ 10,50) et CFA 30.000 CFA (Euro ~ 46).

   Les jeunes disent que les Chinois ont inondé le marché avec des vêtements bon marchés. Les dàll bal sont reconnaissables en raison de leur qualité. Les gens disent que ces chaussures sont faites de cuir, tandis que les chaussures chinoises sont synthétiques. Les vendeurs mélangent normalement des chaussures chinoises et dàll bal. Mais le plus souvent ils cachent les dàll balpour les utiliser comme un atout. Comme les dàll bal sont plus chers ils sont justement mis en évidence dans le cas où le vendeur pense que le client est capable d'acheter des chaussures à un prix élevé. Alors, c'est au client de discerner entre Chinois et dàll bal, parce qu’un commerçant fait toujours semblant de vendre que de dàll bal, considérés comme solides, contrairement aux chaussures chinoises qui ont tendance à être facilement endommagées.  Les gens disent que les chaussures chinoises sont pour lesngaka, une expression, qui se réfère aux gens ignorants ayant peu de connaissances. Aujourd'hui les mentalités sont en train d’évoluer. Dans le passé, il y avait quelque chose comme une loi non écrite qui a impliqué que si un jeune voulait être considéré à la mode, il devait porter des dàll bal. En plus, il a choisi la paire de chaussures attentivement en fonction de l’événement auquel il va assister. Cependant, aujourd'hui  les gens profitent de plus en plus des prix bon marché de la Chine et avec la nouvelle philosophie “Gëm sa bopp” (Croire en soi) les gens croient de plus en plus en eux-mêmes et se placent au-dessus des clichés chinois ou original.

   Mais les réactions demeurent ambivalentes. Certains jeunes croient que les Chinois ont arrangé le marché, parce qu’ils ont fait en sorte que les vêtements deviennent abordables pour la jeunesse, entendu qu’auparavant il n’y avait que des boutiques de prêt-à-porter, qui étaient très coûteuses. On dit que les Chinois ont effacé les différences visuelles entre les jeunes nantis et les autres en proposant des vêtements à des prix abordables pour tout le monde. Auparavant les différences entre les capacités à consommer et à ne pas consommer ont été soulignées par des pratiques vestimentaires. Malgré tout, les manières d’inclusion et d’exclusion sont jusqu’à nos jours négociées par des processus complexes. Les jeunes hommes qui ont par exemple des frères établis[5] à l'étranger ou qui sont issus de familles riches ont des avantages plus évidents. Lors de mon enquête, j’ai parfois demandé auxjeunes dans quel marché ils avaient acheté leurs vêtements. Il était important pour certains de souligner le fait qu’ils ne les ont pas achetés sur un marché sénégalais, mais qu’un parent de l’Europe le leur avait envoyés[6]. Les jeunes hommes attachent beaucoup d’importance à la notion d'authenticité des vêtements. Mais cela ne signifie pas que ceux qui ont moins accès à des liaisons transnationales ou qui disposent de faible moyens sont laissés de côté. Les Pikinois, en particulier, s’attribuent eux-mêmes des stratégies très avancées pour se prendre en charge.

   Dans des circonstances économiques lugubres, les jeunes font usage d'un vaste répertoire créatif pour s'adapter aux défis locaux et combler les désirs vestimentaires. Cela explique le sureffectif des marchés qui offrent des vêtements. Leurs magasins de marchandises sont parfois occupés par plusieurs personnes dont certains sont des intermédiaires. Le sureffectif s'explique facilement en raison de la disponibilité illimitée des jeunes hommes sans emploi, qui ne veulent pas rester à la maison dans la frustration et dans le stress physique. De plus, ils ne veulent pas passer toute la journée dans le koñ[7], où des amis et des connaissances du quartier se réunissent ensemble, et où des membres de la famille et les aînés peuvent les voir comme des jeunes hommes paresseux. Travailler sur ces marchés situés en town, un mot que signifient des quartiers urbains comme le Plateau (centre-ville de Dakar) et les parties de la ville au tour du Plateau, leur permette d’oublier les contraintes locales. Ils sont en mesure de négocier simultanément des connexions dans les circuits locaux et transnationaux. Ceux qui n’ont pas la possibilité de travailler dans les secteurs formels, prennent de plus en plus d’assaut les marchés de vêtements locaux. Ce business leur permet de s’occuper au lieu de sombrer dans une oisiveté apparente.

   À l'heure actuelle travailler dans le commerce de vêtements est bien vu parce que c’est une activité lucrative. Même si en raison de l'explosion de stands commerciaux un gain financier n'est pas toujours garanti, un jeune vendeur du marché (market mandans le jargon local) peut emprunter des vêtements à la mode dans son stand ou celui d'un ami. Ces articles d'habillement lui permettent d'être à la mode quand il rentre dans son quartier. Lorsque ce dernier est considéré comme une arène sociale où quelqu’un doit montrer qu’il est au-dessus de tous, ces jeunes hommes qui travaillent dans des magasins vestimentaires ont tendance à être très appréciés dans le milieu où beaucoup d'accent est mis sur l'apparence.

 

 

LA TRANSFORMATION DU BOY PIKINE AU BAAY FAAL ET BOY TOWN

« Aujourd’hui tout le monde est Boy Town. »(Badara, 38 ans)

Au début de mon travail sur le terrain, je me souviens d'un après-midi quand j’étais assis dans une cantine à proximité d’un petit kiosque, où l’on vend en général des matériaux légers dans un marché situé sur le trottoir, dirigé par un membre de la famille où je vivais. J’étais en train d’apprécier un café Touba dans un verre plastique, une forme locale d’une boisson populaire de café épicé avec des grains de selim, qui sont des graines d'un arbuste Xylopia aethiopica avec de la saveur musquée qui est utilisé comme un substitut de poivre (également connu sous le nom de poivre de Guinée) et des clous de girofle, des boutons de fleurs séchées aromatiques, lorsque je suis entré en contact avec Hassan. Ce qui m’a frappé dans cette première rencontre avec lui été ma supposition naïve qu’il pouvait être un Móodu Móodu[8], quelqu'un qui avait déjà fait l'Europe. Passant avec ses jeans élégants, baskets branchés, un T- shirt à la mode et de grands écouteurs il a impressionné le profane que j’étais à l’époque comme moide venir d’ailleurs. Mais je me trompais, il venait de la commune d’arrondissement voisine, de Guinaw Rail Nord, qui est considérée comme encore plus pauvre. Beaucoup de gens de Wakhinane II ont considéré cette commune presque comme un réservoir de criminalité, d’agression et d'analphabétisme.

   Un autre jour, quand j’étais en train de vendre des parfums[9] avec Amadou dans les alentours du quartier Almadies, probablement l'un des plus beaux et coûteux quartiers résidentiels de Dakar, à la recherche du gain de personnes présumées riches, nous étions assis dans un bar et faisait comme si on était de jeunes pauvres de la banlieue de Dakar, qui n’avaient même pas les moyens de prendre une tasse de café. Lorsque la serveuse s’est approchée de nous, nous lui avons justement demandé la permission de nous reposer et de vendre si possible quelques parfums aux clients.N’ayant même pas les moyens de consommer quelque chose, vu que la carte de menu proposait des boissons trop coûteuses pour nous. La frustration se lisait sur le visage d’Amadou, et c’est qui m’a demandé de se payer un simple café sur le profit des ventes réalisées.

   Avec ces deux exemples il devient tout à fait clair que des invocations consuméristes omniprésentes ont un impact très important sur les jeunes, même s'ils se considèrent comme Baay Faal[10],  qui reconnait une tradition d’un mode de vie modéré et pieux et le refus de la société de consommation. En ville avec son affichage visuel de la richesse, de la mondialisation et de la misère intégrée dans une économie très problématique des attentes et des désirs exagérés et en même temps dans des principes islamiques pieux et modérés, la conception du Baayfaalisme doit être reconfigurée. Je tiens également à réfléchir sur le terme Boy Pikine. De l'extérieur, les résidents de Pikine sont perçus comme enclin à la criminalité et au comportement subversif. Pikine est considéré comme un reflet négatif de l'urbanité où les jeunes jouent le modèle antisocial: déscolarisés, sans profession et traîner dans la rue. Ces préjugés négatifs sont á la base d’une production et d’une reproduction du désordre social.Mais même si la zone de Pikine peut être un lieu de stigmatisation et de ségrégation, comme elle est définie à l’extérieur, cette attribution négative donne à sa population un sentiment d'attachement plus fort. Pikine, pour eux, est particulièrement un endroit où la solidarité et la vie en communauté sont grandement vécues. Ses habitants mettent en évidence un mode spécifique de socialisation entre eux, en particulier boloo (un sens de la communauté ou jàppalante dans le jargon local) contrairement dans d’autres quartiers de Dakar, où l'individualisme prévaut (bopp-sa-bopp, littéralement Chacun pour soiet Keen woluwul kenn, littéralement personne ne fait confiance l'autre) et dimbalante (solidarité). Le jeune homme de Pikine était appelé Boy Pikine, un vrai connaisseur, un véritable débrouillard mais en même temps un gentleman. Il est l'incarnation de quelqu'un qui a de la ruse locale et du savoir urbain, mais il est considéré contrairement à l’extérieur.

   Dans tout Dakar, dans chaque quartier, soit Boy Pikineou non, on voit des jeunes qui pratiquent le sujjòot, la salutation des Baay Faal (ou bien des Mourides en général), mettant la main d'un autre disciple de Ibrahima Fall à leur propre front pour indiquer leur adhésion. Ce sont des jeunes gens ordinaires, qui ne sont pas vêtus d’haillons usés et rapiécés, et la plupart d'entre eux semblent être au courant des tendances actuelles de la mode juvénile, embrassant surtout des influences américaines. Vlada, Nike, Adidas, Reebok, Puma, Converse, Vans, DC Shoes sont des noms de marques populaires de chaussures connues par cette jeunesse. Ils se soumettent à un canon normatif de valeurs, qui est négocié par eux. Ces produits appropriés servent de constituants de soi-même, où des négociations d'identités englobent des pratiques de consommation (Friedmann 1990: 327).

   La consommation ici agit comme un remède pour le terme abjection de James Ferguson (1999: 236). Plutôt que de faire partie d’une société de consommation mondiale, la jeunesse a été mise de côté, expulsée ou écartée" de celui-ci. En plus, elle peut être comprise comme non seulement être rejetée mais étant jetée ainsi expulsion mais aussi avilissement et humiliation (1999: 236. Grâce à la consommation, un individu peut surmonter cette abjection, en montrant, en particulier dans le public qu’il est en train d'avancer, et qu’il fait partie d'un monde de plus en plus matérialiste. Mais comme la consommation est limitée en raison de moyens financiers, il est enclin à faire place à des fantasmes (cf. Rowlands 1996: 203). Cette expérience difficile pertinente n'est pas prise pour acquis. Comme l’argumente Nyamnjoh, ces jeunes "refusent tout simplement de céder à une exclusion facile et sont prêts à tout sacrifier, y compris la morale, la dignité et même en fin de compte leur humanité, juste pour être des resquilleurs consommateurs et des zombies (2005: 295).

      Américanisation indique un rejet des modes de consommation élitistes et proximité à la Métropole et également des hiérarchies locales traditionnelles, qui déclarent les États-Unis comme l’incarnation de la supériorité culturelle et du pouvoir modernisant de l'Occident symbolique (Newell 2012: 178). Cette résistance aux constructions hégémoniques incite les jeunes à créer leur propre monde et de refuser une soumission aux contraintes de configurations globales du pouvoir.

   En dehors des pratiques vestimentaires élaborées dans cette économie d’apparence, le corps joue un rôle important. Mamadou Diouf, historien et professeur d'études africaines à l'Université Columbia de New York soutient le fait que le corps demeure la dernière ressource pour négocier une participation dans des espaces publics que des jeunes ont à leur disposition (2002: 278; cf. Diouf 2003: 11).

   Comme les vêtements en général prennent une attention particulière en ville, le pouvoir économique ou un substitut, c’est-à-dire la capacité d'avoir accès aux vêtements de marque par tous les moyens possibles, joue un rôle crucial. Comme une appartenance à la mode est en corrélation avec la figure de Boy Town, les limites entre le modèle urbain de Baay Faal et le Boy Town s'estompent. Mais nous ne devons pas voir ces processus de mélange des cultures qui sont apparemment dissemblables comme un résultat de désintégration d'éléments traditionnelles de la culture et comme une adhésion et adoption fragmentée, inégale et arbitraire des caractéristiques comprises à moitié de cultures occidentales, mais comme une occurrence hybride de nouvelles synthèses créatives des modes de vie. Les jeunes par conséquent sont en train de négocier de diverses idéologies contradictoires pour des différents arrangements. Cette capacité d’alterner entre des  séries contradictoires d’attitudes et des registres moraux sans être inquiétés par ceux-ci, les aide à naviguer dans des développements sociaux inégaux, qui caractérisent la vie urbaine sénégalaise (cf. Fabian 1978: 317-318). De plus la morale n'est pas un système cohérent mais un conglomérat incohérent et non systématique des différents registres moraux qui existent parallèlement et qui dans la plupart de cas se contredisent (Schielke 2009: 166).

  Paradoxalement pour l'observateur européen, d'autres pourraient aussi soutenir que généralement, dans le monde entier, la consommation ne révèle pas la puissance économique authentique de la culture des jeunes (cf. Newell 2012). Les modes de consommation dakaroise ont leur propre logique entre apparences, moyens financiers et de facto ressources économiques limitées. Surmonter des limites financières avec un vocabulaire de stratégies intégrées dans le savoir urbain, c’est ce que  Marco Di Nunzio appelle “street smartness” (intelligence de la rue) (2012: 437), nandité (quelqu'un qui est initié) dans le jargon local.

   Les jeunes tentent de pratiquer du camouflage en présentant des illusions de dund bu neex (la belle vie) à travers des modes de consommation ostentatoire, et de fait ils réussissent. Les individus qui sont pauvres donnent des apparences superficielles et se prétendent riches. Du savoir urbain et de la ruse locale sont organisés ici pour performer une intégration culturelle et urbaine. L’Intégration urbaine est regardée comme beaucoup plus que simplement la participation dans des circuits économiques qui permettent le fonctionnement des économies urbaines et particulièrement des économies informelles en ville. Pour les jeunes citadins de sexe masculin, l’intégration urbaine se traduit par la capacité de se contrôler et par l'appropriation de certains éléments considérés comme souhaitable et le refus d'autres caractéristiques indésirables des mondes de vécus urbains. Être en ville (being-in-the-city) pour eux à plus à avoir avec une quête d’une citoyenneté mondiale, c'est-à-dire non seulement faire partie des flux mondiaux de marchandises, mais aussi de prendre une part active et composante dans ces flux et d’être à la hauteur pour les manipuler et se les approprier.

   Cette revendication d'une citoyenneté mondiale ne doit pas être invisible, mais elle reflète plutôt une logique interne d'une certaine visibilité qui est intégrée dans des cultures qui sont fortement imbriquées dans une structure complexe : d’une part entre une aspiration pour le prestige et le statut social, et d’autre part une aspiration à des concepts modérés et des morales.

      Avec la situation de vulnérabilité actuelle, les jeunes hommes, qui sont entravés par d'énormes charges financières pour être à la hauteur de leurs idéaux, qui sont en partie fixés par eux-mêmes mais surtout imposés de l'extérieur, se limitent à mettre en place une multitude d'espaces dans lesquels ils peuvent effectuer et exercer leurs identités négociées. Par conséquent ils cherchent l'attention et la confirmation des autres. “Culturellement ils sont construit comme des ‘récipients vides’ (nourrissons) par un système structurel qui est qualifié de ‘bigmanity’[11] et les traite comme des pions. De ce fait, ils se battent pour se faire accorder une place d’adulte dans la société ou bien ils se font passer pour des parties prenantes avec essence à travers une consommation ostentatoire” (Fuh 2012: 501).

 

 

BOYTOWNISM ET BËGG ADDINA

En marchant à Pikine, on peut voir les adolescent(e)s habillés dans des vêtements de style étant donné qu’ils sont conscients du goût du dernier cri. La plupart de ces jeunes n’ont pas d’emploi fixe, ils passent toute leur journée dans leurs cercles d’amis à discuter de tout et de rien, à regarder les filles qui passent devant eux tout en buvant du thé. Ils ne se trouvent dans aucune activité physique visible, si le repas familial n’est pas servi c’est alors qu’ils disparaissent soudainement dans leurs familles respectives. Ils sont assis sur des sièges provisoires, rongeant du gerte caaf, (des arachides grillées vendues dans de petits sacs en plastique pour 25 CFA ~ 4 Euro Centimes) partout sur le bord du chemin.

  Les jeunes appellent cela  rey temps bi ou kill temps bi dans le jargon local, désigné “tuer le temps” (cf. Ralph 2008). Contrairement aux jeunes filles, ils ne sont pas limités à concession familiale comme “l'expérience urbaine la plus détaillée” (Hansen 2005: 10).

   Tshikala Kayembe Biaya, un spécialiste de la langue et de la culture populaire urbaine africaine, parle d'une géographie du plaisir en se référant aux lieux touristiques sur la côte sénégalaise et à certaines boites de nuit dakaroises. Il affirme une castration de jeunes hommes, qui concernent notamment leur virilité. D'autre part, les jeunes femmes, bien conscientes de leur propre valeur dans cette nouvelle économie dans laquelle des apparences superficielles et des sexualités sont prépondérantes, savent comment exploiter cette situation pour leur propre bénéfice, qui résulte des frustrations économiques et sexuelles au sein des jeunes hommes (2001).

  Même si il y a une tentation consumériste flagrante, les jeunes n’acceptent pas tous les emplois qui leur arrivent. Ils accordent beaucoup d'attention à leur statut et leur prestige, du fait que  certains emplois sont considérés avantageux pour obtenir plus de statut et d'autres non. Des jeunes hommes donc se mesurent minutieusement sur ​​une échelle hiérarchique entre haut et bas.

« Les Boy Town aiment la facilité. Ils n’aiment pas travailler. Ils se considèrent comme de enfants, et se comportent comme des Parisien, comme des gens riches (…) » (Modou, 25 ans)

Cet extrait de l’interview montre la notion négative de ce terme en indiquant que le  Boy Town est comme une personne paresseuse, qui veut donner l’impression d’être un Parisien, dans le sens de quelqu’un qui connaît l’étiquette européenne, de quelqu’un cosmopolite, très mal perçu comme un riche, à qui tout est remis sur un plateau d'argent, sans aucun effort de sa part. Cette notion négative est accompagnée d’une identification pour des caractéristiques particulières du Boy Town, de telle sorte  qu’il peut aller sans problème dans des parties les plus sophistiquées de la ville avec ses boîtes de nuit de luxe, ses casinos et ses restaurants coûteux, comme la zone résidentielle de Almadies avec ses boîtes de nuit Nirvana Night Club, Patio, Casino, VIP, ils vont dans les restaurants de luxe Villa Crystal, le Must au Point E, le Café de Rome, le Terrou-Bi, un des hôtels les plus luxueux de Dakar comprenant un casino, une discothèque, qui est situéeenviron trois à quatre kilomètres au nord du plus grand centre commercial, le Sea Plaza.

   J'ai souvent entendu que beaucoup de Pikinois vont à ces lieux, cédant aux tentations d'un monde de consommation ostentatoire en pratiquant bëgg àddina, qui signifie “vivre la vie au maximum”, de sortir, de profiter de la vie nocturne dans des discothèques et des bars, manger dans des restaurants et Fast foods, etc. Chaque samedi soir, ma sœur d'accueil se préparait, plongée dans le choix d’une de ses nombreuses robes de sa garde-robe pour être sañse[12]pour le soir, pour aller à un concert de Pape Diouf, Viviane N’Dour[13]ou tout simplement aller au Nirvana Night Club au cœur des Almadies ou dans une autre discothèque.

   Dans cet affichage de capacités consuméristes émerge la figure du Boy Town, un modèle extrêmement controversé, avec qui beaucoup de jeunes hommes, en fonction de leur situation, s’identifient. L’importance montante de la figure du Boy Town afin est en corrélation avec une érosion flagrante des valeurs et une individualisation qui est en cours dans la société (bopp-sa-bopp, chacun pour soi), qui résulte d’une crise des valeurs.

   Cette évolution des valeurs requiert des redéfinitions de nombreux concepts qui prévalent dans la société, comme un lent processus d'individualisation qui est de plus en plus visible en jeu (cf. Calvès et Marcoux 1997). Isabelle Sévédé-Bardem voit ce processus comme un phénomène concomitant d’une modernisation progressive dans des sociétés urbanisées qui déclenche une multiplicité de pratiques intégrées dans des logiques d'hybridation entre des solidarités traditionnelles et des tendances de l'individualisation, et enfin introduit une sélectivité plus proche et un choix plus sélectif des services d'assistance et de solidarités (1997: 206-207).

 

 

REMARQUES FINALES

Des chercheurs africains, en particulier dans le domaine de cultural studies ont souligné l'importance immense des pratiques de consommation dans des cultures juvéniles et dans ses figurations. Au cours d'une néo-libéralisation de la société, des pratiques de consommation sont déployées pour façonner des identités sous-culturelles juvéniles, qui sont en opposition avec les convictions établies de longue date. Il serait irréfléchi de penser que la hausse du coût de la vie et l'avancement général de la quantification économique de tous les domaines de la vie ont produit tout simplement des victimes d'une hégémonie capitaliste; au contraire ces victimes prétendues ont élaboré des stratégies d'adaptation complexes, incorporées dans des processus de d'identités juvéniles.

   Comme la migration internationale devient de plus en plus difficile pour les jeunes hommes et que l’immobilité devient une réalité incontournable (au moins temporairement), la circulation à travers des terrains urbains précaires a besoin d'un état ​​spécifique de l'art des connaissances urbaines utilisées par des jeunes hommes pour survivre et préserver leur statut social.

 La consommation ici doit être considérée d'un point de vue local, où elle est inévitablement liée à des perceptions locales de la façon dont la modernité est vécue et la connaissance de faire partie de celle-ci. Mais les jeunes ne veulent pas être simplement une partie passive de la modernité; ils veulent être des acteurs à  part entière de ce qu’ils interprètent comme modernité. Des pratiques ostensibles indiquent une intégration dans la société de consommation moderne qui est devenue une ressource essentielle pour les jeunes hommes à défaut de marquer un point avec des investissements à long terme comme, l’éducation ou des plans d'affaires durables. Eux, ils attendent plutôt des résultats unilatéraux, positifs et avant tout rapides.

   Pour être acceptée socialement dans le voisinage une jeune personne doit sauter sur le train de la consommation et modifier activement son environnement et inverser le processus de sa marginalisation et de son exclusion. Avec un recours auprès d’une des valeurs traditionnelles telles que la solidarité, les Pikinois amènent leur localité de nouveau dans un discours de convictions villageoises, mais en même temps ils sont profondément ancrés dans des négociations de participation à la vie urbaine et d'acteurs de la mondialisation et de la modernité. Non seulement ils aspirent au mimétisme de l'occident est aspirée, mais ils aspirent aussi à la participation active et à une configuration individuelle de la mondialisation.

   Alors que le président sénégalais Léopold Sédar Senghor rêvait que Dakar serait comme Paris à l'année 2000, la question n'est plus si Dakar est comme une ville européenne, comme Paris, Berlin ou une ville nord-américaine comme New York ou Toronto, mais comment les acteurs urbains eux-mêmes, les habitants, s’approprient activement les réalités urbaines et les configurent de telle manière qu’ils répondent à leurs besoins et qu’ils soient capables de déclencher des sentiments d’appartenance aux flux mondiaux au point qu’ils pourraient dire “Bien que nous soyons de Pikine, nous pouvons être également des habitants de Paris, Berlin ou New York!

 

 

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[1] En se référant sur le travail de Lefebvre (1997), le sociologue Éla mets l’emphase à la centralité et le pouvoir explicatif d'une analyse des faits banals et des pratiques quotidiennes, ce qui semble d’être trivial pour comprendre les changements modernes dans les sociétés africaines. Le point focal de la recherche sur la banalité et les pratiques quotidiennes devaient se fonder sur une attention antérieure sur leurs acteurs, qui sont consécutives aux nouvelles dynamiques sociales. Pour Éla ces acteurs de souterrain guideront les recherches pour trouver à rétablir les aspects de vitalité, créativité et de l'inventivité inhérent aux sociétés africaines (1999: 104).

[2] Pikinité révèle un réveil de la fierté et de l'identification des gens avec leur localité. Il sert de récipient pour recueillir des caractéristiques positives de la façon dont un quartier urbain précaire doit être dans les yeux de ses habitants. Avec ces attributions vives une contre-déclaration a gagné du terrain qui valorise un quartier urbain autrefois célèbre pour sa mauvaise réputation. L'idée de Pikinité était particulièrement favorisée par le lutteur Tyson, surnom de Mouhamed Ndao, et d'autres artistes connu de Pikine comme Ndongo Lô, Pape Diouf et Ive Niang.

[3] Pour préserver l’anonymat de certaines personnes, tous les noms ont été changés.

[4] Cf. les observations faites par Thomas Fouquet sur ​​les jeunes citadins féminins à Dakar. Pour eux un certain habitus européenne est aspiré et considérée comme capitale culturelle. Elles essaient de maîtriser l’étiquette des milieux les plus occidentalisés de Dakar [...] (2007: 111), et avoir accès à une autre histoire (2005: 5).

[5] J'utilise établie ici dans le sens de migrants, qui vivent dans des conditions à l'étranger qui leur permet de répondre à certaines attentes familiales.

[6] Avant mon deuxième voyage de recherche au Sénégal la liste de souhaits de mes frères d'accueil contenait des maillots de football originaux du FC Bayern Munich et Borussia Dortmund. L'allusion que je pouvais aller avec mes frères d'accueil sur le marché Colobane et leur acheter ces maillots de football n'ont pas été acceptés; je dû les apporté dans l'avion de l'Allemagne au Sénégal.

[7] Koñ bi est appelé banc jaaxle (ainsi nommés bancs publics où les jeunes sans travail ou bien des pères passent leur journées et réfléchissent sur leur sorte (Fall 1999: 84)). Au village il était appelé d’habitude penc (mi). Ce mot a un double sens: il désigne un espace central, mais aussi un bois qui sert comme "place du village” (Sidibé 2005: 21).En Afrique francophone, il est souvent appelé l’arbre à palabres.

[8] Móodu-Móodu se réfère à Mamadou Moustapha Mbacké. Il était le fils aîné de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur de la confrérie  Murīdiyya (Diouf and Rendall 2000: 695). Pour les femmes Móodu-Móodu on emploie les termes Móodouse ou Fatou-Fatou et Bineta-Bineta (cf. Sarr et al 2004: 5, Dianka 2007).

[9] Lors de mon premier travail sur le terrain (2011/2012) j'ai été engagé personnellement dans le secteur informel en vendant de parfums avec un informateur.

[10] Des Baay Faal ruraux marchent sur les traces de cheikh Ibrahima Fall (1855-1930) (un disciple d’Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927), fondateur de la Murīdiyya), bien connu pour son dévouement et sa soumission à Dieu. Ahmadou Bamba a considéré le travail, en particulier le travail agricole manuel comme une forme d'adoration de Dieu. Suivant leur philosophie des obligations musulmanes, tels que la prière et le jeûne, sont substitué par le travail manuel dur et la dévotion pour leur marabout (chef religieux et enseignant, guide spirituel), en ligne avec leur devise Jëf Jël(littéralement : Tu vas récolter ce que tu as semé) et assiduité comme idéal. Les Baay Faal s'habillent dans des habilles colorés avec des haillons opaques, un patchwork appelé njaaxas, fait de petits morceaux carrés ou de longues bandes de damassé multicolores. Leur mode de vie ascétique se manifeste entre autre par le refus de nouveaux vêtements. Quand ils ont besoin de vêtements ils amènent des restes de vêtements chez un tailleur et lui demandent de les coudre ensemble pour un costume (Wood 2010: 208). Ils portent des images de Ahmadou Bamba et de Ibrahima Fall et ils ont des dreadlocks appelé njeñ qui signifie des cheveux forts, qui sont décorés avec de perles fait maison. Toute leur journée est consacrée à la prière et au travail. Touba, la ville principale de la Murīdiyya, qui accueille le festival annuel le plus important de cette confrérie, le Grand Magal, attire chaque année des millions de membres de l'étranger et de tous les coins du Sénégal. Ici les Baay Faal servent comme gardes de sécurité.

[11] Selon politologue Jean-François Médard bigmanity est un statut social de leadership personnel qui dépend des relations patron-client par lequel les relations sociales sont transformées en puissance et de contrôle stratégiques (1992).

[12] Sañse est en corrélation avec le statut du rang social des femmes, la richesse et l'honneur (jom). Il est l'une des stratégies que les femmes utilisent pour exposer leur richesse (alal), étroitement liée à la notion de beauté (rafetaaye) (Buggenhagen 2008; Heath 1992). Pour être sañse  une femme doit décorer son corps correctement avec des accessoires et des vêtements à la mode; qui veut signifier de dépenser des grosses sommes pour l'or, pour des bijoux, du maquillage, des produits de blanchissement (xeesal) et des vêtements (Babou 2008: 13). Au Sénégal la notion de beauté n'est pas en corrélation avec le corps nu (comme c'est le cas dans de nombreuses sociétés occidentales) mais avec sa présentation de son décoration (Buggenhagen 2012: 96, cf. Biaya 2000).

[13] Viviane N’Dour est actuellement une des plus célèbres chanteurs de pop au Sénégal, aussi connu comme la reine de Mbalax”. Mbalax est une musique populaire syncrétique, qui était fait célèbre par Youssou N'Dour et qui combine des éléments de musique populaire occidentale avec des chants en langue Wolof et des danses qui sont influencé par soul, Latin, jazz, rock et sabar. Pour en savoir plus voir Panzacchi 1996; Brunner 2010.