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Résumé
La langue orale spontanée est le lieu par excellence des variations linguistiques. Le proverbe qui est un genre de la littérature orale ne déroge pas à cette règle. Dans ce travail nous montrons que, dans la parole spontanée, les proverbes baoulés sont sujets à des phénomènes de troncation (aphérèse, asyndète et apocope) qui peuvent affecter, non seulement de simples lexèmes mais aussi des syntagmes voire des propositions entières. Toutefois, quelle que soit l’envergure de la troncation, le sens de l’énoncé ne change pas, il reste intact.
Mots clés : Analyse, baoulé, expression, morphologie, proverbiale, syntaxe.
Abstract
The spontaneous oral language is the archetypal place of the linguistic variations. The proverb which is a kind of the oral literature does not break this rule. In this work we show that, in the spontaneous word, the proverbs Baoulé are subject to phenomena of truncating who can affect not only of simple lexemes but also syntagms even whole proposals. However, whatever is the scale of the truncating, the sense (direction) of the statement does not change, it remains intact.
Keywords : Analysis, Baoule, expression, morphology, proverbial, syntax.
INTRODUCTION
Caractéristique de la tradition orale, le proverbe est au cœur de plusieurs débats. S’accorder sur les critères qui président sa définition n’est pour le moment pas envisagé. Le présent travail ne vient ni pour participer au débat ni pour y apporter une solution panacée. Notre but est de montrer que le dynamisme des proverbes baoulé donne lieu à des phénomènes morphosyntaxiques et sémantiques diverses dont il convient d’en faire un état des lieux. Il s’agira de montrer les métaplasmes qui surviennent dans les proverbes au cours de la parole spontanée (l’aphérèse, l’asyndète et l’apocope). Un tel projet ne peut s’effectuer sans imposer un certain nombre de questionnements : que recouvre concrètement la notion de proverbe ? Quelles sont ses caractéristiques générales ? Qu’est-ce qui fait la particularité du proverbe baoulé ? Comment ce phénomène se manifeste – il au plan morphosyntaxique ? Voilà des interrogations qui font ressortir la problématique et fondent la méthode d’analyse et de description ; en abordant cette recherche.
Selon les propos de Mohamed (2010 : 152):
…pour que l’on puisse parler de dénomination d’un élément x par une entité X (Kleibeer 1989 : 2347), « il faut qu’un lien référentiel ait été auparavant instauré entre x et X ». C’est le cas effectivement du proverbe puisse qu’il dénomme (réfère à) une vérité générale.
Quant à Kouadio (2008: 81) s’appuyant sur Cauvin (1995) donne des généralités descriptives des proverbes, basées sur la forme et le contenu:
Au niveau de la forme
Au plan formel, le proverbe est remarquable par les aspects suivants:
1. C’est une phrase assez brève ;
2. C’est une phrase complète et elliptique ;
3. Sa structure est régulière ;
4. Il y a des assonances, répétitions et échos.
Au niveau du contenu
Examiné à partir à partir de son contenu, le proverbe frappe par ;
1. L’image et la métaphore dont l’emploi transfère le sens d’un élément concret servant de prétexte à une valeur abstraite et le lie à la sociologie ou à la culture de la société qui l’a créé ;
2. sa signification qui est une vérité générale universelle valable ;
3. sa valeur normative qui le met en rapport avec des faits de société ;
4. son rythme qui en fait une parole artistique proférée.
D’autres auteurs comme Boutin, ‘’à propos des proverbes baoulé’’ ajoute:
Les proverbes sont essentiellement caractérisés par leur généricité : la situation qu’ils signifient métaphoriquement est générique, tout comme le jugement qu’ils induisent, ce qui présuppose à la base une mise en scène des syntagmes nominaux génériques (Kleiber 1994b: 207-224).
I. L’APHERESE DANS LES PROVERBES BAOULE
D’un point de vue phraséologique, le proverbe est considéré comme une unité linguistique qui renvoie à un référent telle une unité lexicale. Cette façon de considérer le proverbe est soutenue par Kleiber (2000) pour qui le proverbe est une dénomination, un Nom-Name.
Cette idée est discutée par Anscombre (2005). Cependant, qu’il soit un mot ou une phrase, le proverbe admet des métaplasmes linguistiques à l’initiale qui vont du simple lexème au syntagme.
1.1. Ellipse lexicale dans le proverbe baoulé
Les proverbes arborent certains comportements linguistiques généralement observés dans les mots ; c’est le cas de l’aphérèse définie par Mounin (1974:35) comme la « chute d’un ou plusieurs phonèmes à l’initiale ». Cela peut être observé dans les exemples 1et 2 ci-dessous :
1. Autocar = Car
2. Autobus = Bus
Ce phénomène est fréquent dans les proverbes baoulés au cours des conversations spontanées ; il se caractérise par la chute en début d’énoncé, d’un morphème sans changer le sens de l’énoncé. Ce peut être dans un cas le morphème circonstanciel de temps (kɛ), le morphème du conditionnel (sɛ) ou le morphème de concession (kanzɛ).
1.1.1. La chute de kɛ
Observons 2 et 2’:
2. kɛ talɛ kpaci jɛ wɛtrɛwa nyan wluwlɛ ɔ
quand mur fendre que blatte gagner entrée foc
« C’est lorsque le mur est fendu que la blatte arrive à y pénétrer »
2’. ᴓ talɛ kpaci jɛ wɛtrɛwa nyan wluwlɛ ɔ
quand mur fendre que blatte gagner entrée foc
« (C’est) lorsque le mur est fendu que la blatte arrive à y pénétrer »
La disparition du morphème kɛ en 2’ ne change pas le sens du proverbe. Le circonstanciel de temps existe de fait ; car il est nécessairement impliqué dans le calcul du sens. On peut reconsidérer un autre exemple, 2a et 2a’
2a. kɛ gboklokofi wan ɔ di wa i wan i wun bɔn boli
quand hyène dire il manger enfant il dire son corps sentir cabri
« Lorsque la hyène veut manger son enfant, il l’accuse de sentir le cabri »
2a’. ᴓ gboklokofi wan ɔ di wa i wan i wun bɔn boli
hyène dire il manger enfant il dire son corps sentir cabri
« (Lorsque) la hyène veut manger son enfant, il l’accuse de sentir le cabri »
L’énoncé perd un élément important qui se transforme en implicite car son existence est d’une certaine façon marquée par la suite de l’énoncé. Ce fonctionnement n’est pas l’apanage du circonstanciel de temps. La locution conjonctive introductrice d’une proposition concessive subit également le métaplasme.
1.1.2. La chute de kanzɛ
Ce terme introduit une proposition concessive. Dans la parole spontanée, les locuteurs baoulés en font souvent l’ablation. Sa valeur est sous-jacente, son absence n’est que matérielle. C’est pourquoi, même omis, l’énoncé garde son sémantisme. Considérons 3 et 3’
3. kanzɛ be ci alua be ci man I nuan nun nnɛn
Même si ils détester chien ils détester Nég. sa bouche dans viande
3’. ᴓ be ci alua be ci man i nuan nun nnɛn
Ils détester chien ils détester Nég. Sa bouche dans viande
«(Même si) on a le chien pour totem, on n’a pas pour totem le gibier qu’il attrape».
Aussi, l’on peut noter l’aphérèse lexicale du morphème de l’hypothétique en baoulé.
1.1.3. Chute de sɛ
Dans les proverbes baoulé, sɛ assure les fonctions de conditionnel et d’hypothétique comme présenté successivement en 4 et 5. Sɛ introduit une proposition conditionnelle dans l’exemple 4 et une proposition hypothétique en 5.
4. sɛ a ci man fɛ a di man fɛ
si tu priver pas agréable tu manger pas agréable
« Si tu ne te prive pas de l’agréable, tu ne manger pas d’agréable »
5. sɛ be kun nnɛn i tɛ be bia man i tɛ
si ils Tuer animal lui mal il dépecer nég lui mal
« Si on tue mal l’animal, on ne le dépèce pas mal »
Quelle que soit la valeur de sɛ, il peut être fait abstraction lors de l’échange verbale spontanée, sans affecter l’intégrité interprétationnelle de l’énoncé. Cela est visible en 4’ et 5’ ci-après:
4’. ᴓ a ci man fɛ a di man fɛ
tu priver pas agréable tu manger pas agréable
« Si tu ne te prive pas de l’agréable, tu ne manger pas d’agréable »
5. ᴓ be kun nnɛn i tɛ be bia man i tɛ
ils Tuer animal lui mal il dépecer nég lui mal
« (Si) on tue mal l’animal, on ne le dépèce pas mal »
La perte de sɛ n’a pas vraiment d’incidence sur 4’ et 5’. Seulement sa suppression peut engendrer une ambiguïté dans l’analyse grammatico-sémantique de l’énoncé, dans la mesure où sɛ co-occure avec le circonstanciel de temps kɛ, dans les proverbes. On aurait donc dans ce cas 4’’ et 5’’.
4’’. kɛ a ci man fɛ a di man fɛ
quand tu priver pas agréable tu manger pas agréable
« Lorsque tu ne te prive pas de l’agréable, tu ne manger pas d’agréable »
5”. kɛ be kun nnɛn i tɛ be bia man i tɛ
quand ils tuer animal lui mal il dépecer nég lui mal
« Lorsqu’on tue mal l’animal, on ne le dépèce pas mal »
Avec kɛ, on a une proposition circonstancielle tandis qu’avec sɛ, on aura soit une proposition conditionnelle soit une proposition hypothétique. C’est la difficulté que pose la délétion de sɛ et de kɛ ; mais, étant donné que 4, 5, 4’, 5’, et 4’’ et 5’’ sont des variantes, l’écueil devient minimal ou négligeable. Relevons enfin que les métaplasmes à l’initiale ne concernent pas que les lexèmes ou des morphèmes; ils peuvent s’étendre jusqu’à l’entière disparition d’une proposition.
1.2. Ellipse propositionnelle dans les proverbes baoulés
Afin d’obéir à un souci d’économie linguistique, les ellipses infestent la parole spontanée baoulé. Cette tendance n’épargne pas les proverbes qui donnent lieu à des suppressions ; lesquelles suppressions affectent aussi les propositions entières comme on peut le voir en 6 et 6’.
6. kpacroun kpacroun waka bu tɔ nzue nun ɔ kaci man jue
Plouf plouf bois casser tomber eau dans il changer nég poisson
« Plouf, un morceau de bois tombé dans l’eau ne devient pas un poisson »
6’. ᴓ waka bu tɔ nzue nun ɔ kaci man jue
bois casser tomber eau dans il changer nég poisson
« Un morceau de bois tombé dans l’eau ne devient pas un poisson »
La proposition kpacroun kpacroun est présentée comme un déterminant de la deuxième proposition. Mais pourquoi faut-il faire chuter le déterminant ? En effet, la première proposition qui est l’objet d’amuïssement est une onomatopée qui a pour signification la deuxième proposition. Sa présence apparaît donc redondante. A juste titre donc les locuteurs baoulés en font l’économie. De même, les proverbes composés de deux propositions contradictoires juxtaposées admettent dans la parole spontanée, des ellipses de la proposition-sujet. Dans ces propositions en effet, la première véhicule une vérité générale supposée admise de fait ; puis, la deuxième vient faire une restriction qui en vérité contredit la première. Examinons 7 et 7’.
7. a kwla si kwlaa sangɛ a kwla si man blake
Tu pouvoir savoir tout mais tu pouvoir savoir nég convocation
« Tu peux tout savoir, mais tu ne peux savoir la cause d’une convocation »
7’. ᴓ a kwla si man blake
ᴓ tu pouvoir savoir nég convocation
« Tu ne peux savoir la cause d’une convocation »
La proposition amuïe est avancée dans l’énoncé comme un présupposé. Il est présenté par le locuteur comme un préjugé qu’il bat en brèche dans la deuxième. La première proposition serait le thème et la deuxième le rhème. L’information nouvelle n’apparaît que dans la deuxième partie de l’énoncé. Ainsi, laisser tomber la première partie de l’énoncé n’empiète pas sur le message principal qui est mis en exergue par la restriction avec sangɛ. C’est aussi le cas de 8, duquel la première proposition s’amuït pour donner 8’.
8. oka nnyɔn be yia man nun sangɛ sran nnyɔn be yia nun
montagne deux ils croiser nég dans mais homme deux ils croiser dans
«Deux montagnes ne se rencontrent pas mais deux hommes se rencontrent»
8’. ᴓ sran nnyɔn be yia nun
ᴓ homme deux ils croiser dans
“ᴓ Deux hommes se rencontrent »
Il n’y a pas de relation de dépendance puisque les propositions s’opposent et que la première est dénuée de tout contenu informatif (nouveau). Il n’y a alors pas d’inconvénient à occulter cette proposition. Les actants de la conversation ont la maîtrise de ces règles implicites qui dynamisent leur langue. Certains énoncés proverbiaux du baoulé sont précédés d’une formule de prise en charge qui semble indiquer l’origine ou la source du proverbe. Cette formule se construit sur le modèle X+wan (X+dit), X étant un être vivant (homme, animal, etc.). On peut le voir en 9 et 10.
9. beyra wan klanman ngboko ɔ ti be wun kpɔɛ
touraco dit beauté trop il être ils corps Haine
« Le touraco dit que trop de beauté attire la haine »
10. Ø wanzanni wan ɔ fuman be su bue
ø gazelle dit il préférable ils oreille moitié
« La gazelle dit qu’il vaut mieux avoir l’oreille coupée »
De façon spontanée, les locuteurs baoulés tronquent à leur guise cette formule de prise en charge pour ne laisser qu’un énoncé apparemment sans prise en charge tel qu’en 9’ et 10’.
9’. Ø Klanman Ngboko ɔ ti be wun kpɔɛ
ø beauté trop il être ils corps haine
« Trop de beauté attire la haine »
10. Ø ɔ fuman be su bue
ø il préférable ils oreille moitié
« Il vaut mieux avoir l’oreille coupée ».
La prise en charge est dans ces cas assurée par le locuteur du proverbe qui assume la responsabilité de la vérité proverbiale. Outre ces métaplasmes à l’initiale, la parole spontanée, est friande des structures asyndétiques. Cela entraîne la suppression du morphème marqueur de lien logique de coordination.
II. LA SYNCOPE DANS LES PROVERBES BAOULE
Nombre de proverbes arborent une structure parataxique. Dans ces structures, le lien logique qui relie les propositions est absent. Sa présence formelle est négligée et laissée à la lecture de l’interprétant. Voyons par exemple 11 et 12.
11. kɔkɔti ɔ bo sɛ be fa man
cochon il casser décès ils prendre nég
« Le cochon annonce le décès, on ne croit pas »
12. n fi sui klun man fite n sro man aosin kun
je provenir éléphant ventre Acc. sortir je craindre Nég. ténèbres encore
« Je sors des entrailles de l’éléphant, je ne redoute plus les ténèbres »
2.1. Les structures asyndétiques
Par analogie aux formes parataxiques de base, les locuteurs créent des énoncés proverbiaux à structures asyndétiques en omettant délibérément le lien logique de coordination entre ses deux propositions telles que 13 et 13’
13.singlinfuɛ wu man ndɛ sangɛ fɛlɛ jɛ ɔ fɛ ɔ
Insensé mourir nég. vite mais souffrance que il souffrir foc
« L’insensé ne meurt pas tôt, mais il souffre ».
13’. singlinfuɛ wu man ndɛ ᴓ fɛlɛ jɛ ɔ fɛ ɔ
insensé mourir nég vite ᴓ souffrance que il souffrir foc
« L’insensé ne meurt pas tôt, mais il souffre ».
L’usage de l’asyndète est fréquent en baoulé. C’est que, même absent matériellement de l’énoncé, le lien de coordination laisse une trace implicite.
2.2. L’arrêt intonatif lié à la trace
De façon pragmatique, la présence de la trace est sous-entendue par un arrêt intonatif lors de la production de l’énoncé.
14. akɔ wan ɔ ti man suu sangɛ ɔ ti papa
Poulet dit il entendre nég Onom. mais il entend Onom.
« Le poulet dit qu’il n’entend pas va mais il entend paf ».
14’. akɔ wan ɔ ti man suu ᴓ ɔ ti papa
Poulet dit il entendre nég Onom. ᴓ il entend Onom.
« Le poulet dit qu’il n’entend pas va mais il entend paf !».
La multiplication des énoncés asyndétiques en baoulé donne ainsi l’impression d’une construction immanente à la langue. Or ce ne sont que des effets de paroles. Il n’y a pas que cela, l’on peut avoir à faire avec des apocopes.
III. L’APOCOPE DANS LES PROVERBES BAOULE
Le phénomène de l’apocope dans les proverbes baoulés se manifeste par la troncation d’une proposition entière à la fin de l’énoncé proverbial.
3.1. L’effet de la troncation.
La thèse de la binarité proverbiale pose le postulat que l’énoncé proverbial est composé de deux entités propositionnelles telles que mis en exergue en 15.
15. alua ja ko bu ɔ si i awlo atin
chien pied va asser il connaitre sa maison route
« Lorsque le chien a la patte cassée, il connait la route de sa maison
Quelquefois, sinon très souvent, les locuteurs baoulés font l’économie de la deuxième entité propositionnelle du proverbe pour ne garder que la première. Ce mécanisme qui est une aposiopèse permet au locuteur d’associer le co-locuteur ou les co-locuteurs à la prise en charge de l’énoncé proverbial. Ainsi, pour l’énoncé 15, on aura 15’ suivant:
15. Locuteur: alua ja ko bu
15’. Co-locuteur: ɔ si I awlo atin
L’interruption, après la première entité propositionnelle par le locuteur n’est pas fortuite ; elle ne se fait pas au hasard. Un locuteur ne peut disposer ainsi de tous les proverbes. Le sémantisme de certains proverbes ne permet pas ce genre de troncation. Quel est donc la caractéristique des proverbes qui obéissent à ce fonctionnement ? A priori, il n’y a pas de caractéristique vraiment pertinente. En effet, le locuteur, conscient de la compétence parémique et communicationnelle de son allocutaire, se fonde sur la théorie de la connaissance commune pour faire sa troncation ; car il sait que la production de la première entité propositionnelle permettrait au vis-à-vis d’identifier le proverbe. Point donc besoin de citer toute la phrase. On se fonde ici sur un jugement intersubjectif des actants de la conversation. Cela relève peut être de l’arbitraire. C’est le cas des proverbes comme 16.
16. be lafi man be cɛn man laflɛ
ils dormir Nég. ils grossir nég rêve
« On ne dort pas, on ne rêve pas »
3.2. L’énonciation de la deuxième entité propositionnelle comme fait de probabilité.
Absolument rien dans la langue n’indique que l’interlocuteur devinera la deuxième entité propositionnelle. Toutefois, certains proverbes ont des comportements singuliers, c'est-à-dire, une structure particulière qui oblige à faire ces troncations finales. Examinons 17 et 17’.
17. kpacroun kpacroun waka bu tɔ nzue nun ɔ kaci man jue
Plouf plouf bois casser tomber eau dans il changer nég poisson
« Plouf, un morceau de bois tombé dans l’eau ne devient pas un poisson »
17’. kpacroun kpacroun
plouf plouf
« Plouf !»
Ignorer la deuxième entité propositionnelle, même si cela est le fait du locuteur, ne relève pas entièrement de sa seule subjectivité. C’est l’énoncé lui-même qui dicte cette troncation. La première est indépendante vis-à-vis de la deuxième ; et les deux propositions signifient la même chose. La première et la deuxième sont deux manières différentes de dire la même chose. Il va de soi qu’après avoir cité la première proposition, le locuteur s’arrête pour éviter la redondance. C’est ce que spontanément, les locuteurs baoulés font sans être des linguistes. Cependant ce genre de proverbes n’abonde pas.
CONCLUSION
En définitive, relevons que les proverbes baoulés, lorsqu’ils apparaissent dans le discours spontané peuvent faire l’objet de troncations diverses. Celles-ci pouvant aller du simple au plus complexe. Cependant, l’énoncé garde toujours son sens ; même si dans certains cas marginaux, l’interprétation peut paraître ambiguë. Aussi, faut-il reconnaître que certaines troncations sont dictées par la structure de certains proverbes, lorsque la première proposition et la deuxième proposition font redondance. D’autres troncations sont simplement le fait du locuteur et relèvent donc de la performance.
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