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Résumé

Nous avons montré dans cet article jusqu’où les jeux perecquiens participent du même projet que la grammatologie derridienne. En dessaisissant la conscience écrivant des commandes de l’écriture, l’écrivain déploie un au-delà de la parole et de la subjectivité. L’écriture retrouve dès lors tout son sens d’expérience de l’exode que les Juifs que sont Georges Perec et Jacques Derrida ont vécue mieux que quiconque.

 Mots clés : Autobiographie, citation, clinamen, contrainte, différance, déconstruction, disparition, dissimulation, écriture,                           grammatologie, intertextualité, jeu, littérature, mise en abyme, nom propre, Oulipo, parole, pli, signature, trace.

 

Summary

         Through this article, we have shown to what extent Perecian representations draw on Derridian grammatology. By relieving the writing consciousness of the principles determining the act of writing, the writer displays a world beyond word and subjectivity. Writing regains, therefore, all the meaning of the experience of exodus that Jewish authors, Georges Perec and Jacques Derrida, lived through more than anyone.

Keywords: Autobiography, citation, “clinamen”, pressure, “différance”, deconstruction, disappearance, dissimulation,                             writing, grammatology, intertextuality, representation, literature, “mise en abyme”, proper noun, “Oulipo”, word,                       fold, signature, mark.

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« Si je tente de définir ce que j'ai cherché à faire depuis que j'ai commencé à écrire, la première idée qui me vient à l'esprit est que je n'ai jamais écrit deux livres semblables, que je n'ai jamais eu envie de répéter dans un livre une formule, un système ou une manière élaborée dans un livre précédent. » Penser/classer, Georges Perec, La librairie de XXI° siècles, [Seuil]

 

Introduction

Il s’agit dans cet article de faire jouer la différance[1] afin de faire « dialoguer » Georges Perec (1936-1982) et Jacques Derrida (1930-2004) à l’intérieur de l’espace que l’on appelle communément intertextualité (notion que nous aurons à définir plus loin). Bref il s’agit de repérer une même signature épistémologique.

À travers cette hypothèse, nous voulons faire communiquer deux axiomatiques dont les visées affichées sont de déconstruire[2], c'est-à-dire de faire déjouer, la philosophie chez l’un, la littérature chez l’autre, au profit de l’écriture. En d’autres termes, il est question, grâce à l’intertextualité à outrance, de faire déjouer les livres et autres principes de classement. Cela donne chez Georges Perec un bouleversement de l’idée qu’on a de la littérature. Écrire devient une pratique sans d’autre objet que de différer toute certitude. Notre travail (qui s’appuiera essentiellement, mais pas exclusivement sur W ou le souvenir d’enfance, désormais abrégé [W, +page(s)]) s’articulera en deux parties. Dans la première, nous borderons les problèmes épistémologiques de cette dialogisation avant de voir de quelle manière Georges Perec traite le matériau autobiographique[3] afin de mettre à jour le jeu sans rendement de l’écriture. Durant tout ce parcours interprétatif, ce seront les concepts derridiens qui éclaireront les concepts perecquiens.

  

1. Problèmes épistémologiques

1.1. Lire « G. Perec » et « Jacques Derrida : la question de la signature

Lire G. Perec à travers Jacques Derrida s’est avéré, pour surprenant que cela puisse paraître, une entreprise novatrice. En effet, cette grille de lecture est à peine effleurée, mais de fort belle manière, par Frédéric Marteau dans son article « L’obsession grammatographique : Ponge, Perec, Jabès »[4]. Nous l’avons également partiellement rencontrée, chez Bernard Magné[5]. Mais malheureusement, ils n’ont pas tiré de ce rapprochement judicieux suscité dans le texte perecquie n par les jeux sur les signifiants et signifiés toutes les conséquences grammatologiques[6] qui s’imposent.

Se livrer à une tel exercice de lecture, c’est montrer que le texte perecquien invite à ce qu’on le lise, qu’on le déplie selon l’axiomatique derridienne qui pose qu’un texte disperse toute mesure (logocentrique, en référence à la métaphysique de la présence qui la commande), que tout texte est entrainé dans le mouvement qu’il appelle la différance. Cette différance qui disperse toute différence générique légitime le fait qu’on rapproche un philosophe d’un écrivain.

Cette différance (avec a) rend possible toute différence la parole en faisant surgir le texte qu’il appelle gramme. Cette trace ne cesse de se dissimuler, de s’espacer, de se temporiser, de s’éclipser dans la potentialité[7]. Mais dans cet espacement, c’est en cela que c’est une trace, ou dans le vocabulaire pérecquien, ce lipogramme, il ne cesse jamais d’être question de cette lettre qui, comme dans la différance derridienne, rend possible les effets de textes inscrits à l’intersection des mots dans la parole.

Par l’effet de cette gramme, le texte est conçu afin de la dissimuler, ou plutôt le texte est conçu de manière à ce qu’il y disparaisse, s’y potentialise. C’est dire que les notions d’auteurs, de propriété, de signature, de livre, d’autobiographie sont ici inéluctablement déconstruites. Philippe Lejeune a parfaitement rendu compte des contraintes arbitraires qu’il glisse dans la pseudo-autobiographie, déconstruisant ainsi l’autobiographie en tant que telle à travers la remise en cause du principe de vérité censé être au cœur du pacte autobiographique[8] ; d’où le vaste projet autobiographique décrit dans Je suis né[9]. Il s’agit de choisir « douze lieux, des rues, des places des carrefours, liés à des souvenirs, à des événements ou à des moments importants de mon existence. » (p. 58). Georges décrit deux fois par mois ces lieux. La 1e fois il les décrit sur place et au présent, la deuxième fois dans n’importe quel lieu et de mémoire. Une fois écrits, ces textes, allant de quelques lignes à 6 pages ou plus, sont placés dans une enveloppe cachetée à la cire. Au bout d’un an (comptant 12 mois), les 12 lieux sont décrits sous deux angles différents. Georges Perec recommence alors pendant 12 ans le même travail en permutant les couples selon une table :

J’ai commencé en janvier 1969 ; j’aurai fini en décembre 1980 ! J’ouvrirai alors les 288 enveloppes cachetées, les relierai soigneusement, les recopierai, établirai les index nécessaires. Je n’ai pas une idée très précise du résultat, mais je pense qu’on n’y verra tout à la fois le vieillissement des lieux, le vieillissement de mon écriture, le vieillissement de mes souvenirs : Le temps retrouvé se confond avec le temps perdu : le temps s’accroche à ce projet, en constitue la structure et la contrainte ;

Le livre n’est plus restitution d’un temps passé, mais mesure du temps qui s’écoule ; le temps de l’écriture, qui était jusqu’à présent un temps pour rien, un temps mort, que l’on feignait d’ignorer ou qu’on ne restituait qu’arbitrairement, qui restait toujours à coté de livre (même chez Proust), deviendra ici l’axe essentiel. (p. 58)

 

L’intérêt d’un tel exercice, c’est qu’il disperse le genre autobiographique.

Nous voudrions par le truchement de la grille derridienne voir de quelle manière le clinamen[10] (autre correspondant pérecqueien de la différance derridienne) disperse l’assurance de la contrainte mathématique de la même manière que la formule mathématique (dont la contrainte ne nous donne qu’une infime idée, dont la contrainte explicite n’est qu’une indication) opère sur la trace d’une structure véritablement mathématique qui pointe un au-delà du sujet et ce faisant un au-delà de la parole. Ce jeu que nous qualifions, pour faire vite, de derridienne, justifie l’intertextutalité que nous faisons agir et qui, d’après Julia Kristeva, disperse la notion d’intersubjectivité[11], mais éclaire du coup un certain nombre de méta-contraintes[12] perecquiennes qui disséminent les contraintes 1es. Méta-contraintes qui renvoient à leur tout  à d’autres méta-méta-contraintes (jusqu’à l’infini)[13]. C’est dire que la notion de contrainte est d’un incontestable rendement grammatologique dans la mesure où une contrainte n’est intéressante que dans la mesure où elle recèle une case vide, un clinamen, une marge de liberté créatrice : c’est le rêve de la chambre inutile[14].

Mais revenons à l’intertextualité pour y voir la différance à l’œuvre.

 

1.2. Comment se dé-noue un « dialogue » intertextuel ?

Ce dialogue outre-tombe ici noué et ce qui s’y dévoilera de résonances, de concordances bref de « ressemblances » (pour parler comme E. Jabès[15]) ne saurait surprendre. Les œuvres ne parlent mieux, ne « parlent » "véritablement que leurs auteurs morts : si d’aventure le verbe parler tel qu’on l’entend coutumièrement a du sens dans une telle transaction. Au lieu de s’intéresser à ce qui est échangé dans le registre économique de la métaphysique, il faudrait chercher à voir ce qui se trame dans ce don/contre-don où toutes « ressemblances » sombrent en cette connivence de principe par Baudelaire dénommée correspondance et qui rend possible cette ouverture, ce jeu qu’on appelle tantôt sérialité, tantôt récurrence. Or par cette productivité où la différance est comme masquée, nous sommes de plain-pied dans l’écriture oulipienne.

Certes Jacques Derrida, qui a traversé magistralement son siècle n’a, à notre connaissance, rien écrit sur Georges Perec. Très certainement ils ne se sont pas ignorés ; et surtout, tel que le champ « littéraire » était constitué à l’époque, Perec n’a pas pu ignorer les philosophèmes de Jacques Derrida. On peut même croire qu’il les mime, tout comme dans La Disparition il a mimé Jacques Lacan ; on peut même le dire dès lors que l’on donne toute sa portée à cette mimésis, dès lors qu’on prend la pleine mesure de cette économimésis[16].

L’essentiel n’est pas à trouver au niveau empirique des auteurs (dans les registres de l’influence et de la citation) mais bien au niveau des textes (dans le registre de l’intertextualité). C’est dans cette dimension que se décide ce qui est significatif pour l’accomplissement des œuvres : à savoir que l’une éclaire l’autre. C’est sur ce plan, et sur ce plan seulement, que l’on saura ce qui les noue, étant entendu, avec Edmond Jabès (1912-1991) (cet autre penseur juif) que

Le lien est la muette dague, hors du fourreau ; de sorte que se lier, c’est passer la corde autour d’une lame, c’est constamment refaire le nœud où le nœud est impossible.[17]

 

Lier c’est paradoxalement dénouer pour des outre-nœuds, des archi-nœuds.

Georges Perec a somptueusement préparé ce chemin de l’éclaircissement, afin d’indiquer la voie qui lie-et-délie ; il a somptueusement mis en œuvre telle foudroyant aphorisme du maître Jabès :

Ce qui est à lire, reste toujours à lire.

Tu lis. Tu te lies à ce qui se délie ─ à ce qui te délie dans ton lien.

Tu es nœud de correspondances.[18]

 

En vue de préparer cette opération de lecture (-dé-nouement), Georges Perec a dé-plié (marqué) son texte, très légèremen,t mais suffisamment. Sous sa forme apparente de la ressemblance, le pli qu’il imprime à son texte semble être une simple exhibition érudite. Cette citation, cette greffe qui paraît relever du prélèvement, de l’adaptation, est plus que cela. Dans l’oulipisme le masque des formules mathématiques préserve la signifiance de la formule qui n’a de cesse de la déconstruire comme mathème. La différance préserve ainsi sa souveraineté sous le couvert de la pseudo-assurance de l’auteur. Ce pli rhétorique méthodiquement narrativisé qui donne l’impression de garantir au texte une sorte de légitimité qu’il faut que le commentaire (cette forme achevée de la déconstruction, du dé-pliage, de l’ex-plicatio) doit augmenter, aggraver, accentuer.

Ce redoublement du pli, bien évidemment, doit rester fidèle à la logique abysmale de la différance. C’est à ce prix seulement que l’on peut faire recours aux différentes méthodes critiques : en ce qu’elles nous enseignent de quelle manière l’auteur, sa biographie, le contexte social, le contexte sociologique, les mythologèmes se trouvent dispersés dans et par le texte. Le commentateur ne doit donc pas arrêter le jeu infini de l’œuvre en faisant de ce pli « derridien », sinon du derridisme, du moins de la citation magnifiante. Il en fera tout au plus une remarque adressée au narrataire, le soulignement, la mise en jeu de l’intertextualité qui diffère le point de départ phénoménal vers une origine sans origine : un Babel avant la lettre. Il va de soi que le mythologème de Babel est spectaculairement déconstruit.

L’intertextualité, conformément au vœu kristévien, est ici convoquée comme un jeu bien particulier qui amène le lecteur à prendre conscience de la potentialité du texte. Par ce concept central  chez les Oulipiens il faut comprendre le rien inaccessible. Paradoxalement, les mathèmes oulipiens ouvrent le jeu sans fin de la textualité : qui est soit intra-textualié (texte s’enlisant en lui-même) soit inter-textualité (le texte s’évanouissement dans un dehors qui lui est cependant intérieur).

En réalité, ce n’est point un paradoxe, puisque le texte est saisi par un jeu sans fin. On ne serait donc pas surpris (évidence qui n’en est pas moins une énigme : l’Énigme) que cette commune ignorance qui frappe ces aventuriers « parlent » le même langage. Ou plutôt que ces destins « parallèles » ne les ont pas empêchés de parler le même hébreu (au sens d’une langue cabalistique), en bons Juifs. On peut donc dire que cette judéité est inscrite dans leurs œuvres (vocabulaire géométrique qui articule des enjeux fondamentaux, doit évidemment minutieusement rectifié, déconstruit). Cette judéité[19] est inscrite uniquement au plan phénoménal (ce n’est qu’un différé), car la judéité (comme pour toutes les autres monolinguismes : albitude, négritude…) n’est qu’un lieu initial dont on dérive irrévocablement, ne serait-ce que par la mort. On en dérive comme on dérive dans l’idiome ; on en dérive comme on se dé-livre d’un Livre (du Torah) pour entrer dans un texte infini (une cabale, un livre borgesien). Ce dont il parle dans l’écriture c’est la pratique de l’errance, de la différ(r)ance magistralement expérimentée par le Guide Edmond Jabès. Pratique pour ne pas dire langage. L’(itin)er(r)ance se décline dans le monde de la fiction par la thématique de la recherche de la patrie.

Qu’est-ce que cette patrie dont il est si massivement question dans W ou le souvenir d’enfance?  Cette thématique cache une géométrie bien paradoxale puisque la patrie c’est le lieu (mot-clef, s’il en fût, de l’imaginaire péréquien) du Père. Comme chez Alain-Robbe Grillet, la recherche du lieu origininaire (la patrie) est une constante pour quelqu’un d’aussi obsédé par la question des lieux que Georges Perec (l’obsession est une manière de vivre oniriquement la différance). La recherche de la patrie, c’est la recherche de cette case sans nom. Les lieux, les espaces, fussent-ils des patries, sont des points de fuites dans une topologie de l’exode. Pour quelqu’un appartenant de surcroît à un certain peuple de Dieu, il n’y a de lieux que de diff(errance). L’œuvre n’existe qu’en raison d’un point de fuite matérialisé ludiquement par le e.

 

2. Déconstruction de l’autobiographie

2.1. L’image (la figure) dans le tapis[20] : la question de l’origine

Jacques Derrida est mort : au plus fort de son nom, nous dit-il dans Ulysse Grammaophone[21] 2 doubles consonnes (les d et les r) faisant le chiffre de la dissémination : soit 4. Il signale d’ailleurs que le double r graphique, tel un ornement du discours, se lit 1 fois ce qui l’inscrit, par ce halo de silence qui l’entoure, dans le registre du secret, de la marque.

D D
D E R R I D A
R I R E
A

 

Ce nom a été conçu ou à tout le moins relu (remarqué) par son attributaire comme une grille pérecquienne se prêtant à une cabale cachée. Ce nom propre qui se perd dans les jeux du texte, telle la signature derridienne qu’elle mime, ce nom propre qui se prête au jeu afin de se perdre dans un rire bruyant prévue par les possibilités anagrammatiques et paragrammatiques de derrida (une manière bien propre pour ce Juif de derrider la langue hébreue). 

Georges Pérec est également mort. Au centre de son nom résonne avec assourdissement 4 fois (soit la formule de la différance 2X2) cette fois-ci une voyelle : la voyelle e. cette voyelle, cela a été signalé à propos de Jacques Derrida, est à la fois « une belle absente » une voyelle de deuil ; on ne la prononce mais elle permet telle la colonne derridienne d’articuler un jeu de consonnes

G E O R G E S
P E R E C

 

Elle permet à une figure tutélaire (le PÈRE) de s’élever, d’agir en sourdine: et à une archi-écriture (le e du féminin) de s’élever. Cette voix, on le pressent, est celle de la mère. Et cette mère est une île (un elle). Ce nom est donc, telle que présentée : c'est-à-dire en tant que source de jeu, de différance, est une préfiguration de la signature. Il constitue, ce nom ex-appropriable, tout un programme, la source de toute une cabale cachée. Programme autobiograhique ? Disons plutôt programme contre-autobioraphique (Ph. Lejeune). G. P. s’adonne alors avec brio à une écriture de deuil : bref à de la lipo-littérature. Littérature telle que la contrainte (cet autre nom de la différance) de la chose à ne pas dire libère le rien… à dire qui devient le tout à dire et finalement le tout-du-dire. Littérature où le Rien devient tout et libère l’espace de la disparition, l’espace(ment) de la redite, l’espace de la revenence[22]. Dans l’espace des titres des termes renvoyant à cette thématique spectrale prennent heureusement le relais des noms propres. Le même deuil suscite jeu et parole.

Mais une question, question que n’ignore pas la grammatologie, se pose : Au nom de quoi peut-on faire communiquer ces deux Signatures ?

  

2.2. La disparition

Soit la lettre e chez Georges Perec et dans le roman intitulé Disparition[23]. Soit la lettre la plus présente dans le nom de gEorgEs pErEc dans le roman censé ne point en avoir. De l’importance dont cette lettre se trouve attribuée on peut la tenir pour la signature de G. P. D’ailleurs pour confirmer la valeur de nom propres de cette lettre (sorte de paraphe[24] qui brouille les pistes de lecture), le héros principal de La disparition s’appelle Anton Voyl, il faudrait plutôt dire Anton Voy.l.. Le « lecteur attentif » dont il est question à la page 14 de W verrait très vite qu’il y ici un double problème que l’écriture/lecture s’attelle à résoudre. Résoudre étant ici ; écrire étant presque toujours refouler, écrire étant dire l’indicible :

Quinze après la rédaction de ces deux textes, il me semble toujours que je pourrais que les répéter […] Il me semble que je ne parviendrai qu’à un ressassement sans issue. Un texte issu sur mon père, écrit en 1970, et plutôt pire que le premier, m’en persuade assez pour me décourager de recommencer aujourd’hui.

Ce n’est pas, comme je l’ai avancé, l’effet d’une alternative sans fin entre la sincérité d’une parole à trouver et l’artifice d’une écriture exclusivement préoccupée de dresser ses remparts : c’est lié à la chose écrite elle-même, au projet de l’écriture comme au projet du souvenir. [W, 62-63]

 

C’est G. P. qui glose ici son écriture à l’intérieur de son roman confirmant le double problème. Le problème de la voyelle e (voyelle de l’indicible) et le problème du nom. Le nom du géniteur est toujours, apparemment, impossible à correctement être orthographié :

Cyrla Schulevitz13, ma mère, dont j’appris, les rares  fois où j’entendis parler d’elle, qu’on l’appelait plus communément Cécile14, naquit le 20 août 1913 à Varsovie. […] [En gras dans le livre]

13. J’ai fait trois fautes d’orthographe dans la seule transcription de nom : Szulewicz au lie de Schulevitz.

14. Je dois à ce prénom d’avoir pour ainsi dire toujours su que sainte Cécile est la patronne des musiciennes et que la cathédrale d’Albi ─ que je n’ai vue qu’en 1971 ─ lui est consacrée. [W, 49,59]

 

La question du nom propre est au cœur du texte. Ce sont les fautes liées à l’énonciation de ce nom qui constitue la trame, ou si l’on préfère la substance autobiographique de ce texte. Le texte autobiographique est alors un pur écran pris dans le jeu de la différance.

Dans Anton Voyl, il est question d’une lettre disparue et ce faisant d’une énigme liée au nom propre. Le nom propre devient significatif du fait de la voyelle qui y fait défaut. Dans W., poursuivant la quête entamée avec La disparition, Georges Perec (aux pages 56 et 57) se livre à une assez longue dissertation sur la généalogie de ce nom (Perec), c'est-à-dire sur l’origine de cette marque et surtout sur ce qui est différé par/dans cette trace à travers une longue série de déformations. Il semble d’ailleurs que cette chose différée qui appelle le jeu oulipien (qui appelle la littérature) est plus qu’une affaire autobiographique. L’auto-psychanalyse à laquelle se livre par anticipation, coupant, si on peut parler ainsi, l’herbe sous les pieds du lecteur facile, est faite pour signaler l’inanité d’une telle lecture auto-biograhique, l’inanité d’une telle lecture mimétique. L’essentiel de l’auto-bio-grahie réside justement dans cette différance de la version vraie à la version racontée. L’essentiel est dans la dérive fabulatrice :

Je ne sais pas si je n’ai rien à dire, je sais que je ne dis rien ; je ne sais pas si ce que j’aurai à dire n’est pas dit parce qu’il est l’indicible (l’indicible n’est pas tai dans l’écriture, il a ce qui l’a bien avant déclenchée) ; je sais que ce que je dis est blanc, est neutre, est signe une fois pour toutes d’un anéantissement une fois pour toutes. [W, 63]

 

Tout nom est comme le Neutre, un trou béant qui ouvre la différance (le ressassement, le déplacement en abyme) au cœur de l’intégrité du sujet et de la parole.  « Le nom de ma famille, écrit Jacques Perec, est Peretz. Il se trouve dans la Bible. En hébreu, cela veut dire « trou » » [W, 56]. L’altérité du nom (ici Perec, là Derrida) sème le trouble dans l’intégrité du Nom supposé propre. La question du signataire se déplace alors bien dangereusement :

Mon grand-père s’appelait David Peretz et vivait à Lubartow. Il eu trois enfants : l’aînée s’appelle Esther Chaja Perec ; le puîné Eliezer Peretz, et le cadet Icek Judco Perec. Dans l’intervalle s éparant leurs trois naissances, c'est-à-dire entre 1896 et 1909, Lubartow aurait été successivement été russe, puis polonaise, puis russe à nouveau. Un emploi d’état civil qui entend en russe, et écrit en polonais entendra, m’a-t-on expliqué, Peretz et écrira  Père. Il n’est pas impossible que ce soit le contraire ; selon ma tante, ce sont les Russes qui auraient écrit « t » et les Polonais qui auraient écrit « c ». cette explication signale, plus qu’elle n’épuise, toute l’élaboration fantasmatique, liée à la dissimulation patronymique de mon origine juive, que j’ai faite autour du nom que je porte et repère, en outre, la minuscule différence existant en tre l’orthographe du nom et sa prononciation : ce devrait être Pérec ou Perrec (et c’est toujours avec un accent aigu ou deux « r », qu’on l’écrit spontanément) ; c’est Perec sans pour autant se prononcer Peurec [W, 56-57]

 

Ce qui est si savamment différé, dissimulé par l’écriture, c’est cette lettre (ce chiffre) qu’on ne voit : la figure du père. Comme dans la lettre volée d’Edgar Allan Poe, ce qui montre cache. Il suffit de ne plus se focaliser sur le e pour voir que cette voyelle-leurre qui fait cruellement défaut à Anton Voyl à laissé la place vacante en toutes lettres alphabétiques au Père ! (les consonnes de PeReC, moins le C désignent, comme référent et contre-signataire du texte, le Père) : « De mon père, je n’ai d’autre souvenir que celui de cette clé ou pièce qu’il m’aurait donnée en un soir en revenant de son travail. » [W, 45]

Le père énigmatique est donc bien la clef (d’or) de l’énigme. C’est lui dont l’impossible souvenir qui rend possible quelque chose comme un roman, quelque chose comme l’art figuratif : toutes choses qui rendent  possible l’évocation de la place vacante, de la place différée.

Ce qui importe surtout au-delà de cette histoire de e (qui n’est qu’un prétexte, un signifiant) c’est ce qui dans la présence est différé, ce qui n’apparaît pas sur la scène de l’écriture. Ce qui, à proprement parler, dis-paraît. Toute lettre est une missive. Elle n’est jamais neutre. Toujours, elle implique le deuil. Dans la lettre, dans la langue, il y a la trace de la place du contre-signataire absent, puisqu’une lettre est à la fois vœu de présence et marque de distance. J’écris une lettre parce je ne suis pas là. L’histoire du roman que nous dresse admirablement Perec dans chacun de ses romans c’est l’histoire de cette quête de l’origine, c’est l’énigme de ce qui disparaît dans son apparition : ce qui se déplace en abyme (Francis Ponge) ou se met en abyme selon le point de vue choisi. Dans le roman ce que je raconte ouvre davantage une énigme qu’elle ne répond à des questions. D’où, en un style borgésien, cette cascade de récits prélevés dans la littérature. Récits racontant la même histoire sans fin dans une narration sans issue.

Le récit raconté importe moins que la formule qui l’a engendré. Le récit doit son existence au refoulement, à la dénégation de la lettre e. Il n’existe que pour ce qui refuse de se dire, d’être dit. Quelque part un tel récit est, à tous les sens du terme, déplacé. Sa migration, qui fait véritablement sens, fait penser au déplacement en abyme, à l’image dans le tapis. Comme pour le Nouveau roman, c’est l’aventure d’une écriture qui importe moins que l’écriture d’une aventure.

Le récit raconte les mésaventures de l’écriture, l’impossibilité de dire quelque chose qui se matérialise en un e et qui manifestera ailleurs d’une autre manière. Le récit raconte les mésaventures de la lettre muette e ou si l’on préfère un [e] qui s’écrira de toutes les manières, qu’on pourra par conséquent entendre dans tous sens. C’est en cela que consiste le jeu romanesque. Dans ce sens où l’impossibilité d’écrire une certaine lettre oblige à l’usage de la synonymie ou de la néologie (forme minimale de la fabulation).

Nous est ainsi montré ce qui se déplace dans le roman. Le roman fait partie intégrante du fabuleux univers des substituts : 1 mot ou n mots sont pris pour un autre avec, comme lipo-contrainte, qu’elle ne retienne rien qui rappelle sa source. Le mot- substituant (ou traduisant d’un autre idiome, ou trans-crivant dans un autre dialecte) est alors véritablement un lipo-gramme.

 

Conclusion

C’est dire que le roman déplace l’absence dans une présence fictive. L’objectif de ce jeu mimétique est de masquer le manque au point d’amener le narrataire à prendre ce qui lui dit/donné pour argent comptant et de ne pas voir ce qui est homophoniquement et synonymiquement crypté dans « la lettre » du texte. De manière donc à ne faire que pressentir la potentialité instituant le littéraire (comme pour dire imaginaire).

La critique, qui accomplit dès lors une tâche éminente, laisse libre cours dans le roman traditionnel, à la signifiance. Dans la logique de la signifiance le texte n’est pas représentation : le texte n’est pas reproduction mais pur lieu de pro-duction (mot qui renvoie à une herméneutique heideggerienne). Le texte, au hasard des associations poétiques qui, même potentialisées dans le texte classique, continuent à lui imprimer son rythme, fait sens. Le texte se met à signifier littéralement et dans tous les sens. En ouvrant l’horizon de l’Encyclopédie (du sens), le texte fait déjouer la langue au profit de la Langue. Les hallucinogèmes qui naissent de la rêverie poétique (romanesque) surgissent de la Langue (le Logos).

A  tout pendre, exister, vivre, c’est s’exercer au jeu de contraintes : Comment vivre sans écrire telle lettre ? Comment vivre en n’utilisant que telle lettre ? Comment vivre dans la nostalgie de quelque W. Cette lettre sera prise, exactement comme une étiquette mathématique :  la marque d’une absente.

Elle est en effet bien étrange la logique récurrente (différante) du nom propre. En s’élucidant (en mirages) l’énigme ne fait que se démultiplier. Il ne sait pas pourquoi ─ ignorance savante et qui constitue le fonds du savoir à l’œuvre dans le roman ─ l’énigme (ce que nous avons identifié comme la potenttialité) depuis le lointain d’où il se dresse tient la plume, devient le thème privilégié de l’œuvre.

 

Bibliographie

  1. BURGELIN, Claude. Georges Perec. Paris : Éditions du Seuil collection Les Contemporains, 1990.
  2. DERRIDA, Jacques. « Economimesis » publié dans dans l'ouvrage collectif Mimesis des articulations (Paris : Aubier-Flammarion, 1975, pages 57 à 93), et auquel ont participé Sylviane Agacinski, Sarah Kofman, Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy et Bernard Pautrat.
  3. DERRIDA, Jacques. Introduction (et traduction) à L'origine de la géométrie de E. Husserl. Paris : PUF, 1962.
  4. DERRIDA, Jacques. De la grammatologie. Paris :  Les Éditions de Minuit, 1967.
  5. DERRIDA, Jacques. La dissémination. Paris : Seuil, 1972.
  6. DERRIDA, Jacques. Ulysse gramophone. Paris : Galilée, 1987.
  7. DERRIDA, Jacques. Limited Inc. Paris :  Galilée, 1990.
  8. DERRIDA, Jacques. Le monolinguisme de l'autre. Paris : Galilée, 1996.
  9. JABÈS, Edmond. In Le Livre des ressemblances. Paris : Gallimard (L’imaginaire), 1991 (1e édition en 1976)
  10. KRISTEVA, Julia. Semeiotike. Recherches pour une sémanalyse. Paris : Seuil, 1969.
  11. LEJEUNE, Philippe. Le Pacte autobiographique. Paris : Seuil/Poétique, 1975.
  12. LEJEUNE, Philippe. La Mémoire et l'Oblique. Georges Perec autobiographe. Paris :  P.O.L., 1991.
  13. MAGNÉ, Bernard. « De l’écart à la trace. Les avatars de la contrainte ». Études littéraires, volume 23 n° 1-, été-Automne 1990.
  14. MAGNÉ, Bernard. Georges Perec. Paris: Fernand Nathan, collection 128, 1999.
  15. MAGOUDI, Ali. La Lettre fantôme. Paris :  Éditions de Minuit, collection Critique, 1996.
  16. MARTEAU, Frédéric dans son article « L’obsession grammatographique : Ponge, Perec, Jabès » Paru dans la revue d’étude du dialogue texte-image Textimage. Le numéro 3 de 2009 (intitulé A la lettre) est accessible à l’dresse suivante (page par nous consulté le 29 décembre 2012) : http://www.revue-textimage.com/04_a_la_lettre/marteau1.html
  17. PEREC, Georges . La Disparition. Paris : Denoël, 1969.
  18. PEREC, Georges . Les Revenentes. Paris : Julliard, 1972.
  19. PEREC, Georges. Espèces d'espaces . Paris : Galilée, 1974.
  20. PEREC, Georges.  W ou le Souvenir d'enfance . Paris : Denoël, 197
  21. TEL QUEL. Tel Quel. Théorie d'ensemble. Paris : Le Seuil, 1968 ; rééd. coll. « Points » en 1990.

* Maître de conférences et Docteur d’État en littérature française, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal

[1]Ce néologisme a été définie comme suit dans la conférence éponyme prononcée à la Société française de philosophie, le 27 janvier 1968 et repris dans Théorie d’ensemble (Paris :Le  Seuil, 168)) : « Ce qui s’écrit différance, ce sera donc le mouvement de jeu qui «produit», par ce qui n’est pas simplement une activité, ces différences, ces effets de différence. Cela ne veut pas dire que la différance qui produit les différences soit avant elles, dans un présent simple et en soi immodifié, in-différent. La différance est 1’«origine» non-pleine, non-simple, l’origine structurée et différante des différences. Le nom d’ «origine» ne lui convient donc plus. »

[2] Ce néologisme proposé par Jacques Derrida reprend les principes de la généalogie nietzschéenne et se fixe comme programme de mettre à jour la métaphysique occidentale et d’annuler ses effets qui réduisent l’écriture à un redoublement de la parole.

[3] Ce matériau s’inscrit dans un des quatre horizons de l’écriture perecquienne : « (…) En fait, me semble-t-il, au-delà de ces quatre pôles qui définissent les quatre horizons de mon travail -le monde qui m'entoure, ma propre histoire, le langage, la fiction-, mon ambition d'écrivain serait de parcourir toute la littérature de mon temps sans jamais avoir le sentiment de revenir sur mes pas ou de remarcher dans mes propres traces, et d'écrire tout ce qui est possible à un homme d'aujourd'hui d'écrire : des livres gros et des livres courts, des romans et des poèmes, des drames, des livrets d'opéra, des romans policiers, des romans d'aventures, des romans de science-fiction, des feuilletons, des livres pour enfants… » Penser/classer, Georges Perec, La librairie de XXI° siècles, [Seuil

[4] Paru dans la revue d’étude du dialogue texte-image Textimage. Le numéro 3 de 2009 (intitulé A la lettre) est accessible à l’adresse suivante (page par nous consulté le 29 décembre 2012) : http://www.revue-textimage.com /04_a_la_ lettre/ marteau1.html

[5] Voir bibliographie

[6] Voir Jacques Derrida. De la Grammatologie. Paris : Minuit, 1967.

[7] Voir les rechreches d’OULIPO.

[8] Voir Philippe Lejeune. Le Pacte autobiographique. Paris : Seuil/Poétique, 1975.

[9] Paris : Seuil/Coll. Librairie  du XXe siècle, 1990. Voir également « Une autobiographie sous contrainte » de Philippe Lejeune (paru dans le Magazine littéraire n° 316, de décembre 1993 consacré à Georges Perec – pages 18-21).)

[10] « Quand on établit un système de contraintes, il faut qu’il y ait aussi de l’anticontrainte dedans. Il faut – et c’est important – détruire le système des contraintes. Il ne faut pas qu’il soit rigide, il faut qu’il y ait du jeu, comme on dit, que ça grince un peu, il ne faut pas que ça soit complètement cohérent : un clinamen, c’est dans la théorie des atomes d’Epicure ; le monde fonctionne parce qu’au départ il y a un déséquilibre. » dans l’entretien avec Ewa Pawlikowska, dans le numéro n° 7 de Littératures (1983) publié par Toulouse-le Mirail.

[11] « "[…] tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d'un autre texte. A la place de la notion d'intersubjectivité s'installe celle d'intertextualité, et le langage poétique se lit, au moins, comme double." Julia Kristeva, "Bakhtine, le mot, le dialogue et le roman", Critique, avril 1967. Ce texte est repris dans Semeiotike. Recherches pour une sémanalyse. Paris : Seuil, 1969.

[12] Voir Bernard Magné. « De l’écart à la trace. Les avatars de la contrainte ». Études littéraires, volume 23 n° 1-, été-Automne 1990.

[13] Infini qui se trouve être l’espace appelé littérature.

[14] Ce rêve d’un espace sans fonction est formulé dans Espèces d’espace. Paris : Galilée, 1974.

[15] In Le Livre des ressemblances. Paris : Gallimard (L’imaginaire), 1991 (1e édition en 1976).

[16] Voir l’article « Economimesis » de Jacques Derrida publié dans l'ouvrage collectif Mimesis des articulations (Paris : Aubier-Flammarion, 1975, pages 57 à 93), et auquel ont participé Sylviane Agacinski, Sarah Kofman, Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy et Bernard Pautrat.

[17] Op. cit., p. 26.

[18] Op. cit.,p. 21.

 

[19] Voir Marcel Bénabou. « Perec et la judéité » in Colloque de Cerisy. Paris : P.O.L, 1984.

[20] Nous faisons ici référence à la nouvelle d’Henry James (« L’image dans le tapis ») dans ses Nouvelles traduites de l’anglais par Michel Gauthier, John Lee, et Benoît Peters et publié, pour l’édition française, chez Les Éditions de l’Équinoxe à Paris en 1984.

[21] Paris : Galilée, 1987.

[22] Ce néologisme apparaît dans Les revenentes. Paris : Julliard, 1972. Dans ce roman Georges Perec renversant la contrainte de ne pas utiliser la voyelle e qu’il s’était fixé dans la Disparition (Paris : Denoël, 1969), s’impose de n’utiliser d’autre voyelle que la voyelle e.

[23] Paris : Denoël, 1969.

[24] Le "paraphe" est un signe manuscrit, consistant le plus souvent dans l'apposition la signature partielle (initiales des nom et prénoms) des personnes parties à un contrat qu'elles apposent au bas de chacune des pages. Le paraphe a deux fonctions, la première est d'assurer que chacun des signataires ne s'est pas contenté de signer la dernière page mais qu'il a lu l'acte en entier, la seconde est d'éviter l'ajout ou la destruction des pages intermédiaires après la signature de l'acte.