Sur le fil...

Safara n°22 est désormais disponible...

Note utilisateur: 4 / 5

Etoiles activesEtoiles activesEtoiles activesEtoiles activesEtoiles inactives

 Accèder à l'article complet avec votre mot de passe

Demander un mot de passe d'accès à l'article complet

 

 

Résumé

Dans cet article, notre objectif consiste à vérifier, par une approche intertextuelle et intermédiale, que Les Naufragés de l’intelligence est un roman transfrontalier. Il se dégage de notre analyse qu’il est un roman transgénérique, car il est traversé par les autres genres comme la poésie, le théâtre, le conte. En effet, Adiaffi récuse la notion de genre par une écriture de l’écart. L’étude a aussi montré que son roman est transdiciplinaire du fait qu’il intègre des textes relevant de la philosophie, de la Bible, de l’Histoire et des media audiovisuels. Son œuvre ignore ainsi la frontière entre les genres et les disciplines. Elle remet en cause le discours romanesque constamment travaillé par une mise en forme qui renouvelle la tradition esthétique. Ce désordre de l’écriture est symbolique du désordre socio-politique qui mine l’Afrique.

Mots-clés: écriture-transfrontalier-transdisciplinaire-transgénérique-écart

 

Abstract

In this article our objective consists in checking, through an intertextual and intermedial approach, that Les Naufragés de l’intelligence is a transfrontier novel. From our analysis it appears to be a transgeneric novel, because the other genres like poetry, drama, and tales go through it. Indeed Adiaffi rejects the notion of genre by a writing of the gap. The study has also shown that his novel is transdiciplinary due to the fact that it integrates texts that are the matter for philosophy, the Bible, History and audiovisual media. His work therefore ignores the frontier between the genres and the disciplines. It questions the novelistic speech constantly worked by a shaping that renews the aesthetic tradition. This disorder of the writing is symbolic of the socio-political disorder that undermines Africa.

Key words: writing-transfrontier-transdisciplinary-transgeneric-gap

 

 

Note utilisateur: 0 / 5

Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives

  Télécharger l’article en version PDF

Pierre Gomez.  Nation Et nationalisme dans la littérature Gambienne. Paris : L’Harmattan, 2013.

Le docteur Pierre Gomez, de l'université de Gambie, célèbre dans son ouvrage intitulé Nation Et nationalisme dans la littérature Gambienne, paru aux éditions L’Harmattan en 2013, l’émergence d'une littérature gambienne, d'expression anglaise, dans toute sa créativité et dans tout son engagement. L'ouvrage débute par les éclairages apportés aux concepts de nationalité et nationalisme, grâce aux lectures théoriques. Celles-ci, lui permettent de lever toute ambiguïté sur les deux notions. Il se positionne d'emblée, en définissant le nationalisme au sens d'Ernest Gellner : « le nationalisme, est la conséquence d'une évolution structurelle d'un peuple cherchant à créer un espace homogène (...) son rôle premier est de servir la Nation » (Pierre Gomez (2013:26)). Ce faisant, l'auteur condamne la nature agressive que peut revêtir le nationalisme se justifiant, cette fois-ci, des rapports entre dominants et dominés ; entre allogènes et indigènes ou encore entre petites et grandes nations. L'histoire politique de la Gambie (pp 33-37) est revisitée à ses différents moments afin de montrer que le nationalisme n'apparaît pas de façon fortuite ni hasardeuse. Il se manifeste contre l'invasion étrangère. L'expansion de cette idéologie s'opère grâce au rôle catalyseur de la presse gambienne (pp 37-39). Cette presse, participe, de manière prépondérante, à l'éveil de la conscience nationale. Elle sert d'exutoire à tous ces auteurs engagés et décidés à affirmer leur gambianité sous diverses formes littéraires : poèmes, articles, nouvelles, théâtre, contes. Sa genèse, relatée dans l'ouvrage, est digne d'intérêt.

Nous retiendrons que le père de la presse nationale reste Edouard Francis Small qui crée le journal Gambia Outlook en 1922. Ce dernier, journal Aku des premières élites du pays, dénonce les injustices sociales durant la colonisation. D'autres journaux à l'instar de The Gambia Echo (1934-1970) de Lenrie Peters suivront l'exemple. De 1965 à 1989, nous apprenons dans le même ouvrage que les journaux s'activeront à faire état de la déception populaire après les indépendances. Nous citerons, Ndaanan (1971-1976) ; Tonya (1965) ; The Torch (1984). À sa fermeture pour des raisons financières, le flambeau sera repris, 20 ans plus tard, par le Daily Observer.  À cet effet, le professeur Jean-Dominique Penel du PADEF, dans son inventaire bibliographique de 2002, compte la présence de 1300 textes dans l'espace littéraire. Ces chiffres révèlent la vague récente d'une troisième génération d'écrivains de 1990 à 2001. Dès lors, une littérature gambienne d'expression anglaise existe, comme nous le concède Pierre Gomez dès son introduction, je le cite. « Notre travail, n'est pas une histoire de cette littérature … Seulement, il importait de rappeler que notre objet d'étude existe bel et bien. » Pierre Gomez (2013 :9)

Le dernier chapitre de l'ouvrage est l'occasion, pour l'auteur, d'analyser l'idée de nation chez les écrivains gambiens. Ce nationalisme se définit particulièrement d'un point de vue externe.

D'abord, contre l'oppression coloniale, ensuite contre le voisin sénégalais durant la période confédérale, pour finir contre tout envahisseur étranger. Ce nationalisme, exception faite de quelques rares auteurs, n'émane jamais d'un mouvement interne régissant la volonté commune de vivre dans une Gambie forte et unie. Pour analyser dans une perspective littéraire son objet d'étude, le chercheur, saisit un corpus allant des années 1930 à l'année 2003. Des axes thématiques évoquant une forte affirmation de l'identité et des valeurs propres à la Gambie, structurent l'ouvrage.

Le premier élan nationaliste de la Gambie, celui que nous voyons comme un nationalisme anti-colonial, voit le jour en réaction contre le mauvais traitement, infligé jusqu’ici aux populations locales par les colonisateurs impassibles. À ses débuts, cette idéologie se pose pour défendre la dignité et la libération du peuple. Nous sommes dans la littérature de contestation contre l'impérialisme avec Tijan Sallah (1988), Before the New Earth ; Nana Grey-Johnson (1997) pour son roman I Of Ebony. Janet Badjan-Young, dans The Battle of Sankandi, interprétée à l'Alliance Franco-Gambienne, le 25 mai 2002, revisite les ravages du passé colonial. Dans le jeune roman de Baaba Sillah (2003), When The Monkey Talks, une véritable revendication se présente. C'est aussi l'occasion pour l'auteur de retracer la biographie d'Edouard Francis Small, à travers le personnage d’Edu Fara Mundaw alias Paa Mundaw, un Aku dévoué à sa patrie. Est aussi cité l'exemple du révérend J.-C. Faye à travers le personnage de Goorgui Faye, un homme d’église connu pour ses discours sur le dialogue religieux.

La liberté et la démocratie seront célébrées par les auteurs comme Gabriel J. Roberts dans son poème, Election Day (1951) ; puis, Ode to Amata (1971) lorsqu'il communie avec le peuple, pour fêter l'indépendance de la Gambie. Junkunda Chaka Daffeh (1972) suit avec gaieté, les même pas.

La jovialité est éphémère après le soleil des indépendances. L’espoir tant attendu, comme dirait Samuel Beckett, dans En attendant Godot, d’une Gambie prospère tarde à venir. Le faux-pas sera perpétré par la nouvelle classe dirigeante ayant oublié ses promesses. Le ton adopté par la littérature et la presse écrite, à l'égard du monde politique, est sévère. Pierre Gomez cite dans ce contexte, des poèmes de quelques auteurs comme : Junkunda Daffeh (1972); Omar Bah avec Janjarri (1973); Lamin King Kolley (1996) dans So Called Wise Acts. Il en va de même pour Mariama Khan (2003) qui, dans son recueil de poèmes intitulé Futa Toro, promène un regard perdu dans une Afrique, dépouillée de ses valeurs culturelles et humaines. Elle s'en remet à la divinité, dans Prayers for The Gambia pour le retour de la paix (Pierre Gomez (2013:140-142)).

Le thème du panafricanisme est salué avec la projection de certains modèles d'unité africaine. Des auteurs gambiens rendent hommage à ces hommes qui ont combattu pour la dignité et la libération de l’Afrique. N'jogou Bah (1972) dans son poème Ode to Kwame rend hommage à Kwamé Krumah ; Mohamed Ibrahima Jagne, le 21 février 1995, parle du Bissau Guinéen Amilcar Cabral. Quelques temps avant l'indépendance de la Gambie, la troupe de théâtre, The Banjul dramatic society, fera une représentation sur la vie de Patrice Lumumba.

Le nationalisme culturel sera défendu par ceux qui redoutent une rupture avec la tradition. Les textes littéraires fustigent le déracinement tout en invitant à une revalorisation du patrimoine culturel gambien (Pierre Gomez, (2013:68-75)). Les poèmes de Swaebou Conateh (1972) dans New Africa et Ansu Dibba (1976) dans Culture, sont illustratifs. Lenrie Peters (1972) dans le poème Reflections of Beverage, invite à la consommation locale quand Gabriel J. Roberts (1974) vante dans une pièce de théâtre intitulée The Prophet, l'exception gambienne. En 1966, les élèves de Gambia high et Latrikunda mettent en scène l'inadaptation des valeurs traditionnelles à la modernité.  Bala Saho (2000) dans son recueil de poèmes Songs Of A Foraging Bird chante la beauté de l'Afrique ancestrale.

Cependant le nationalisme gambien atteint le sommet avec la confédération sénégambienne, Pierre Gomez (2013 :142-168). En effet, les textes les plus nationalistes sont écrits durant cette période. Le Sénégal, sert de repoussoir, dixit Pierre Gomez (2013:152), pour les auteurs comme: Gabriel John Roberts, Fodeh Baldeh, Sheriff Samsudeen Sarr, Nana Grey- Johnson. Gabriel John Roberts (1972) dans sa pièce de théâtre, A coup is Planned, donne un avertissement en prévenant du complot monté, à l'insu du peuple. Il anticipe en parlant de la Confédération Sénégambienne bien avant sa création en 1982. 16 ans plus tard, il adapte cette même pièce en un roman intitulé The Gossieganderan Myth (1988). L'auteur y signifie que ce pacte est désormais effectif. Il insiste sur le caractère négatif des habitants de Gandera (Sénégal) à l'égard des gens de Goosiera (Gambie) (Pierre Gomez (2013:152)). Shériff Samsudeen Sarr (1984) publie le roman Meet me in Conakry, où il défend la gambianité grâce à la différence de langues. Il en découle un nationalisme linguistique. L'anglais devient un symbole gambien par rapport au français chez le voisin sénégalais. Cette démarcation entre les deux pays est aussi opérée par Ebou Dibba (1986) dans le chapitre 6 de Chaff On The Wind. Nana-Grey Jonhson (1987) dans, Week-End In July, invite à la négation de toute union avec le Sénégal pour mieux affirmer la souveraineté gambienne.

Cependant, l'auteur qui aura le plus marqué son empreinte dans ce nationalisme anti-sénégalais, à travers ses écrits, reste Fodeh Baldeh (1996) avec Fate of an African President. Il est emprisonné à la suite de ses productions écrites en langue française où il fait appel aux pays francophones pour sauver la Gambie. Il peint ainsi, d'une manière virulente dans Rebirth et The Senegalese intervention, l'armée sénégalaise en la qualifiant d'ennemie. Toutefois, le traité d'amitié signé en 1991 après la dissolution de la Confédération Sénégambienne en 1989, sera le début d'une nouvelle fraternité. Cette réconciliation s’exécute dans le respect de la souveraineté des deux pays.

Pierre Gomez (2013:168-176) remarque que les minorités sont aussi fustigées dans la littérature gambienne. Le nationalisme, là encore, s'affirme à l'égard des communautés allogènes de la Gambie (Mauritaniens, Guinéens, Sénégalais, Européens...). Tijan Sallah (1980), dans son recueil de poèmes When Africa Was A Young Woman, se fait l'avocat de l'Afrique en luttant contre les stéréotypes sur l'Africain, notamment avec le poème If You Ask Me Why My Teeth Are Ivory White. Dans, We Let Tourist, il dénonce les méfaits du tourisme et ses conséquences dévastatrices sur la jeune génération. Le mode de vie casanier des Mauritaniens est jugé sévèrement. Il en est de même que le traitement de faveur à l'encontre des Libanais. Nana Grey-Johnson, pour sa part, déplore l'inflation des prix par les Guinéens (Gomez (2013:170)). Ebou Dibba (1989) dans Fafa voit la Gambie comme un eldorado comparé aux Etats-Unis. Hassoum Ceesay (2003) dans Seeking to please, suit le même chemin.

En marge de tous les écrivains, cités jusqu'ici, Pierre Gomez (2013 : 199-202) observe que quelques rares auteurs comme Nana Grey-Johnson, Baba Galleh Jallow et Charles Thomas, voient d'un point de vue interne, la question nationale. L'idée de nation est, pour ces derniers, un principe positif qui met en valeur une conscience collective, une volonté commune de vivre dans l'unité politique, religieuse, ethnique. Nana Grey-Johnson (1987), dans son recueil de nouvelles, A Krio Engagement And Other Stories et plus particulièrement dans sa nouvelle She, pense que les Gambiens sont responsables, de leur propre disharmonie. L'idée est la même chez Baba Galleh Jallow (1999), avec Ultimate Conflict. Charles Thomas (2000) dans sa pièce de théâtre The Memorandum informe des freins à une cohésion sociale. Le point central entre ces auteurs reste la difficile acceptation de l'autre dans sa différence, de l'altérité tout simplement. A l'issue de cette analyse de l'ouvrage, Nation Et Nationalisme Dans La Littérature Gambienne, du Docteur Pierre Gomez, il devient évident que l'existence d'une littérature gambienne est indéniable. 

Note utilisateur: 0 / 5

Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives

  Télécharger l’article en version PDF

Abstract

Although the surface narrative in John Steinbeck’s The Grapes of Wrath focuses on the plight of migrant workers fleeing the Dust Bowl during the Great Depression, the author’s meditation on the role of Christianity as a sustaining force in the lives of the migrants permeates the novel from beginning to end. Whereas readers generally recognize Steinbeck’s Christian allusions, many miss his skillful rendering of Transcendentalist beliefs filtered through Jim Casy’s quest for spiritual fulfillment. Using an intertextual approach, my paper explores Steinbeck’s rationale for creating a character who is simultaneously similar to and yet different from the conventional figure known as Jesus Christ.

Key words: Intertextuality, Christianity, Transcendentalism, Journey, Analysis.

 

Résumé

Bien que d’une manière générale le récit de Lesraisins de la colère écrit par JohnSteinbeckse concentre surlesort des travailleurs migrantsqui fuyaient le Dust Bowlau cours dela Grande Dépression, la focalisation del'auteursurle rôle du christianisme consistant à soutenir ces migrants se faufile tout au long du romandu début jusqu’à la fin.Alors que plusieurs critiques littéraires  reconnaissent généralement les allusions faites à la Bible dans le roman, la plupart manquent de prêter attention à son message lié au transcendantalisme véhiculé à traversla quête deJimCasy en vue de son épanouissement spirituel. S’inspirant de l’approcheintertextuelle, cet article explorela raisonpour laquelle Steinbeck a créé un tel personnage qui est la fois semblable et en même temps différent de Jésus Christ.

Mots clés: Intertextualité, Christianisme, Transcendantalisme, Voyage, Analyse.

 

“I was a preacher, said the man seriously Reverend Jim Casy” […] “I ain’t a preacher no more.” […] “I tol’ you I ain’t a preacher no more” […]  an’ I can remember – all of it. Says one time he went out in the wilderness to find his own soul, an’he foun’ he didn’t have no soul that was his’n. Says he foun’ he jus’ got a little piece of a great big soul. Wasn’t any good’less it was with the rest, an’was whole”

John Steinbeck

 

These statements from Jim Casy and the narrator of The Grapes of Wrath (hereafter TGOW) gives a hint about a spiritual journey from Christianity to the Oversoul. I agree with many critics who rightly argue that John Steinbeck’s The Grapes of Wrath is full of biblical allusions and imagery, as well as characters who serve as Christ figures: Jim Casy, Tom Joad, and Rose of Sharon. Nevertheless, I also think there is a need to analyze the differences between the Christ figures in the novel and Jesus Christ himself. Steinbeck’s creation of Jim Casy, who is simultaneously similar to, and different from, Jesus Christ in many ways, is his means of challenging Christianity, which to some extent has led to Capitalism and its injustices. Through the journey of Jim Casy from Christianity to Transcendentalism, Steinbeck offers Transcendentalism as the best system of belief for soothing the pain of the poor farmers in the novel.

The majority of critics analyzing John Steinbeck’s The Grapes of Wrath focus on the overt topics of the text: the plights of the Okies (the migrant farmers), the Great Depression, the horrors of Capitalisms, feminism etc. Other critics analyze the novel from a religious perspective.  John J. Han’s “Jesus as a Cultural Hero: Steinbeck’s Use of the Christ Figure in The Grapes of Wrath, Charles T. Dougherty’s “The Christ-Figure in The Grapes of Wrath,” H. Kelly Crockett’s “The Bible and The Grapes of Wrath,” Tamara Rombold’s “Biblical Inversion in The Grapes of Wrath,” and Martin Shockley’s “Christian Symbolism in The Grapes of Wrath,” are few important examples of this approach. All of them agree that there are many biblical allusions in the novel, and that Jim Casy is a Christ figure. However, they fail to highlight the difference between Casy and Christ and to explore the new religion embraced by Casy.

Because of many biblical allusions in the novel, it needs to be analyzed intertextually. Intertextuality can simply be defined as the shaping of textual meaning by referencing or borrowing from another text. In addition, though, intertextuality is “our response to any text – or the principles of practical criticism we apply to it” (Bressler 8). It can be inferred from this definition that our response to any text heavily relies on our past experiences. For Charles E. Bressler, “consciously or unconsciously, we have developed a mind-set or framework that accommodates our expectations when reading a novel, short story, poem or any other type of literature” (8). Jim Casy can, therefore, be analyzed differently depending upon the background against which one reads the novel.

Christianity is one of the themes amply developed in the novel, but Steinbeck seems to challenge it; his novel suggests that Christianity has contributed, in one way or the other, to the birth of capitalism. The Protestant ethic that stemmed from some beliefs of Puritanism led to capitalism that compels people to be individualistic and selfish. Capitalism is therefore to some extent at the source of people’s suffering. It is obvious that the poor in general, and the Joads in particular, were sent away from their land and had to keep moving throughout the novel because of capitalism – specifically, the needs of the land owners. The reading of The Grapes of Wrath, especially the analysis of Jim Casy, reveals that the author criticizes both the Protestant ethic and the spirit of capitalism that promote values such as selfish ambition, forceful hard work, individualism and an intense quest for personal success.

As said earlier, there are various biblical allusions in the novel. They range from the construction of the plot to the representation of characters. A close reading of the novel shows that the whole plot of the novel is an allusion to events in The Bible, especially the story of the children of Israel in Egypt, their exodus in the wilderness, and their settlement in the Promised Land.

As far as the similarities between Jim Casy and Jesus Christ are concerned, they share a number of traits.  I am considering four similarities that are most obvious. One telling similarity between Casy and Christ is that they share the same initials, “J.C.” The choice of these initials is not a mere coincidence because beyond their having the same initials, many of their actions are similar. A more significant similarity between them is that both spent some time in the wilderness alone before their public ministry. According to The Holy Bible, Christ went into the desert for a period of forty days of intense prayer to the Father before coming into his public life of preaching. “Then was Jesus led up of the Spirit into the wilderness […] And when he had fasted forty days and forty nights, he was afterward an hungered” (Mat. 4:1-2). Casy follows a slightly different but on the whole similar pattern. The narrator tells the reader that Casy spent four years away from society before appearing with his fully developed religious beliefs. “The preacher leaned forward and the yellow lantern light fell on his high pale forehead. ‘Here’s me, been a – goin’ into the wilderness like Jesus to try find out somepin. Almost got her sometimes, too ‘” (TGOW 421). This citation clearly exemplifies the similarity between Casy and Christ.

Moreover, the similarity between Christ and Casy is emphasized by the words they uttered toward their persecutors when they were facing death. Jesus said: “Father, forgive them; for they know not what they do” (Luke 23:34). Casy uttered the same words towards his persecutors:

You fellas don’t know what you’re doin’. You’re helpin’ to starve kids […] Casy went on, “you don’ know what you’re a-doin.” The heavy man swung with the pick handle. Casy dodged down into the swing. The heavy club crushed into the side of his head with a dull crunch of bone, and Casy fell sideways out of the lifts. (TGOW 428)

 

In death, too, Casy bears a similarity to Christ, who gave himself up to save mankind from its sin. Jesus said: “The thief cometh not, but for to steal, and to kill, and to destroy: I am come that they might have life, and that they might have it more abundantly. I am the good Shepherd: the good Shepherd giveth his life to the sheep” (John 10:10-11). Likewise, Casy gives up himself to save the life of Tom, who trips a police officer trying to break up a camp of the vagrant farmers dispossessed from their lands.

It is therefore obvious that Casy echoes Jesus Christ in his life as well as in death. This reveals the similarity between Jim Casy and Jesus Christ, but more intriguing are the ways Casy and Christ differ, and what those differences suggest about Steinbeck’s goals for the novel.

In spite of his seeming Christianity, Casy is not a strict Christian, which of course differentiates him from Jesus Christ. Casy was involved in immoral acts, even as a preacher. “I used to get the people jumpin’ an’ talkin’ in tongues and glory – shoutin’ till they just fell down an’ passed out. An’ some I’d baptize to bring’em to. An’ them – you know what I’d do? I’d take one of them girls out in the grass, an’ I’d lay with her. Done it ever’ time.” (TGOW 22). Casy is a hypocrite because he was going against the tenets of the Christian faith, which require everybody to abstain from immorality.  This portrayal suggests that Steinbeck wants to show that the Christian religion is leading some people to be hypocrites by setting unrealistically high moral standards for them. This fact can also be seen in Hawthorne’s The Scarlet Letter, in which the Reverend Arthur Dimmesdale, even though he is a preacher, commits immorality and hides it from the people. He appears before men as a man of God but in his inner self he knows he is a hypocrite and this leads to his eventual death. It is in this same vein that James Baldwin writes, “It is not too much to say that whoever wishes to become a truly moral human being must first divorce himself from all the prohibitions, crimes and hypocrisies of the Christian Church” (Wauthier 211- 212). Casy, as a preacher, is supposed to live a virtuous life, but surprisingly he sleeps with not only one girl but with many girls.

Steinbeck presents the Christian religion as a religion that cannot set man free. The more Casy prays and invites people not to commit immorality, the more he is exposed to it. He says after sleeping with the girls, “Then I’d feel bad, an’ I’d pray an’ pray, but it didn’t do no good. Come the next time, them an’ me was full of the Spirit, I’d do it again. I figgered there just wasn’t hope for me, an’ I was a damned ol’ hypocrite. But I didn’t mean to be” (TGOW 22). Casy’s hypocrisy can be associated with the reasons for which Steinbeck denounces Christianity.

Despite the fact that Christians believe they will go to heaven after death, Casy, though a preacher, does not know where he is going. He even says that a dog is better than him because at least the dog knows where it is going: “A thick-furred yellow shepherd dog came trotting down the road, head low, tongue lolling and dripping […] ‘Goin’ for him may-be. The preacher could not be thrown from his subject. ‘Goin’ some place,” he repeated. ‘That’s right, he’s goin’ someplace. Me – I don’t know where I’m goin’” (TGOW 21-22).

Another difference between Casy and Christ is that Casy used to tell lies when he was a preacher. Steinbeck presents preachers as those who tell lies in the name of the Lord. “Casy said, ‘If I was still a preacher I’d say the arm of the Lord has struck’” (TGOW 42). Even if he knows that it is not the arm of the Lord, he will say so. This phenomenon can be seen in many societies where people say “the Lord has told me this” and in the name of the Lord, a lot of harm is done. Some so-called men of God kill physically and emotionally or rob in the name of the Lord.

Moreover, a striking difference between Casy and Christ is that Casy eventually stops his ministry. For instance, he declares: “I was a preacher, said the man seriously Reverend Jim Casy” (TGOW 20); “I ain’t a preacher no more” (TGOW 54); and “I tol’ you I ain’t a preacher no more” (TGOW 56). This reveals clearly that he has given up preaching, which Jesus Christ did not do. Jim Casy stops preaching because he notices ways in which some biblical references create differences among people. Christianity seems to make a distinction between men and women, the good and the bad, the strong and the weak, the rich and the poor, master and slave. Within Christianity, all human beings are not equal. The strong can have the weak as their servants because The Holy Bible calls upon the servants to obey their masters in all things. It was in this regard that many biblical passages were used to defend slavery, capitalism and colonialism. The Joads in this novel might be said to be slaves to their lands, nature, and the capitalist system. The poor could not escape the exploitation of capitalism. They were prepared to accept any kind of wage the masters proposed. It is a way of saying “we are ready to suffer here on earth and rejoice after in heaven.” Frederick Douglass’ The Narrative of the Life of Frederick Douglass, an American Slave, Written by Himself (Douglass), James Baldwin’s The Fire Next Time (Baldwin), Richard Wright’s Black Boy(Wright) and other works deplored the fact that Christianity helped some people to infringe on the freedom of others and even facilitated the shameful practice of slavery and colonialism. Writing about the role played by Christianity in colonialism and slavery in Africa, Ngugi Wa Thiong’o, a famous African writer posits:

But apart from the doctrine that poverty and the poor were blessed and would get their reward in heaven, the missionary preached the need to obey the powers […] In this case Caesar was the colonial power to tell the Africans that politics and political agitation was a dirty game and inconsistent with the Christian faith was a very easy step […] I say contradiction because Christianity, whose basic doctrine is love and equality between men, was integral part of that social force. (31-33)

 

This citation clearly substantiates the fact that many biblical passages have been used to justify slavery and colonialism.

The difference between Jim Casy and Jesus Christ can be seen from the beginning of the novel. In the novel’s opening pages, the discrepancy between Casy’s religious preaching and his sexual behavior prompted his withdrawal from society and he went to the hills in order to comprehend his true relation to the world, which led to his Emersonian sense of connection with nonhuman nature: “There was the hills, an’ there was me, an’ we wasn’t separate no more” (TGOW 88). Casy has thus found his deepest nature, the self that is connected even to nonhuman nature, and so he has taken the first vital step toward his liberation. In his way of recovering this self, Casy follows the same pattern as Emerson and Thoreau, who went to the woods “to drive life into a corner” and discovered that “not till we are lost, not till we have lost the world, do we begin to find ourselves, and realize where we are and the infinite extent of our relations” (Thoreau 57). This is what leads Jim Casy to embrace the Oversoul or Transcendentalism, moving away from Christianity toward an inclusive vision of humanity.

When Casy notices that his religion is not helping him to be a fulfilled person who can help himself and others, he decides to forsake it and to give himself to a “New Religion.”

Christianity teaches that men are born sinners and that, to be holy, one needs to believe in the Lord Jesus Christ. It teaches also that some men are good and some are bad. Casy, embracing his New Religion, came to understand that all souls that live are holy, no matter what their condition. The narrator reports that:

Casy said solemnly, this here ol’ man jus’lived a life an’jus’ died out of it. I don’t know whether he was good or bad, but that don’t matter much. He was alive, an’that’s what matters. An’ now he’s dead, an’ that don’t matter. Heard a fella tell a poem one time, an’ he says “All that lives is holy.” Got to thinking, an’purty soon it means more than the words says. (TGOW 157)

 

From this perspective, the notion of “sin” is complicated by a simple valuing of humanity. According to Transcendentalism, everything is holy and there is no evil or sin in the souls of men. This is what Rod W. Horton suggests when he writes, “Since the Oversoul is by definition good, it follows that the universe is necessarily moral […] that if the Oversoul is all powerful and at the same time good, then evil does not exist” (Horton, 121). Similarly, Jim Casy does not accept the fact that there is sin in man: “He don’t believe in sin” (TGOW 342). In fact, one has to know why people fail before judging them. For instance, people may “sin” because they are in need.

The tenant farmers are obliged to cheat in order to have heavy bags of cotton so as to get better pay. The children are hungry and so have to steal in order to appease their hunger. “Cheating” and “stealing” in these situations are a result of the realities of capitalism.  “[...] an’mostly it was stuff they needed an’couldn’ get no other way [...] Well, they was nice fellas, ya see, then.  It’s need that makes all the trouble” (TGOW 422). “Scale man says you got rocks to make weight […] sometimes you’re right, the scales is crooked” (TGOW 449-450). “Huddled under sheds, lying in wet hay, the hunger and the fear bred anger. Then boys went out, not to beg, but to steal; and men went out weakly, to try to steal” (TGOW 479). It is therefore clear that people’s suffering might lead them to do things just to counter the unfair mechanisms of capitalism.

As we see in the above mentioned passages, people “sin” because they are in need and nobody helps them; their needs are thus their sins: “He don’ believe in sin [...] says the sin is bein’ cold” (TGOW 342). Sometimes, some people’s fear of sin leads them to sin. Because people are afraid to sin, they don’t even talk to one another. “They did not speak to one another, they watched for sin, and their faces condemned the whole proceeding” (TGOW 370). Unfortunately, some people are so conscious of sin that they avoid doing natural things such as resting or dancing. “Ma said, “No, not here. She’s too tar’d.” The woman looked reproachfully at Ma. “Ain’t you believers, Ma’ am?” (TGOW 231). “Well, do you think dancin’an’play-actin’ is sins an’ll make me drop the baby? ” (TGOW 344).  About the injustice of a system that punishes people for simple human needs and desires, Harold Bloom writes:

The novel singles out two social institutions that assure the creation of grotesques: religion and the law. Lizbeth Sandry is the major representation of grotesque created by religion. Her intolerance of dancing represents her intolerance of sex, and such intolerance displays religion’s warping influence on human instinct. She arouses Ma’s ire by warning Rosasharn, “If you got sin on you – you better watch out for that there baby.” Her religious views, importing a supernatural mandate into the realm of nature, impose on natural behavior value judgments (like “sin”) designed to thwart the normal expression of the species self. (Bloom 134)

 

Realizing such contradictions and complications, Casy eventually started a journey to discover the faith that could free him and make him useful to his fellow men. In the process of his journey, Casy comes to this conclusion: “No, I don’t know nobody name’ Jesus. I know a bunch of stories but I only love people” (TGOW 24).

As said earlier, when Casy was a preacher, he had “sinful” ideas, as he himself admitted: “[…] Got a lot of sinful I dears” (TGOW 20). But paradoxically, when he denied Christianity, he started doing good things for himself and for others around him. As a preacher, he was somehow selfish. I say this because he loved only Jesus and himself. It is for this reason that he would do everything (even if he harmed others) to satisfy his selfish will. But after rejecting Christianity, he said that his love was no longer for Jesus only but for his fellow man: “ […] and his voice rang with confusion. ‘I says, ‘What’s this call, this spirit?’ An’ I says, ‘It’s love. I love people so much I’m fit to bust, sometimes.’ An’ I says, ‘Don’t you love Jesus?’ Well, I thought an’ thought, an’ finally I says, ‘No, I don’t know nobody name’ Jesus. I know a bunch of stories but I only love people.’” (TGOW 24). His belief is now translated into his love for his fellow men.

Casy’s new belief makes him think that there is no difference between men, as opposed to what the Christian religion teaches: that some people are sinners and others are holy. He believes that all souls are the same. All human beings have one big soul. He knows this belief is against the Christian dogma:

Anyways, I’ll tell you one more thing I thought out; an’ from a preacher it’s the most unreligious thing, and I can’t be a preacher no more because I thought it an’ I believe it.

 What’s that?” Joad asked.

Casy looked shyly at him. “If it hits you wrong, don’t take no offense at it, will you?” […]

“I figgered about the Holy Spirit and the Jesus road. I figgered, “Why do we got to hang it on God or Jesus? Maybe, I figgered, “maybe, it’s all men an’all women we love; maybe that’s the Holy Spirit --- the human spirit – the whole shebang. Maybe all men got one big soul lever’ body’s a part of.  (TGOW 24)

 

When he was a preacher, it was as if he was in prison and he needed to be freed. That is what Paul McCarthy states: “The preacher comes from another prison-that of his earlier Christian fundamentalism with its undercurrents of sexuality. Putting behind him both fundamentalism and sexuality, Jim is ready for a new life. He is honest, compassionate, and courageously dedicated to helping people like the Joads” (McCarthy 75).

Evidence of his new attitude is revealed in his new way of praying. He is no more praying in a Christ-like manner, but he is rather making “Emersonian Prayer” after Ralph Waldo Emerson, one of the prime movers of Transcendentalism. Paul MacCarthy explained that, “As everyone gathers around the grave, all listen to Jim Casy’s Emersonian prayer” (McCarthy 80). In a nutshell, Casy was immoral as a preacher but after denying Christianity he became a moralistic sound person. Steinbeck wants therefore to show, through the life of Jim Casy, his disapproval of the Christian religion and approval of the sense of commonality expressed through Transcendentalism.

Transcendentalists maintain that man possesses ideas that come not through the five senses, or the powers of reasoning, but are rather the result of direct revelation from God, His immediate inspiration, or His immanent presence in the spiritual world. They assert also that man has something besides the carnal body, a spiritual body, with senses to perceive what is true and right and beautiful, and with a natural love for such things. They also believe that nature is the great object through which man can learn spiritual lessons. Man does not need any sacred book (like the Holy Bible for the Christians) to learn ethics or good manners. Everything man needs to know is in him and in his interaction with nature because God is omnipresent in nature. Road W. Horton, in his book The Background of American Literary Thought, writes:

[…] As formulated by Emerson, it became a trumpet call to action, exhorting young men to slough off their deadening enslavement to the past, to follow the God within, and to live every moment of life with a strenuousness that rivalled that of the puritan fathers. At the same time he insisted on the moral nature of universe, and pointed to nature as the great object lesson proving God’s presence everywhere […] (Horton)

 

Emerson showed through writings such as Nature (1836) that nature offers to man everything that he needs for his fulfilment and enlightenment, which he interprets by his intuition. Writing about Emerson, Kathryn V Spranckeren affirms, “Although many accused him of subverting Christianity, he explained that, for him ‘to be a good minister, it was necessary to leave the church.’ [In] the address he delivered in 1838 […] Emerson accused the church of acting ‘as if God were dead’ and of emphasizing dogma while stifling the spirit” (Spranckeren 28). This is exactly the same thing Jim Casy does in The Grapes of Wrath. In order for him to become an effective minister, he forsakes the Church and gives himself to another religion, Transcendentalism.

According to Transcendentalism, all souls of human beings form one soul, what the transcendentalists call the “Oversoul.” All souls are united. There is no discrimination between the souls of men. There are no good or bad souls. Jim Casy’s belief in the unity of all souls led him to love people in such a way that he will do everything he can to help them. When he was a Christian, he only loved himself; he was therefore selfish. But after denying Christianity, he started loving people:

Casy spoke again, and his voice rang with pain and confusion. “I says, what’s this call, this spirit ? An’I says, it’s love. I love people so much. I’m fit to bust, sometimes. An’I says, “Don’t know well, I thought an’ thought, an’finally I says “No”, I don’t know nobody name Jesus. I know a bunch of stories, but I only love people. (TGOW 24).

 

The discovery of the Oversoul by Casy is exemplified in these words of Steinbeck: “[…] an’I can remember – all of it. Says one time he went out in the wilderness to find his own soul, an’he foun’ he didn’t have no soul that was his’n. Says he foun’ he jus’ got a little piece of great big soul. Wasn’t any good’less it was with the rest, an’was whole” (TGOW 462).

Through this, the reader understands that Casy is enlighted by a new belief in the Oversoul. He eventually forgets about himself and everything he would say or do is always on behalf of others. He changes from the selfish “I” synonymous with capitalism – personal interest - into the love and concern of others’ “We.” The narrator reflects on these new beliefs:

This is zygote. For here “I lost my land” is changed; a cell is split and from its splitting grows the thing you hate - “we lost our land”. The danger is here, for two men are not as lonely and perplexed as one. And from this first “we” there grows a still more dangerous thing: “I have a little food” plus “I have none”. If from this problem the sum is “we have a little food”, the thing is on its way, the movement has direction […] this is the beginning – from “I” to “We”.  (TGOW 165).

 

Casy’s love is materialized on many occasions in the novel. Whenever he finds an opportunity to show his love, he never hesitates to do so. When the deputy was trying to hurt Floyd, Jim Casy rescued him. “The deputy, sitting on the ground, raised his gun again and then, suddenly, from the group of men, the reverend Casy stepped. He kicked the deputy in the neck and then stood back as the heavy man crumpled into unconsciousness” (TGOW 292).

Inspired by his love for people in general and for the Joads in particular, Casy takes the blame for Tom Joad’s crime and goes to prison on his behalf, because Tom is on parole and if he goes to prison again, this will be a great problem for him and for his family.

Casy moved close to Tom. “You got to got out”, he said. “You go down in the willas an’wait. He didn’t see me kick’im, but he seen you stick out your foot.”

“I don’want to go” Tom said

Casy put his head close. He whispered, “They’ll finger print you. You broke parole. They’ll send you back” […] Tom strolled away casually […] Tires squealed on the highway and an open can came swiftly into the camp. Four men, armed with rifles, piled out. Casy stood up and walked to them.

“What the hell’s goin’on her?”

Casy said, “I knocked out you man there” […]

“Get in that car”

“Sure” said Casy, and he climbed into the back seat and sat down.  (TGOW 293-294)

 

Still, because of his love for the people, when Jim Casy was released from prison, he was again ready to help them, even if it cost him his life. Jim tells Tom about his experience in prison and reports that he now works to organize the migrant farmers. He explains that the owner of the peach orchards cut wages to two-and-a-half cents per box, which is why the men went on strike, and now the owner has hired a new group of men in hope of breaking the strike. This results from capitalism whereby only personal interest counts. No matter the ways used, only the result matters. This might be why Steinbeck subtly attacks this system by having Casy go through his religious journey. Casy predicts that by the following day, the strike-breakers will be making only two-and-a-half cents per box. He is accused by policemen of leading the strike and being a Communist. As Casy protests that the owners are only helping to starve children, one of them crushes his skull with a pick handle. Casy died helping the poor to gain their rights, and fighting for the common good. He was able to sacrifice himself, thanks to beliefs embodied in his “New Religion”:

God-awful tar’d. I knowed a fella Brang’im in while I was in the jail house. Been tryin’to start a union […] Casy said softly, “All of’em’s itchy. Them Corps been sayin’how they figger I’m a leader’cause I talk so much.” […] Cashy stared blindly at the light. He breathed heavily. “Listen”, he said. “You fellas don’know what you’re doin’. You’re helpin’to starve kids.”

“Shut up, you red son-of-a-bitch”.

A short heavy man stepped into the light. He carried a new white pick handle.

Casy went on, “You don’ know what you’re a-doin’”

The heavy man swung with the pick handle. Casy dodged down into the swing. The heavy club crashed into the side of his head with a dull crunch of bone and Casy fell sideways out of the light.

“Jesus, George. I thing you killed him.” (TGOW 424 - 426)

 

Consequently, Steinbeck proposes Transcendentalism as the religion that can help the poor overcome the horrors of the capitalist system. Casy is the holder of the beliefs of Transcendentalism. He suffers for others until he dies because he believes all the souls of human beings are united, forming the “Oversoul.” Though Steinbeck seems to prefer Transcendentalism to Christianity, I think both Christianity and Transcendentalism are good provided that there is no fanaticism. Christianity is helpful for the development of a society because it urges everybody to hard work and to be serious in their work. But Christianity can in some cases be a hindrance because its believers can become individualistic and selfish if they misinterpret the teaching of hard work. Transcendentalism is also helpful because it teaches the essential unity of all creation. And, because of these beliefs, there is the search for the common good. The rich will care for the poor, and there will no more be discrimination at any level. But Transcendentalism can hinder the progress of society if people misinterpret its principles because people may become lazy. Some people might say, “even if we do not work, we will get something to eat.” These attitudes cannot contribute to the prosperity of societies.

 

 

CONCLUSION

Perhaps what Steinbeck’s work leads us to consider is a need for combining Christian and Transcendental principles in order to achieve the effective happiness of men and of societies. I say this because both Christianity and Transcendentalism promote virtues such as hard work, love, and the search for the common good necessary for the development of the society. Expressing a similar point of view, Ngugi Wa Thiong’o writes:

I believe the church could return to (or learn lessons from) the primitive communism of the early Christian church of Peter and also the Communalism of the traditional African society. With this, and working in alliance with the socialist aspirations of the African masses, we might build a new society to create a new man freed from greed and competitive hatred, and ready to realize his full potential [...] (36)

 

It is therefore important to combine the two religions. If in a society, all can work seriously to earn the profit for themselves and at the same time can be striving for the common good, such a society cannot but prosper. Religion will no more be the opium of the people.

 

Works Cited

  • Baldwin, James. The fire Next Time. New York: Dial Press, (1963). Print.
  • Bloom, Harold. "John Steinbeck ." South Atlantic Review, Vol. 55, No. 3, p.137 (1990): 134-140. Print.
  • Bressler, Charles E. Literary Criticism: An Introduction to Theory and Practice. Indiana: Longman, (2003). Print.
  • Crockett, H. Kelly. "The Bible and The Grapes of Wrath." College English (1962): 193-199. Print.
  • Dougherty, Charles T. "The Christ-Figure in The Grapes of Wrath." College English (1962): 224-226. Print.
  • Douglass, Frederick. Narrative of the life of Frederick Douglass, An American Slave, Written by Himself. New York: Penguin Books, (1845). Print.
  • Han, John J. "Jesus as a Cultural Hero: Steinbeck’s Use of the Christ Figure in The Grapes of Wrath." Steinbeck Review (2005): 25-36. Print.
  • Hawthorne, Nathaniel. The Scarlet Letter. Boston: Ticknor & Fields, (1850). Print.
  • Horton, Road W. Backgrounds of American Literary Thoughts. New Jersey: Englewood Cliffs. Third Edition , (1952). Print.
  • —. www.Infoplease.com. 2012. Web. 12 September 2014.
  • McCarthy, Paul. John Steinbeck. New York: Frederick Ungar Publishing Co. , (1980). Print.
  • Morsherbeger, Robert E. Steinbeck and Censorship. California: California State polytechnic University, (2003). Print.
  • Rombold, Tamara. "Biblical Inversion in The Grapes of Wrath." College Literature. (1987): 146-166. Print.
  • Shockley, Martin. "Christian Symbolism in The Grapes of Wrath." College English (1965): 87-90. Print.
  • Spranckeren, Kartryn Van. Outline of America Literature. Washington: United States Department of State, (1994). Print.
  • Steinbeck, John. The Grapes of Wrath. New York: Penguin Books, (1939). Print.
  • Thiong’o, Ngugi Wa. Homecoming. London: Heinemann , (1972). Print.
  • Thomas Nelson Bibles, Inc., The Holy Bible. Version, Authorized King James. (1970). Print.
  • Thoreau, Henry David. Walden; or, Life in the Woods. Boston: Ticknor and Fields, (1854). Print.
  • Wauthier, Claude. The Literature and Thought of Modern Africa. London: Pall Mall , (1966). Print.
  • Wright, Richard. Black Boy. New York: Harper & Brothers, (1945). Print.

Note utilisateur: 0 / 5

Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives

  Télécharger l’article en version PDF

Résumé

L’évolution de la littérature romanesque africaine a permis de relever une grande mutation formelle des œuvres publiées depuis les premiers romanciers. A partir des années 1970, surtout avec l’intrusion de Ahmadou Kourouma et de Sony Labou Tansi, on observe une recomposition du récit qui s’illustre par un mélange des genres littéraires, une inventivité lexicale, une re-sémantisation des mots, mais aussi des emprunts et de nouvelles formes stylistiques. Ces innovations deviennent des lieux communs de plusieurs textes, même du 21ème siècle, publiés à la fois en Afrique et en Europe. Ces nouvelles techniques d’écriture du roman africain colorent toute la littérature et permettent d’apprécier les préoccupations et l’inventivité des auteurs.

Mots-clés : Bigarrure, création, baroque, emprunts, effets discursifs.

 

Abstract

The development of the African novelistic Literature has permitted to notice a great and positive transformation in the works which have been published since the first novelist’s time. From the years 1970, especially with Ahmadou Kourouma and Sony Labou Tansi’s interference up to now, we have noticed a new story writing, illustrated by mixture of Literacy genres, lexical inventiveness, a new semantics of words; word borrowing and new types of stylistics as well. These innovations have become the commun settings of many texts, even those written in the 21rst century and published as well in Africa as in Europe. This new technique of the African novel writing put variety into the whole Literature and gives the opportunity to evaluate the writer’s preoccupations and inventiveness.

Key words: Baroque, borrowing, creation, multicolour.

 

 

Terme apparu au XVIème siècle, le baroque est défini par le Petit Robert comme « quelque chose qui est d’une irrégularité bizarre, qui est étrange, excentrique, biscornu ». En d’autres termes, évoquer le baroque permet de relever, dans le fonctionnement du texte, une distanciation vis-à-vis d’une pratique établie, d’une norme adoptée. Il s’agit aussi de mettre en relief le caractère contradictoire, ambigu et surtout hétéroclite des éléments internes au texte. Il convient alors d’indiquer que l’expression du baroque dans la littérature s’appuie sur le refus volontaire des règles antérieurement en vogue dans la rédaction d’un texte ou dans le fonctionnement d’un genre. Ceci permet de voir l’émergence de nouvelles pratiques, l’invention de nouvelles formes esthétiques, de nouvelles tendances de créatrices qui rompent avec les habitudes et techniques rédactionnelles connues et pratiquées jusques là. Le présent article se propose d’explorer les nouvelles techniques qui caractérisent les productions littéraires actuelles. L’analyse de quelques indices permet de relever les marques du baroque dans cette littérature et de voir leur déploiement dans les œuvres des « nouveaux » auteurs.

Dans le cas d’espèce de la littérature africaine de langue française, la tendance au baroque est marquée par des habitudes, des choix rédactionnels précis qui mettent en relief des phrases aux longueurs contrastées, l’harmonie et le contrepoint qui créent une espèce de dynamique du texte littéraire. Le baroque peut aussi se lire dans la superposition des genres, dans la déstructuration, dans la désarticulation des éléments internes à l’œuvre. Ce qui sous-entend une nouvelle esthétique qui se remarque dans la polyphonie, dans la multiplication des techniques et des genres discursifs et narratifs. Dans les œuvres romanesques, comme par exemple Le pleurer-rire d’Henri Lopès[1], La vie et demie[2]et toutes les autres œuvres romanesques de Sony Labou Tansi, Verre cassé d’Alain Mabanckou[3], Place des fêtes de Sami Tchak[4], La carte d’identité de Jean-Marie Adiaffi[5], on relève facilement une expression simple et à la fois fortement dramatique, où les rythmes clairs, amples, syncopés débouchent sur des bigarrures, remplacent les comparaisons métaphysiques, entrelacées et sophistiquées.

L’invention de l’écriture baroque s’appuie sur une forte présence de l’iconographie, la fixation et non la suggestion des étapes et des réalités de vie, le mouvement variant dans le récit. La dislocation de la structure narrative offre les conditions d’une errance à travers une discontinuité, un décentrement très prononcé[6]. Comme le démontre Kossi Efoui[7], le mot, qui est le matériau du base du texte, se révèle dans une infinité de sens et les manipulations sémantiques permettent de s’interroger, tout le long de la découverte du texte, sur les sens et les symbolisations des images et des métaphores (expérience savamment élaborée par Sony Labou Tansi et, par la suite, par les « nouveaux » écrivains de l’espace francophone africain). Ce qui crée une dynamique capable de captiver le lecteur et de le maintenir vivant à travers des péripéties qui sont, elles-mêmes, non des révélations mais des figurations suggestives et successives que le lecteur doit interpréter. C’est ce que semble confirmer Didier Amela[8] lorsqu’il déclare qu’

En dehors des mots qui ne répondent pas toujours au sens qu’on leur porte, l’intrigue, elle, propose un « dé-enchantement » des faits et s’impose au lecteur comme une autre façon de dire et de voir les choses. On assiste à une esthétique de fragmentation marquée par une structure de récit original, où l’éclatement du noyau narratif conduit le lecteur à chercher une unité impossible entre des éléments indépendants ou contradictoires. Il devient donc difficile pour le lecteur de saisir l’objet du texte sans cesse déplacé et morcelé. L’organisation déconcertante et la langue en perpétuel (sic) réinvention produisent un effet d’inachèvement. Le texte semble tenter de saisir un réel éphémère et incertain où évolue (sic) des personnages aux contours flous… 

 

Cette adresse à la conscience du lecteur qui découvre les notations, les discontinuités du texte, est à la base de la découverte des réalités différentes de l’exposé doctrinal qui a marqué les anciens textes. La visibilité du texte devient la conséquence de toutes les formes d’interpellation qui sont orientées vers le lecteur.

Dans cette tendance actuelle des textes de la littérature africaine, il est aisé de constater, comme le soutient fortement Amela, que le roman africain présente des « structures assez divergentes d’un roman à l’autre et que ces œuvres servent de prétexte pour plonger le lecteur dans un univers chaotique, et les différents narrateurs abandonnent bien vite la raison initiale ». (Amela, 2012, p.108.) Le texte baroque est  le reflet d’une entité spatiale et d’une structure narrative désagrégées, marquées par le chaos, la transgression, la violence à la fois verbale, structurelle et interne au fonctionnement du texte, au métissage linguistique, à la déconstruction, à la manipulation des mots et des sens, à des interférences où l’intertexte fonctionne comme une marque évidente du saisissement et du surgissement chez l’auteur des « passés fugitifs » et obsessionnels qui se lisent à travers des souvenirs pris dans leur instantané, dans leur émergence dans la conscience de l’auteur ; mais aussi dans des rappels conscients et volontaires qui conduisent vers l’alternance, dans le même texte, dans le même espace fictionnel, entre une réactualisation et des créations esthétiques nouvelles chez les auteurs. Cette désarticulation des textes se lit comme des fragmentations de la vie des personnages et du récit, dans ce qu’elles ont de complexe et de discontinu.

La particularité de ces textes est de tenir en haleine tout lecteur en lui offrant non des certitudes, des satisfactions attendues, mais la possibilité de s’investir dans la construction d’une intrigue qui lui échappe. Cette dernière est marquée la multiplicité des tableaux, de la dislocation de l’action qui enlèvent au texte toute son autonomie. Celle-ci se construit, à plusieurs niveaux, dans la dislocation, dans la fragmentation des récits que le lecteur est vivement et patiemment invité à reconstruire. Dans Place de fêtes de Sami Tchak, l’histoire de cette famille immigrée en Europe et particulièrement en France, se découvre comme des instantanés de vie à travers plus de quarante-quatre chapitres, aussi inégaux que discontinus. Le narrateur promène le lecteur entre les interrogations du père, la quête frénétique des amants chez la mère, le délitement moral des enfants qui se réalise dans l’inceste, l’immoralité, la concussion, le choix du sexe, etc. Cet éparpillement des thèmes, cette difficulté à cerner une « quelconque autonomie » du texte, qui participe du malaise que ressent le lecteur, la découverte chaque fois renouvelée d’un nouveau chapitre sans lien apparent avec le précédent, donnent au baroque toute sa dimension. La lecture n’est plus tant linéaire mais elle convoque toute la présence du lecteur et lui propose une re-contextualisation des mots, des images, des symboles, des discours afin de parcourir toute « l’histoire » des personnages dans les textes. Chacune de ces réalités ou de ces caractéristiques, permet de voir le déploiement du baroque à travers des axes significatifs et parlants dans les nouveaux textes littéraires africains.

  

1-Les interférences, la langue et son déploiement

Les Nouveaux Romanciers tentent d’inventer un langage nouveau ayant pour credo, selon Sewanou Dabla (1986 : 42-46), le refus de l’imitation servile, le refus de la norme et de l’embrigadement dans des structures formelles définies par la pratique littéraire d’une époque ou d’une école. En surmontant la norme, en s’affranchissant du tutorat des anciens ou de supposés « maîtres », les jeunes écrivains proposent de nouvelles techniques et de nouvelles formes d’écriture qui confirment leur émancipation. Bien souvent, c’est dans l’appropriation et dans l’exploitation des ressources linguistiques et dans la structuration de leurs récits qu’apparaissent les tentatives d’invention, de création de nouvelles formes d’écriture.

Par conséquent, la dynamique de ce qui aurait paru comme antinomique dans les romans africains devient une norme. En refusant de se conformer aux habitudes scripturales, aux règles qui fondaient le texte littéraire africain, en se démarquant de ce qui était considéré comme le référentiel et à partir duquel le texte prend une certaine charge identitaire, le roman « nouveau » africain s’oriente vers des nouveaux paramètres qui sont l’irrégularité des formes, le mélange des genres, l’hybridité des formes et des techniques d’écriture et, surtout, la question de la langue qui se démarque volontiers d’une recherche sur la langue « parfaite » comme chez certains premiers auteurs, des techniques d’écriture du roman africain traditionnel. La question de la langue devient le paramètre des transformations que connaît le roman africain. Les premiers frémissements observés avec Kourouma et Tansi se sont renforcés par les techniques innovantes adoptées par les jeunes écrivains. L’innovation majeure de cette littérature ne s’appuie plus tellement sur un travail sur le mot, la langue et leurs appropriations. Perçu comme producteur de sens, le mot, chez les « jeunes » écrivains, est lui-même une construction qui permet de dérouler un discours assez symbolique, très marqué. C’est pourquoi pour Kossi Efoui « écrire, c’est se comporter à l’égard du mot comme si le sens n’allait pas de soi. Ecrire, c’est mettre à l’épreuve le mot. On écrit à cause de la faiblesse du mot (…) il faut s’assurer qu’on est désormais paré de mots, de signes et gris-gris dont l’agencement bannit la crainte. » (Efoui 2008) Dans cette logique rien n’est alors plus tabou dans les propositions d’images, dans l’évocation des situations, dans les expériences de vie que les personnages présentent à travers les univers.

La langue des « nouveaux » auteurs de la jeune littérature africaine témoigne, elle aussi, de l’hybridation. Elle superpose plusieurs niveaux de langue et plusieurs types de langue. Il ne s’agit pas simplement d’une accumulation des dires populaires (comme chez Paul Hazoumé avec Doguicimi[9]ou Félix Couchoro avec L’esclave) et d’une langue savamment construite, mais le lecteur a l’impression qu’il y a dans les textes une émergence des instants de l’apprentissage, des réminiscences qui fixent les auteurs à la fois dans les cultures de leurs origines (contextes africain et européen de naissance, de vie, de travail qui fécondent la maturation du texte) qui resurgissent dans les œuvres comme des survivances et, en même temps, préfigurent leurs héritages et leurs parcours de vie. Il s’agit, peut-être involontairement, de faire survivre dans les textes leurs cultures scolaires, sociales, les langues africaines et les langues européennes.

Dans La carte d’identité, dans Place des fêtes, dans Au commencement était le glaive de Edem Kodjo[10], et particulièrement dans Verre cassé d’Alain Mabanckou, par exemple, on relève aisément une superposition des parlers populaires, une figuration des textes, un rappel conscient des lectures anciennes, des faits historiques, des habitudes et des jeux, d’un passé qui surgit dans le texte comme élément fondamental de l’architecture de la narration, etc.  et une recherche d’une bonne application de la langue française. Sami Tchak, tout en mélangeant les niveaux de langue dans Place des fêtes, joue, avec une grande aisance, avec le sens des mots. En effet, par exemple, les mots ou les expressions « Ordures » « Popotins » (p.31), « la rage du cul », « un continent déjà programmé par le virus » (p.95), « femmes parasitées » (p.95), « bazooka » (p.95), les diminutifs « profs » (p.31), « nympho » (p.153) ; « votre chatte » (p.189), etc. témoignent de cette oscillation entre plusieurs langues dans le texte. Elle est marquée par un langage cru et le besoin de « nommer pour signifier » qui habite l’auteur au moment de l’écriture du texte.

Le texte d’Adiaffi, lui, présente deux caractéristiques fondamentales. B. Nikpé[11] affirme dans L’expression du baroque dans La carte d’identité de Jean-Marie Adiaffi que l’auteur fait figurer dans le texte en français deux réalités appartenant à des aires culturelles différentes. La carte d’identité est, selon lui, truffé de parlers populaires savamment exploités et qui traduisent ou réfléchissent dans l’œuvre les catégories sociales auxquelles les personnages appartiennent. On a alors, comme répondant au style soutenu ou courant, un style relâché où se lit facilement le « mauvais français ». Le passage (pages 50-52) sur le viol témoigne d’une hybridation de style, de niveaux de langue qui se côtoient et qui se répondent pour marquer la différence de niveaux de culture et d’appartenance sociale dans le roman. Nous proposons l’extrait suivant où la force du texte dialogique met en relief les écarts de langage entre les personnages : 

- Non, mon commandant ! Femme-là mentit contre moi. Fille-là c’est d’accord avec moi.

- Ce n’est pas d’accord. Ce n’est pas d’accord, intervient la mère avec rigueur. Regarde-moi ça. Ton corps sale. Son odeur on dirait piment et poisson pourri.

- (…)

- Le sang là, elle ne connaît pas garçon encore, c’est ça. Au commencement, elle a fait palabre. Quand elle voit que c’est bon pour elle est d’accord. C’est elle-même qui a attrapé mon chose là (…)

- Ma fille, tu sais parler, oui ? Tu n’es pas muette. Tu n’as pas perdu ta langue avec ta virginité, j’espère ?

- Oui, missié

- T’a-t-il pénétré, le monsieur ?

- Oui, missié  (La carte d’identité, p.51.)

 

Le texte, contrairement à la fameuse tentative de « malinkéïsation » du français réalisée par Kourouma dans ses différentes œuvres, apparaît alors comme une restitution voulue des parlers des catégories sociales auxquelles appartiennent les interlocuteurs. Chaque niveau de langue fonctionne parallèlement à l’autre et fixe ou renseigne sur le statut du locuteur.

La faconde populaire, qui s’exprime fortement à travers des dictons, des parlers populaires, des emprunts aux langues africaines, crée des ruptures dans le rythme du texte de l’auteur mais rend vivante et dynamique l’esthétique. Quand Adiaffi insère, dans son texte savamment rédigé dans une langue correcte, sur trois pages successives (pp. 57, 58, 59), des proverbes (« Quand on a le sexe mort et qu’on ne peut pas faire l’amour, on s’en sert encore pour uriner » ; « Le poulailler est un palais doré pour le coq malgré la puanteur des lieux » ; « Celui qui est tombé dans l’eau n’a plus peur de la pluie »), il permet de voir l’impossibilité de la conceptualisation des choses, des idées dans la langue française. Le narrateur rend les réalités en empruntant des mots français auxquels on donne une charge africaine. Ce que souligne aisément Ayayi Togoata Apedo-Amah (Propos scientifiques, n°7, 1988). Il pense que les textes produits à partir de 1970 dévoilent l’irrespect de la « norme oppressive » pour s’investir dans la transgression de la norme du français standard. La langue est adaptée, pliée aux réalités africaines pour mieux rendre la pensée et contrebalancer ou figurer l’inaliénation des auteurs à une langue d’apprentissage. Ce qui favorise l’insertion, dans une seule œuvre, de deux contextes discursifs et culturels différents : marque du baroque. Apedo-Amah traduit ce va-et-vient, mieux cet étirement entre réalités culturelles africaines et européennes en ces termes :

Cette inadéquation de la norme linguistique française avec la logique discursive et conceptuelle des cultures africaines a imposé à nos écrivains deux normes discursives : l’une étrangère et l’autre africaine. L’écart résulte de la cohabitation de ces deux réalités linguistiques et culturelles. (p.19)

 

Cette double présence d’éléments culturels appartenant à des cultures diverses, crée des ruptures dans la découverte des sens des éléments du texte. Elle impose une plongée dans les différents contextes afin de mieux cerner la symbolisation des images et des discours. Elle provoque parfois un double sens, car il y a aussi dans le texte la présence d’une seule langue (française) mais avec des conceptualisations différentes, des évocations divergentes qui donnent lieu à des décentrements. Cette dualité se lit dans la diglossie. Elle devient aussi l’une des facettes de ces interférences dans les textes. Elle installe le lecteur dans le métalangage et permet de « contourner le mur de l’intraduisibilité dressé par la norme » (Apedo-Amah : 20) et sort de la recherche d’un purisme qui ne donnerait pas au mot français la capacité de coller à l’intention que les personnages voulaient traduire.

La diglossie permet, il est vrai, de sortir du « discours sur le terroir » en proposant au lecteur des adaptations, des traductions, des superpositions de deux langues, qui assurent la circulation des intentions et des images. La carte d’identité s’offre le mieux à l’analyse de la diglossie. A la page 11, Adiaffi écrit : « Ensuite, Kakatika, qui lui resta. Ah Kakatika ! Outre la sonorité nauséabonde, empuantie, merdière et emmerdante des premières syllabes, cela veut dire « monstre géant » ou à la page 113 «Quand finirons-nous de traverser ce tunnel empesté? C’est un foufouesso : une vraie poubelle, un vrai pot de chambre, un vrai vase de nuit, un vrai Kouraba… » ou encore « Gnamienpli… Bracoo… Grand Dieu, viens me sauver !... Manfô ! Prêtre blanc contre prêtresse noire. Y a pas match aujourd’hui. Onè o ènè… aujourd’hui, c’est aujourd’hui ! » Chacun de ces extraits présente deux discours différents avec le même référent. On a alors le même discours en langue agni de Côte d’Ivoire et en français. Les deux textes ne fonctionnent pas l’un sans l’autre.

Les traductions se greffent sur le texte agni et apportent des éclaircissements pour une meilleure compréhension. Aux pages 10, 12, 13, 14 et autres le narrateur ou Mélédouman emploie le terme floco en prenant soin d’indiquer, qu’il s’agit d’ « un vaurien, un va-nu-pieds, un démon). Le mot entre ensuite en association avec « garde !!!!» et donne « garde-floco » qui, lui, renvoie à un soldat qui ne s’illustre que par la violence (Nikpé, 2012). Ce besoin d’expliquer les termes employés donne lieu à deux textes qui se superposent l’un sur l’autre, s’inscrivent dans une redondance ou s’interpénètrent dans le roman. En aucun cas la traduction n’apparaît pas comme un autre texte : elle comble la difficulté à comprendre le texte élaboré dans la langue qui n’est pas, en réalité, celle choisie pour écrire l’œuvre. La traduction facilite alors la compréhension en aidant le lecteur à accéder au discours, au sens des idiomes et des expressions étrangères à la langue des textes. La dénomination chez certains auteurs relève aussi de cette dynamique diglossique.

Chez Edem Kodjo, dans Au commencement était le glaive, surtout dans la seconde partie du roman, un langage ordurier caractérise les propos de Chafou. Mécontent des agissements de sa partenaire, il n’hésite pas à emprunter au parler populaire de l’espace éwé des mots comme ashawo, pour mettre l’accent sur l’aspect immoral et immonde de celle-ci. Les mots français « prostituée » ou « pute » lui semblent faibles pour traduire sa pensée. C’est naturellement vers les richesses du terroir qu’il se tourne afin de traduire avec fidélité son sentiment. La présence de ces deux discours ne renvoie pas simplement à l’impossibilité du français à traduire des réalités et des sentiments mais met plutôt l’accent sur la présence de deux contextes culturels et linguistiques qui fondent l’identité et des personnages et des auteurs.

Cette tendance n’est pas une spécificité de Kodjo. Chez Ahmadou Kourouma (Allah n’est pas obligé) et surtout chez Sony Labou Tansi (La vie et demie) la frontière entre le moral, le permis, le social et l’immoral, l’interdit, l’abject est difficile à établir tant le lecteur peut relever un mélange extraordinaire de langages polis, de grossièretés, d’insultes, etc. On a une profusion d’insultes qui passent de la grossièreté à des situations ridicules dans lesquelles l’injure perd de sa valeur. Le narrateur et certains personnages du texte de Kourouma empruntent un discours qui est un chapelet d’insanités. Sur plusieurs pages on a par exemple « fafaro » (sexe ou cul de mon père, pages 8, 10 et autres), « gnamokodé » (bâtard, p.8 et autres), « Ouya-ouya » (vaurien, p.79), « petit voyou » (p.89), qui surgissent dans le texte non plus comme des insultes mais comme de simples exclamations, des noms de personnes, des expressions d’étonnement. Tansi en fait autant avec « tes puanteurs » (p.81), « Ta gueule » (p. 80 et 90), etc. L’utilisation de ces interjections laisse voir des glissements de sens qui vont d’une situation indélicate à une autre risible. En vidant l’insulte de son sens premier, le texte conduit à des comiques de mots et de situations. Les contextes dans lesquels le mot ou la formule apparaît, n’offre plus un haut-le-cœur suivi d’un énervement, d’un étonnement ou d’une indignation mais une surprise ou un rire.

 

2-Les lieux du récit

En juxtaposant les lieux et les cultures et en exploitant leur multiplicité, en éclatant l’action dans les textes, les auteurs de la nouvelle génération retracent l’histoire de leurs vies qui ont toutes des particularités et s’inscrivent dans une dynamique qui les oblige à se définir comme étant l’illustration des réalités d’ici et d’ailleurs comme le dit Sami Tchak. C’est dans cette conjonction que le récit et les personnages trouvent toute leur noblesse et toute l’expression de leur ambiguïté. Aucun cadre n’est encore suffisant et si autonome pour dire toute la réalité à la fois sociale, psychologique, affective, etc. Le télescopage entre lieux fictifs et lieux réels induit l’incapacité à définir l’espace romanesque dans les textes des jeunes auteurs africains. L’espace est historique et fictif, social et affectif, individuel et collectif, physique et fugitif, inventé et réel, etc. Ce qui densifie le flou de la présentation, de la description, du fonctionnement et de la symbolisation de tel ou tel espace dans un roman donné.

Toute réflexion sur le lieu de l’action devient problématique tant les auteurs et les personnages eux-mêmes ne savent plus à quel référentiel s’accrocher pour proposer des interprétations. Les lieux de l’action (et il y en a) sont polymorphes, divers, et parfois inexpressifs. Dans Place des fêtes par exemple, les chapitres proposent une dissémination d’une multiplicité de lieux aussi symboliques qu’insignifiants à travers le texte. Le lecteur est balloté entre la chambre à coucher, le dessous d’un escalier, la salle d’eau, les lieux publics, le métro, la cuisine, la gare, le salon, etc. Chaque lieu a une autonomie et fait dérouler une action tout aussi autonome. Ce qui fait que la diversité des lieux n’est jamais liée à une intrigue dont on chercherait une unicité ou les différents déploiements dans le texte. Dans Verre cassé, tout semble se dérouler, contrairement à Place des fêtes, en un seul lieu qui devient le lieu de convergence des entités multiformes, des destins sans lien, mais marqués par une espèce de dégradation. Le bar « Le crédit a voyagé » s’inscrit dans une circularité, dans une absurdité et fait déferler des personnages qui sont comme des âmes en errance que le narrateur présente comme l’expression de la déchéance humaine.

Il n’y a alors pas dans ces nouveaux textes une logique unique dans la présentation. Toute la difficulté et la particularité des nouveaux textes résident en cela. Le lieu dans ces œuvres est à saisir dans chaque personnage, dans chaque séquence. Le malaise d’Henri Lopes dans Le pleurer-rire se comprend alors quand un des personnages de cette œuvre s’interroge sur la réalité du lieu de l’action : « Ah, oui, le Pays, le Pays, le Pays, quel Pays ? Quelque part, sur ce continent, bien sûr. Choisissez, après mille raisonnements ou suivant votre fantaisie, un point quelconque sur l’équateur »[12]. On a le sentiment que les brouillages spatiaux, la multiplication des lieux de l’action, l’éclatement des micro-espaces, témoignent des irrégularités et des distances prises par la nouvelle génération d’auteurs africains. Ainsi, le roman africain offre de plus en plus des espaces ondoyants qui balaient, dans la même œuvre, le cadre africain, occidental voire, dans certains cas, sud-américain (comme c’est le cas dans certains textes de Sami Tchak). Cette oscillation entre plusieurs milieux de réalisation de l’action retrace toute la vie et l’histoire de ces écrivains de la postcolonie (terme cher à A. Waberi et à J. Chevrier). Cette réalité s’explique par l’impossibilité à faire figurer les bris d’actions dans un milieu figé qui traduirait une unicité de l’intrigue, se mesurerait par la diversité des espaces qui meublent un seul récit, souvent décousu. La discontinuité de la vie assure alors la variation de l’espace qui devient l’expression de l’incertitude, des cassures de toute notre existence.

Chaque espace est un prétexte pour dérouler une histoire précise. On a alors plusieurs espaces et plusieurs histoires autonomes dans leur déroulement. Même parfois, le retour sur un espace déjà évoqué chez Sami Tchak, ne permet pas de voir la continuité d’un récit entamé quelques pages plu tôt. C’est cela qui accentue l’ambiguïté dans la narration, accentue le flou dans les récits et provoque l’impression d’une perpétuelle discontinuité du récit dans les œuvres. Le sentiment que l’on a en lisant ces textes est celui du composite dont parle Sélom K. Gbanou dans son article sur le fragmentaire (Tangence, 2004). Il convient alors de faire remarquer que tout le texte de ces « jeunes écrivains » se présente comme un assemblage de bris et de débris que le narrateur ne tente même pas de recoller. L’ensemble est une juxtaposition d’éléments hétéroclites qui marquent des « étapes de vie » des personnages. La brisure est aussi dans la discontinuité de l’espace qui, lui-même, devient un éclatement de la pensée et de la vie de chaque personnage.

En s’inscrivant dans une telle dynamique, ils construisent des scénarii d’actions qui donnent l’impression que la diversité d’actions et d’espaces est la traduction, très forte, de la difficulté que les hommes ont, après « les soleils des indépendances » à se définir comme entité d’un espace connu, fermé, figé par la géographie (physique). L’espace est, dans ces textes, beaucoup plus psychologique, affectif et prend une dimension historique et symbolique. Il est lu dans l’imprécision à définir un lieu d’attachement et d’identification. Il ne s’agit pas d’un renoncement à l’espace africain avec ses réalités, ses caractéristiques, ses échecs et ses contradictions. Il nous semble qu’il s’agit de montrer que l’Africain s’est installé dans une hybridité qui fait de lui le citoyen d’ici et d’ailleurs, d’un lieu connu et de nulle part en même temps. 

L’éclatement de l’espace se lit dans la thématique de l’immigration qui est le prétexte et la justification et l’évocation d’un espace incertain, suggéré et symbolique. En effet, contrairement à l’habitude qui permet de décrire des espaces, supposés réels, le lieu est un discours qui reflète ou traduit le statut du personnage. La lecture des espaces apparaît alors comme une marque qui traduit une adhérence du personnage à l’autonomie du récit. Chaque espace fictionnel est alors un résumé de l’action et introduit le lecteur dans la polyphonie. Il est généralement chargé affectivement de sens et assure l’exécution des choix, traduit une implication du narrateur dans le récit. Il indique la multiplicité des récits.  Cette polyphonie et cette multiplicité dans le texte, se traduisent par une apparente autonomie de chaque espace qui est le lieu de la mise en œuvre de chaque action. En dehors de Verre cassé où l’espace semble unique, la plupart des autres textes sont marqués par une pluralité de lieux qui ne sont pas forcément des étapes du déroulement de la diégèse.

  

3-La dénomination

Dans certains textes actuels, la dénomination permet également de relever un assemblage de noms qui renvoient à des espaces multiples, à des cultures différentes. Le même texte peut présenter des noms africains, des noms européens ou d’origine hispanique. Mais ce qui est frappant, c’est la cohabitation des noms d’hommes, des noms d’animaux comme dans une architecture d’un texte fabuleux ou d’un conte. Verre cassé est un cas palpable. Il présente beaucoup plus des sobriquets qui sont déconnectés de la logique du texte. On a « L’Escargot entêté », « Le Loup des steppes », «le type aux Pampers », etc. qui se retrouvent ensemble avec des noms de personne comme Joséphine Baker (p.15), Mohammed Ali (p.34), Yves Saint Laurent (p.69) ; des noms d’artistes ou de personnages de cinéma comme Alcapone (p.37), Hitchcock (p.117) ; des noms de lieux connus tels Douala, New Bell (p.33), Pigalle (p.68), Pékin (p.104), etc. Ce cafouillis de noms rompt avec le refus de nommer les personnages dans Place des fêtes. Les personnages sont désignés par leurs statuts sociaux, les lignages ou les fonctions. Le texte de Sami Tchak propose « la cousine », « la nièce », « maman », « papa », « la voisine », « le Mali » mais aussi Ramon Gomez de la Serna, Juan Manuel de Prada (p.191) ; de noms d’artistes comme Maigret (p.221). C’est dans cet éventail que le lecteur cherche à débrider la logique des récits que l’œuvre lui présente.

Dans La carte d’identité, les noms des lieux, presque à consonance agni, apparaissent comme des noms-programmes, des noms-message. Ils permettent de véhiculer une information. Parfois, ils ne sont évocateurs d’aucune réalité. Même dans le cas d’un emprunt au terroir, avec des noms comme Krodasso, Blofouèkro, Foufouesso, Bettié, Ebissoa, le nom ne facilite pas la lecture et la compréhension de l’œuvre.

Il est aussi une marque de la diglossie dans le texte. Ebissoa, par exemple, est le bagne où les détenus, indigènes, connaissent la violence et la déshumanisation. C’est dans cet espace que Mélédouman a eu à faire l’expérience de la torture, imposée par le Garde-floco, bras armé du commandant Lapine. Ebissoa est « la maison du caca », donc de la dégradation, du déchet, du rejet, du transformé, du résidu, de l’insalubrité, etc. Le métadiscours qui se construit dans le texte renseigne sur les grands rapports que les personnages ont avec les espaces. Ces espaces ne sont pas indiqués pour faire fonctionner la fiction mais ils acquièrent une autre dimension, celle du commentaire, celle du regard que les personnages posent sur les lieux suggérés. Chaque lieu est l’expression d’une intention qui dit long sur la situation que vivent les personnages dans le texte. La dégradation sociale et humaine est reflétée par la dénomination. Le « foufouesso » est marqué par la puanteur tout comme Krodasso, village ruiné, situé entre le cimentière et la maison royale. Ce lieu est la symbolisation de toutes les manœuvres qui précipitent l’individu vers sa ruine. D’ailleurs, le fait que les Noirs en soient expulsés sans ménagement, témoigne de la déraison qui caractérise les rapports humains. Il montre à quel point la chute est fatale pour les hommes qui n’ont plus aucun recours.

Mais ce qui est surprenant chez Adiaffi, Mabanckou, Tchak, et les autres, c’est que ces espaces sont présentés comme normaux et deviennent des référentiels de lieu de vie où l’existence se résume à une masse de difficultés. Il s’agit d’un engrenage, d’une souricière qui ne laisse aucune place à l’espérance. En choisissant des cadres, qui, en réalité, sont des obstacles à toute vie normale, comme un repère, comme déterminant pour toute réalisation, toute affirmation, les auteurs renforcent le flou au plan de l’axiologie et de la symbolisation. Ces cadres sont donc aux antipodes des lieux classiques qui se font lire, dans les tout premiers textes, comme des résumés qui, à eux seuls, indiquent un parcours, une action, une étape du récit. Nous sommes encore de plain-pied dans le brouillage stylistique. Lorsqu’à la page 72, le narrateur précise, en parlant de Ebissoa, que ce lieu : « … mérite bien son nom : Ebissoa, que les Noirs ont donné aux prisons : maison de caca » ou que dans Verre cassé à la page 33, le narrateur en tentant de décrire ‘‘Le loup des steppes’’ affirme que « … d’après les dires de l’escargot entêté le type ressemblait à une espèce en voie de disparition, une momie égyptienne… », on se rend compte que la présentation indique le statut du ou des personnages ou encore résume la situation dans laquelle ils se trouvent engagés.

  

4-L’écriture

La tendance au baroque chez ces auteurs permet de relever une superposition des textes dont la présentation graphique indique la multiplicité de genres et de textes. Le texte de cette littérature présente des caractéristiques différentes de celles du récit chronologique et continu des premières années de la littérature africaine. Les techniques d’écriture passent par la redondance, la réécriture, la copie, l’intertexte, la multiplication des voix et des genres, etc. Le texte des « jeunes » auteurs africains sont un ensemble de collage, une juxtaposition des débris de pensées, d’idées, de faits, etc. La dramatisation de certains passages s’amorce chez certains auteurs dans une « didascalisation » des péripéties de l’action dans le texte. Ce sont des notations formelles ou scripturales qui mentionnent des instructions habiles à une possible mise en scène. Cette technique est renforcée par de multiples séquences dialogiques. Ces deux éléments meublent le texte et donnent lieu à une théâtralisation de l’action. Dans La carte d’identité par exemple, la dramatisation se remarque dans le nombre assez élevé des parenthèses (pp. 3, 71, 76, 81, 99, 117, 118, 124, …) qui ont pour particularité de montrer des actions qui, en réalité, ne s’inscrivent plus dans le récit mais portent sur des indications de mise en scène. Ces parenthèses sont aussi des espaces pour des didascalies qui interfèrent dans le récit. Nous avons également des passages en italiques qui indiquent des apartés théâtraux, des incursions cinématographiques (pp. 3, 6, 26, 28, 29, 39, etc.).

Chez Mabanckou, ils sont une réplique dialogique et mettent en relief un personnage qui surgit sur la scène avec ses réflexions (pp.18-19). Par contre chez Lopes, dans Le pleurer-rire, les passages en italique indiquent une alternance de récits avec des structurations différentes. Ils renvoient à des temporalités différentes. Les récits se chevauchent, se croisent, se contredisent et sont orientés vers une configuration polyphonique qui brise l’unicité du sujet parlant. Plusieurs thématiques sont convoquées, plusieurs visions et lectures de la démocratie apparaissent et viennent corriger la conception que Bwakamabè a du pouvoir. Chaque forme de texte peut être détachée des autres sans pour autant détruire l’autonomie de la diégèse. Il s’agit avant tout d’un texte qui fonctionne avec une certaine autonomie. Les actions de Ma Mireille, par exemple, sont mises en relief par ces passages en italique et indiquent parfois des récits rapportés.

On peut aussi s’intéresser au caractère redondant des textes avec des formules figées d’appel et d’interpellation comme « si tu veux » (La carte d’identité), « comme il me l’avait raconté lui-même » (Verre cassé). Le roman de Sami Tchak s’illustre amplement dans la répétition des mêmes faits, des mêmes propos. La relation entre le narrateur et sa cousine ou encore les ébats amoureux de la mère reviennent comme un leitmotiv dans une logique de ralentissement, de piétinement de l’action, de cycles qui s’ouvrent et se referment sur les mêmes espaces ou les mêmes acteurs. Or, la stratégie des relances, des appels adressés au lecteur, les reprises fixent la performance du narrateur ou du conteur. Ce ne sont pas des pauses dans la narration. Ces techniques (surtout dans Verre cassé) consacrent l’esthétique du conte qui devient un élément fondateur du roman. Ce qui donne un mélange des genres.

L’excès et l’impudeur des discours qui peuvent mettre mal à l’aise et amener le lecteur à s’interroger sur le conditionnement et l’influence du contexte sur la production, se construisent dans le choix de mots adaptés aux faits et aux situations. Chaque fait, chaque lieu, chaque personnage s’inscrit souvent dans la symbolisation. Ici aussi, il est aisé de remarquer que le refus des normes donne lieu à une excessive grossièreté, à l’exposition de l’impudique sans aucune limite. Il s’agit d’une mise en relief d’images fortes qui confirme le délitement des mœurs et une adaptation du discours au contexte. En fait

La prégnance de ces images à valeur obsessionnelle qui se croisent et se superposent, est révélatrice de l’imaginaire particulier [de l’auteur]. Elles se détachent de leur référent direct pour devenir des motifs (…) et constituer des mises en réseaux et des points de repères nécessaires où se ressource la création poétique (…).

Tous ces symboles sont ici modifiés, infléchis par une variation constante des contextes d’association, en une volonté de les régénérer, de leur  insuffler une force d’impact et une énergie soutenue, au point de les transformer en emblèmes.

Ces images forment des constellations symboliques qui sont toutes l’expression d’une vitalité qui se tient en lieu de croisement des éléments…[13] 

Le texte baroque s’apparente à un véritable manteau d’arlequin avec des combinaisons étrangères, l’association d’éléments disparates, parfois opposés ou contradictoires. Il obéit au métissage linguistique, avec une capacité de créations et d’emplois de néologismes par des techniques savantes, la resémantisation, la déconstruction, la systématisation des interférences linguistiques, entre le français et les langues africaines, etc. Cette orientation se lit dans la forte présence des éléments de l’intertexte que présente Mabanckou et Tchak. Verre cassé, par exemple, présente toute une panoplie d’indices intertextuels qui vont de noms d’auteurs au rappel des titres d’ouvrages, de noms d’acteurs de cinéma, de personnalités politiques, etc.

L’impureté de l’écriture est aussi à lire dans les interférences linguistiques, les irrégularités, les iconoclasmes, les grossièretés, les injures[14], qui, souvent, débouchent sur le caractère illogique et « barbare » des personnages. Elle se retrouve dans le fonctionnement même de la narration que se signale par les catalyses ou les commentaires. En effet, les catalyses varient au gré des intentions du ou des narrateurs, des personnages dans le texte. Elles sont des digressions, des indices de la fragmentation et de la polyphonie dans les œuvres que les auteurs proposent aujourd’hui. Si les fonctions cardinales du récit ne varient pas, en tenant compte des statuts de chaque personnages (comme l’ont étudié Vladmir Propp dans Morphologie du conte et Roland Barthes dans Communications 8), les catalyses, elles, orientent le récit dans tous les sens et, parfois, fonctionnent comme des surcharges dans les textes. Verre cassé et Place des fêtes proposent de très fortes et multiples catalyses qu’on relève du début à la fin du texte. Ce sont des marques de bigarrure sur lesquelles on peut s’interroger et dont le fonctionnement crée des ruptures dans la diégèse.

Sélom K. Gbanou, lui, insiste sur le contexte culturel dans la présence des déterminatifs. Selon lui, les nouveaux romanciers, contrairement à leurs prédécesseurs, jouent avec l’hybridité culturelle, la présence de deux espaces de vie. Les jeunes écrivains africains, ballottés entre deux espaces, aux réalités et aux exigences totalement opposés, contradictoires, en arrivent à traduire l’ambiguïté de leur situation par un certain nombre de choix de formes et de langues dans les textes qu’ils produisent. Il soutient alors que :

 L’écriture participe désormais d’un travail de plus en plus conscient d’invention et d’intervention tant sur le langage que sur le corps du projet romanesque pour aboutir à un ensemble hétérogène, à la limite hétéroclite, qui échappe à la forme classique du roman. Les transformations annoncées par des auteurs comme Ahmadou Kourouma, Mohamed-Alioum Fantouré ou Henri Lopès se poursuivent avec bonheur chez les écrivains de la postcolonie (Sami Tchak, Kossi Efoui, Abdouhramane Wabéri, etc.), surtout en situation d’exil, et donnent à penser que le romanesque cherche à souscrire aux différents fantasmes et soubresauts qui remuent la conscience des exilés/migrants ou, à l’inverse, veut tirer profit de l’esthétique postmoderne de l’éclatement, de l’émiettement et du chaos découvert dans le nouveau rapport au monde, favorisé par la mondialisation. Chez un grand nombre d’écrivains, l’écriture devient un exercice de sclérose de la forme et est entièrement absorbée par le goût et, peut-être même, l’obsession de la fragmentation, du chaos, du micmac et du non-sens de la vie. (Tangence, 2004) 

 

De même, Justin K. Bisanswa, analysant la singularité de ce genre de textes chez Sony L. Tansi, affirme : « De la sorte, nommer, dé-nommer, re-nommer équivaut à décontextualiser, éviter de localiser - sexuellement, spatialement, temporellement-, montrer que ce que l’on désigne ainsi est le fait que ce soit parce qu’on le fait être. » (2009 : 178).

 

 

Conclusion

En définitive, le texte romanesque africain est marqué par le caractère iconoclaste qui se signifie dans la recomposition des habitudes formelles de création des œuvres. Le baroque se lit fondamentalement dans le refus d’adopter et de pratiquer les techniques rédactionnelles, anciennement connues, par la mise en valeur des choix qui ne procèdent que par un assemblage d’éléments composites, hétéroclites. La combinaison de plusieurs méthodes d’écriture permet au texte d’aller dans tous les sens sans pour autant mettre l’accent sur une manière particulière d’écrire. Les brisures de vie meublent le texte africain de la nouvelle génération, avec des thématiques plurielles, des chapitres discontinus, des superpositions de plusieurs textes, présentés de façon disparates, offrent aux lecteurs une fracture dans la narration. Rien n’est normal ou régulier dans ces œuvres. Tout porte la marque de créations permanentes et de combinaison des genres. Le refus même d’une ponctuation normale dans le texte de Mabanckou indique qu’on s’installe dans le baroque et dans l’inventivité.

 

 

Bibliographie

  • Adiaffi, Jean-Marie, La carte d’identité, Abidjan, Ceda, 1980.
  • Amela, Didier, « Le solo d’un revenant ou l’écriture d’un retour amer » in Revue sénégalaise de langues et de littérature, Dakar, UCAD, n°1-2, 2012, pp.107-113
  • Apedo-Amah, Ayayi Togoata, « De la norme oppressive à l’écart linguistique » in Propos scientifiques, n°7, Lomé, 1988, pp.15-29
  • Ba, Mamadou, « Césaire, l’éthique du Laminaire » in Revue sénégalaise de langues et de littérature, n°1-2, Dakar, UCAD, 2012, pp. 73-82
  • Barthes, Roland,  Communications 8, Paris, Seuil, 1971.
  • ---------------------, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1959.
  • ---------------------, Le plaisir du texte, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », 1973    
  • Bisanswa, Justin K., Roman africain contemporain. Fictions sur la fiction de la modernité et du réalisme, Paris, Honoré Champion, 2009.
  • Chevrier, Jacques, Littératures d’Afrique noire de langue française, Paris, Nathan, 1999.
  • Conceicao, Manuel Célio, Concepts, termes et reformulations, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2005.
  • Dabla, Sewanou, Nouvelles Ecritures Africaines. Romanciers de la seconde génération, Paris, L’Harmattan, 1986.
  • Dérive,  Jean, « L’approche critique des littératures en langues africaines », in Notre Libraire, n°160, 2006.
  • Diop, Samba, (sous dir), Fictions africaines et postcolonalisme, Paris, Harmattan, 2002.
  • Efoui, Kossi, Entretien de Kossi Efoui, Limoges, 1998, Propos recueillis par Taina Tervonen
  • Emmanuel, Wagner, De la langue parlée à la langue littéraire, Paris, Larousse, 1965.
  • Fonkoua, Romuald, « Dix ans de littérature africaine : pouvoir, société et écriture », in Notre Librairie, n°103, octobre-décembre, 1990.
  • Gbanou, Sélom Komlan, « Le fragmentaire dans le roman francophone africain » in Tangence, Québec, 2004
  • Lopes, Henri, Le pleurer-rire, Clé, Yaoundé, 1979.
  • Mabanckou, Alain, Verre cassé, Paris, Seuil, 2005.
  • Manga, Anantole, Les procédés de création dans l’œuvre de S.Labou Tansi. Systèmes d’interactions dans l’écriture, Paris, L’Harmattan, 1996.
  • Marti, Marc (s.d), Nouvelles approches de la voix narrative, Paris, L’Harmattan, 2003.
  • Moura, Jean-Marc, Littératures francophones et théories postcoloniales, Paris, PUF, 1999.
  • Propp, Vladmir dans Morphologie du conte, Paris Seuil, 1970.
  • Ripoll, Ricard (sous dir), L’écriture fragmentaire. Théories et pratiques, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2002.
  • Tchak, Sami, Place des fêtes, Paris, Gallimard, 2001.
  • Notre Librairie « Langues, Langages, inventions », n°159, juillet-septembre, 2005.

[1]          Henri Lopes, Le pleurer-rire, Paris, Présence Africaine, 1982.

[2]          Sony Labou Tansi, La vie et demie, Paris, Seuil, 1979.

[3]          Alain Mabanckou, Verre cassé, Paris, Seuil, 2005.

[4]          Sami Tchak, Place des fêtes, Paris, Gallimard, 2001.

[5]          Jean-Marie Adiaffi, La carte d’identité, Abidjan, CEDA, 1980.

[6]          Lire par exemple Milan Kundera, Ignorance, Paris, Gallimard, 2000.

[7]            Propos recueillis par Taina Tervonen in Entretien de Kossi Efoui, Limoges, 1998.

[8]Didier Amela, « Le solo d’un revenant ou l’écriture d’un retour amer » in Revue sénégalaise de langues et de littérature, Dakar, UCAD, n°1-2, 2012, p.107.

[9] Paul Hazoumé, Doguicimi, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978.

[10] Edem Kodjo, Au commencement était le glaive, Paris, Table ronde, 2004.

[11] Besse Nikpé, L’expression du baroque dans La carte d’identité de Jean Marie Adiaffi, mémoire pour l’obtention de la maîtrise ès-lettres, Université de Lomé, 2012.

[12] Henri Lopes, Le pleurer-rire, op cit. p.58

[13] Mamadou Ba, « Césaire, l’éthique du Laminaire » in Revue sénégalaise de langues et  de littérature, n°1-2, 2012, p.79.

[14] Sony Labou Tansi passe pour maître en la matière. Cette question est assez évoquée par des travaux de plusieurs chercheurs (Voir la thèse de doctorat unique de Yaovi Kouma, Université de Lomé, 2009)

 

Note utilisateur: 5 / 5

Etoiles activesEtoiles activesEtoiles activesEtoiles activesEtoiles actives

  Télécharger l’article en version PDF

Résumé

Il est possible d´enseigner et d´apprendre la traduction générale par le biais de différentes approches telles que les études cognitives et psycholinguistiques appliquées à l´enseignement de la traduction, l´ approche socioconstructiviste de l´enseignement de la traduction, l´approche basée sur des compétences, etc.

L´enseignement de la traduction spécialisée, c´est-à-dire la traduction de textes économiques, techniques, scientifiques, juridiques…, quant à lui peut s´effectuer à l´aide des propositions faites par des auteurs comme Gamero et Hurtado, Sevilla Muñoz, Falzoi, etc.

Cet article se veut une contribution en vue d´un meilleur enseignement-apprentissage de la traduction générale et spécialisée. Il est le fruit d´un travail de recherche basé sur nos lectures et dans une moindre mesure sur notre expérience du terrain.

Mots clefs: Traduction – approches – didactique – cognitif – psycholinguistique – socioconstructiviste – compétences.

 

Abstract

General translation can be taught and learnt through various approaches such as cognitive and psycholinguistic studies applied to the translation teaching, social constructivist approach of translation teaching, the approach based on skills, etc.

The teaching of specialized translation, i.e. that relating to the translation of economic, technical, scientific, legal texts..., can be done by using the suggestions made by authors like Gamero and Hurtado, Sevilla Muñoz, Falzoi, etc.

This article is a contribution in view of a better teaching and learning of general and specialized translation. It is the fruit of a research work based on our readings and to a lesser extent on our field experience.

Key words: Translation – approaches – didactics – cognitive – psycholinguistic -  socioconstructivist – skills.

 

 

Introduction

Les différents modèles pédagogiques qui ont vu le jour dans le cadre de la formation des traducteurs ont pris forme en s´adossant sur les progrès réalisés dans les domaines des études de traduction et de la linguistique, mais aussi sur le propre développement de la science pédagogique qui, en partant de modèles centrés sur l´enseignant a évolué vers d´autres dans lesquels l´apprenant est le principal protagoniste du processus d´apprentissage.

Cet article a pour objectif de proposer une méthode pratique d´enseignement-apprentissage de la traduction générale et spécialisée.

Après avoir mis l´accent sur différentes approches d´enseignement de la traduction, nous nous intéresserons à la traduction spécialisée à travers ses aspects juridique, technique, scientifique et économique avant de terminer en jetant un regard critique sur ces méthodes et approches d´enseignement sur lesquelles porte notre travail de réflexion.

 

1. Principales approches pour l´enseignement-apprentissage de la traduction

Bien que la recherche dans le champ de la didactique de la traduction se trouve encore dans une phase initiale, si nous la comparons à d´autres branches de la traductologie, elle comporte plusieurs approches. Nous les aborderons en nous intéressant plus aux aspects d´ordre pédagogique que traductologique.

 

1.1. La didactique traditionnelle de la traduction

D´après Hurtado (1995: 49-50 et 1999: 15-16), nous pouvons identifier la didactique traditionnelle de la traduction avec deux aspects qui, bien que partiellement différents, partent d´une même origine: d´une part, l´enseignement traditionnel des langues et, d´autre part, celui qui est basé sur des pratiques pédagogiques traditionnelles.

En ce qui concerne le premier aspect, il conviendrait de signaler que les méthodes initiales d´enseignement des langues étrangères (par exemple, la méthode dénommée "Grammaire-Traduction") prennent comme base de l´apprentissage la pratique de la traduction. Le matériel utilisé dans cette méthodologie didactique était essentiellement composé de manuels d´apprentissage dans lesquels on incluait des listes de vocabulaire traduit, des remarques grammaticales et des textes (généralement littéraires) pour traduire non seulement vers la langue maternelle, mais aussi vers la langue étrangère de l´étudiant. L´unité de travail, par conséquent, était le mot isolé, ce qui fait que la traduction était conçue comme une simple transposition d´éléments linguistiques, dont la finalité principale était de faciliter l´accès à la langue étrangère.

Par rapport au second aspect, c´est-à-dire, les pratiques pédagogiques traditionnelles appliquées à l´enseignement de la traduction, il existe des manuels organisés autour de textes pour traduire vers la langue maternelle ou vers la langue étrangère à partir d´un point de vue purement linguistique. Ces manuels se caractérisent par le fait qu´ils sont des compilations de textes suivis de traductions, qui normalement sont accompagnés de commentaires sur le lexique, la grammaire ou le style du texte. L´acte de formation est basé sur la lecture et la traduction dans la classe d´un texte donné (normalement littéraire), la révision et la correction, en fonction de la proposition faite par l´enseignant ou le manuel lui-même.

  

       1.2. L´enseignement de la traduction par objectifs

Une avancée fondamentale dans le champ de la didactique de la traduction est symbolisée par la publication en 1980 de L’analyse du discours comme méthode de traduction de Delisle. L ´auteur canadien critique ouvertement les approches antérieures de l´enseignement de la traduction et plaide pour une pédagogie active et heuristique, dans laquelle l´apprenant doit être au cœur de l´opération de traduction pour pouvoir ainsi capter sa véritable dynamique (Delisle, 1980: 16). Cet auteur propose l´organisation d´un cours d´initiation à la traduction qui s´articule autour de vingt trois objectifs d´apprentissage différents et des exercices spécifiques de traduction pour atteindre chacun de ces objectifs.

La principale contribution de cet auteur, dont les idées s´inspirent des postulats de la théorie du sens[1], serait la conception des objectifs d´apprentissage comme étant le moteur qui guide le processus de formation dans le domaine de la traduction et la recherche d´une méthodologie active.

 

1.3. L´approche professionnelle et communicative

Nord (1991) propose un modèle très complet pour l´enseignement de la traduction[2], qui part de la prémisse selon laquelle les situations d´enseignement-apprentissage de cette discipline doivent imiter celles de la pratique professionnelle.

Dans ce cadre de référence, le principal objectif des enseignants en traduction doit consister à développer chez les étudiants la compétence de transfert, qui ne pourra s´acquérir que si ceux-ci ont une bonne maîtrise non seulement des langues sources et cibles, mais aussi des cultures. Ainsi, pour atteindre cet objectif, le modèle d´analyse textuelle (facteurs intra et extratextuels) sera combiné dans la salle de cours à une série d´“instructions didactiques pour la traduction”, qui aideront à définir le skopos de la traduction, c´est-à-dire, le rôle qu´aura le texte cible. Ainsi, l´enseignant pourra guider le processus d´apprentissage, mais en prenant comme point de référence les besoins et particularités des étudiants.

 

1.4. Etudes cognitives et psycholinguistiques appliquées à l´enseignement de la traduction

Kiraly (1995: 1-3), après avoir critiqué les modèles traditionnels d´enseignement de la traduction plaide pour une approche pédagogique descriptive, qui prenne comme point de départ les processus mentaux impliqués dans le processus de traduction.

Pour cela, il propose une théorie de la traduction basée sur deux modèles (le social et le cognitif). Le modèle social de Kiraly intègre un concept très important dans sa vision de la traduction, une notion qui constituera l´objectif central de la formation dans ce domaine. Il s´agit de l´idée de soi du traducteur (translator’s self-concept), c´est-à-dire la conception mentale qu´a le sujet en tant que professionnel de la traduction et qui lui permet d´intégrer les aspects sociaux de cette activité dans les aspects cognitifs.

Les modèles de Kiraly sont spécialement intéressants du fait de l´importance qu´ils accordent à l´aspect social de la traduction, mais aussi parce qu´ils permettent au traducteur de jouer un rôle très actif dans le processus de traduction.

 

1.5. L´approche situationnelle

L´approche situationnelle, qui plaide pour l´utilisation dans la salle de clase de textes s´inscrivant dans le cadre d´une situation de communication réelle, a aussi joué un rôle important parmi les paradigmes qui configurent le cadre méthodologique de l´enseignement de la traduction.

Sous cette appellation émanant de Vienne (1994) on introduit une approche à la didactique de la traduction basée sur des textes réels, des textes qui ont été traduits par l´enseignant dans sa vie professionnelle. La méthodologie défendue par cet auteur (Vienne, 1994, 1998, 2000) consiste à procéder à l´analyse situationnelle de la commande de traduction (similaire à l´analyse des facteurs intra et extratextuels de Nord, 1991), dans laquelle l´enseignant répond aux questions des étudiants à partir de son expérience, leur fournissant ainsi, un cadre qui facilite leur prise décisions par rapport à la traduction. Les projets de traduction de ce point de vue incluent non seulement la version finale du texte dans la langue d´arrivée, mais aussi tous les commentaires et explications que le traducteur (étudiant) jugent pertinents pour justifier ses décisions, et qui permettront d´évaluer ses compétences (Vienne, 1994: 54).

 

1.6. L´enseignement de la traduction basée sur des tâches

A la fin du XXe siècle, l´apprentissage basé sur des tâches, initialement utilisé dans le champ de l´enseignement des langues, s´est frayé progressivement un chemin parmi les modèles d´enseignement de la traduction. Cette perspective suppose, non seulement un cadre méthodologique, mais aussi un guide pour la conception des programmes, basé sur les objectifs visés dans l´acte de formation. Les travaux les plus remarquables de cette approche son les ouvrages de Hurtado (1999)[3] et González Davies (2003, 2004).

Le travail de Hurtado (1999) est conçu comme étant un ouvrage essentiel pour l´enseignement de la traduction. L´auteure défend l´approche basée sur des tâches (tâches de traduction) comme cadre méthodologique et de conception des programmes, puisqu´elle permet, d´une part, d´intégrer efficacement les résultats de l´apprentissage et les procédés, les objectifs, les moyens et critères d´évaluation, et, d´autre part, de redéfinir les rôles joués par l´enseignant et l´apprenant (ibid.: 47).

Une autre des propositions les plus importantes par rapport à l´approche basée sur des tâches pour l´enseignement de la traduction est l´ouvrage de González Davies (2004a).

Après avoir ouvertement critiqué les approches traditionnelles relatives à la didactique de la traduction (les modèles “read and translate”, selon la terminologie employée par cette auteure), elle plaide pour une approche pédagogique interactive et ludique, qui motive la participation de l´étudiant et le dialogue par le biais de la mise en pratique d´activités, de tâches et de projets qui reflètent les particularités du monde professionnel (González Davies, 2004a: 2).

 

1.7. L´approche socioconstructiviste de l´enseignement de la traduction

Le principal représentant de l´application de ce courant pédagogique à l´enseignement de la traduction est Kiraly (2000). Cet auteur, qui a commencé ses études en prenant comme base le cognitivisme, reconnait dans une étape postérieure de sa recherche, la nécessité de prêter attention à d’autres facteurs de type sociologique et culturel dans la formation des traducteurs.

Kiraly (2000) critique ouvertement les modèles transmissionnistes (informationnistes) qui ont caractérisé la didactique de la traduction, dans lesquels les connaissances et les compétences (souvent éloignées de la réalité du monde professionnel) étaient transmises de l´enseignant aux apprenants de façon unidirectionnelle et sans la participation active de ces derniers dans le processus d´apprentissage. Pour résoudre ce problème, ce chercheur propose que la formation des traducteurs soit conçue comme un processus dynamique, interactif et social, avec comme point de mire ce qu´il appelle l´“empowerment” de l´apprenant, c´est à dire, l´acquisition de la capacité suffisante pour prendre des décisions responsables dans le domaine professionnel et pour continuer son processus d´apprentissage de façon autonome (Kiraly, 2000: 1) et pouvoir ainsi relever les défis du monde professionnel.

Dans ce sens, l´auteur dit que la modalité idéale pour atteindre cet objectif est le travail de groupe en atelier[4], dans lequel on peut mettre en pratique la méthode d´apprentissage basée sur des projets de collaboration, par le biais de laquelle les étudiants conduisent un projet réel à caractère professionnel de façon collaborative sous la supervision de l´enseignant (ibid. :60).

 

1.8. Approches basées sur des compétences

Les compétences définies comme étant des savoirs complexes qui intègrent des capacités et des connaissances de type déclaratif représentent une des pierres angulaires de l´Espace européen d´éducation supérieure (EEES). Dans ce contexte, par conséquent, il n´est pas illogique que surgissent aussi dans le champ de la didactique de la traduction, des conceptions basées sur ce concept. En réalité, il s´agit d´une notion qui n´est pas étrangère à la traduction car beaucoup de recherches afférentes à cette dernière ont été faites pour essayer de définir la compétence de traduction et les différentes sous-compétences qui l´intègrent. De fait, nous sommes d´accord avec García Izquierdo (2011: 29) lorsqu´elle affirme que “(…) ha sido uno de los aspectos metodológicos que más han preocupado a los estudiosos de este campo, especialmente por su complejidad”.

Dans ce cadre de référence se distinguent des propositions comme celles de Hurtado (2007) et (2008), dont l´objectif principal est d´asseoir les bases pour concevoir une planification des programmes basée sur des compétences en vue de la formation des traducteurs.

 

2. L´enseignement de la traduction spécialisée

La plupart des approches que nous avons analysées par rapport à la formation des traducteurs font référence à des modèles d´enseignement de la traduction générale et elles s´intéressent surtout aux premières étapes de la formation. Il semble aussi pertinent d´analyser quelques uns des modèles issus du champ de la traduction spécialisée, en se focalisant sur la traduction de textes économiques, scientifiques et techniques.

 

2.1. La proposition de Gamero et Hurtado (1999)

Le modèle présenté par ces deux auteures suit l´approche basée sur les tâches et les objectifs d´apprentissage défendue par Hurtado (1999); elles partent de l´idée selon laquelle la traduction scientifique et technique est une variété de traduction avec des caractéristiques précises qui la dotent d´une certaine individualité et dont la réalisation exige la maîtrise de certaines compétences. Dans ce sens, elles affirment que le traducteur doit avoir non seulement des connaissances techniques extralinguistiques sur la matière qu´il traduit, mais aussi des connaissances de terminologie spécialisée et sur les conventions des genres textuels. Dans le processus d´acquisition de ces trois types de connaissances qui définissent sa compétence, la capacité du traducteur à se documenter jouera un rôle fondamental (Gamero et Hurtado, 1999: 140).

Après avoir classifié les différents genres textuels propres de la communication spécialisée scientifique et technique, les auteures focalisent leur attention sur les paramètres pédagogiques qui définissent la proposition qu´elles présentent. Elles affirment ainsi que la formation des traducteurs doit se baser sur tous ces objectifs qui permettent à l´étudiant de pouvoir se spécialiser dans la traduction relative à un domaine en particulier, afin de le préparer pour qu´il soit capable de s´adapter avec flexibilité aux besoins du marché du travail (ibid.: 141).

 

2.2. La proposition de Sevilla Muñoz (2002, 2007)

Sevilla Muñoz (2002) décrit un modèle d´enseignement de la traduction cientifico-technique pour la formation de professionnels dans ce domaine. Sa recherche s´est matérialisée par la conception d´un manuel destiné aux étudiants en second cycle de Lettres et Sciences Humaines (Maîtrise en Traduction et Interprétation), dans lequel elle aborde la traduction de textes issus de cette branche de spécialité de l´anglais vers l´espagnol. Le modèle didactique qu´elle présente s´appuie sur trois piliers: d´abord, une étude bibliographique sur les aspects théoriques liés aux textes scientifico-techniques, leur traduction et leur didactique; ensuite, les opinions et perceptions des étudiants par rapport à ce genre de textes et leur traduction et, enfin, une analyse critique de la pratique de la traduction faite à partir d´un corpus de vingt textes choisis en fonction de critères et d´une méthodologie préalablement définis.

Ce modèle, tout comme le précédent, part d´une planification par objectifs (généraux et spécifiques) et il est structuré autour d´unités didactiques symétriques, qui présente une macrostructure commune: énoncé et explication de l´objectif pédagogique, introduction théorique, tâches d´apprentissage et matériel de travail (textes à traduire et autre matériel documentaire).

 

2.3. La proposition de Falzoi (2005)

Falzoi (2005) propose un modèle didactique axé sur l´enseignement professionnel de la traduction spécialisée juridique avec la combinaison linguistique français-espagnol sur la base des connaissances antérieures des étudiants. Cette proposition pédagogique est basée sur deux piliers essentiels: l´acquisition du champ thématique (aspect clef dans la formation du traducteur spécialisé) et la pratique de la traduction des textes de cette spécialité.

Après avoir analysé de façon détaillée le concept de traduction juridique et étudié de façon comparative les particularités du langage juridico-administratif en français et en espagnol, l´auteure propose les objectifs didactiques généraux visés dans son approche méthodologique (ibid.: 128-136): acquérir les connaissances thématiques, morphosyntaxiques et textuels, savoir traduire les textes juridiques et connaître les aspects professionnels de la traduction juridique.

 

2.4. L´enseignement de la traduction spécialisée économique

Elles ne sont pas nombreuses les propositions de modèles d´enseignement que nous trouvons dans la littérature par rapport à la traduction spécialisée économique. Les études qui analysent les particularités de ce langage de spécialité ainsi que sa traduction dans différentes combinaisons linguistiques sont cependant plus fréquentes.

Par rapport aux études qui abordent spécifiquement l´enseignement de la traduction économique, il conviendrait d´en identifier fondamentalement trois.

 

2.4.1. La proposition de Cánovas et al. (2003)

Ce modèle, axé sur l´enseignement de la traduction de textes juridiques et économiques, fait partie de la proposition coordonnée par González Davies en 2003 et qui porte le titre de Séquences. Ce sont des tâches pour l´apprentissage interactif de la traduction spécialisée.

Tel que l´indique le titre de l´ouvrage, le modèle d´enseignement que défendent ces auteurs s´appuie sur l´approche basée sur des tâches de traduction, dont la finalité est de familiariser les futurs professionnels aux dimensions les plus importantes de la traduction de textes juridiques et économiques; afin de doter les étudiants des compétences et outils nécessaires pour répondre efficacement par  rapport à ce genre de textes, Cánovas et al. (2003) proposent trois tâches pour développer surtout les trois types de connaissances indispensables pour le traducteur professionnel de textes spécialisés: les connaissances linguistico-textuelles, terminologiques et encyclopédiques. Toutes les tâches qui composent ce modèle présentent une structure parallèle; d´abord apparaissent les objectifs d´apprentissage qu´on veut atteindre; ensuite, on inclut la temporalisation de cette tâche, c´est à dire, la période de temps au cours de laquelle celle-ci va être mise en œuvre; en troisième lieu, on décrit le type de regroupement qu´exige la mise en œuvre de la tâche (travail de groupe, à deux, individuel, etc.); en quatrième lieu, on détaille et décrit les différentes activités qui font partie de cette tâche et, enfin, on inclut quelques références bibliographiques qui peuvent être utiles pour approfondir les contenus abordés dans les tâches.

Chacune des activités présente, à son tour, ses propres objectifs, sa temporalisation, son type de regroupement nécessaire, son matériel de travail, etc. Aussi, chacune des tâches inclut des modèles de textes de travail, qui complètent la proposition didactique.

 

2.4.2. L´approche de Román Mínguez (2008)

Ce modèle, proposé avec la combinaison linguistique anglais-espagnol, est orienté vers l´enseignement de la traduction d´un type de textes précis: les textes juridico-économiques représentatifs du monde de l´entreprise. En se basant sur l´analyse et l´exploitation didactique d´une commande réelle de traduction, la proposition s´articule autour de diverses unités didactiques, dans lesquelles on met en pratique l´approche basée sur des tâches de traduction, ainsi que quelques stratégies de « simulation professionnelle » dans la salle de classe. Les tâches sont mises en œuvre à partir d´une commande réelle de traduction, qui prend en considération la progression terminologique, thématique, textuelle mais aussi celle relative à la traduction.

L´objectif poursuivi par l´auteure est d´élaborer un modèle de formation conformément aux exigences du marché professionnel, qui permette de développer chez les apprenants les compétences traductologiques nécessaires pour aborder efficacement la traduction de textes appartenant à ce champ de spécialité (Román Mínguez, 2008: 99).

 

2.4.3. La proposition de Pizarro Sánchez (2010)

Quoique cet ouvrage ne soit pas abordé à partir d´une approche didactique avec une planification des objectifs, de la méthodologie, de l´évaluation, etc., son applicabilité au champ de l´enseignement de la traduction spécialisée est indiscutable.

Du point de vue pédagogique, ce travail est très intéressant, parce qu´il accorde une attention spéciale à la plus grande partie des composantes qui définissent la compétence de traduction des traducteurs professionnels de ce domaine de spécialité.

D´abord, il aborde des concepts liés au langage de spécialité économique, ainsi que les critères pragmatiques, linguistiques et fonctionnels qui le délimitent. Ensuite, il analyse non seulement les caractéristiques de la communication entrepreneuriale, mais aussi les particularités organisationnelles et administratives de l´entreprise; tous ces aspects peuvent aider à consolider la connaissance thématique du champ de spécialité, indispensable au moment d´aborder la traduction de tout texte spécialisé.

Pizarro (2010) fait aussi une classification des textes économiques, qui peuvent beaucoup aider dans le processus de planification d´une action de formation dans ce domaine; elle identifie différents genres professionnels et académiques en fonction de critères tels que le foyer contextuel et le type de récepteur qui intervient dans la communication.

En quatrième lieu, la chercheuse étudie les principales difficultés de la traduction de textes économiques (aspects ortotypograhiques, extra et intra textuels, éléments non verbaux, etc.) pour faire une radiographie la plus exhaustive possible des particularités de ce type de traduction dans la combinaison linguistique anglais-espagnol.

Enfin, ce travail fournit des informations détaillées relatives aux principales sources documentaires et outils pour la traduction des textes économiques (portails spécifiques, bases de données, outils électroniques pour la traduction et l´exploitation des textes, etc.) et à l´activité professionnelle du traducteur de textes de ce champ de spécialité (par exemple, budgets, tarifs, droits du traducteur, entre autres).

Dans la dernière partie du travail, nous allons jeter un regard critique sur les différentes méthodes et approches dont nous venons de parler.

 

3. Regard critique sur les méthodes et approches d´enseignement de la traduction

L´approche basée sur l´enseignement traditionnel des langues peut être bonifiée car elle considère les difficultés lexicales comme problème fondamental de la traduction et laisse de côté d´autres questions plus importantes pour le travail du traducteur, par exemple le contexte.

Il ya des insuffisances au niveau de l´enseignement qui s´adosse sur des pratiques pédagogiques traditionnelles. En effet, on y décèle :

-une absence d´objectifs pédagogiques clairs. Le fait que la formation soit basée sur des textes littéraires configure des objectifs d´apprentissage trop ambitieux et peu adaptés aux besoins et connaissances des étudiants.

-une absence de critères méthodologiques. Elle se manifeste surtout à partir de différentes perspectives: d´abord, le manque de critères de sélection et de progression des textes; ensuite, le manque d´instructions méthodologiques qui aident l´étudiant à traduire le texte et qui guident l´acte didactique, et enfin, le manque de différenciation entre la version et le thème par rapport aux approches méthodologiques qu´il faut mettre en œuvre.

-une concentration sur les résultats. Le travail pédagogique avec le texte se limite à la présentation de celui-ci, à l´étude des difficultés linguistiques et grammaticales et à la proposition, par l´enseignant ou le manuel, de la version correcte. On ne s´intéresse qu´au résultat du processus de traduction. L´étudiant ne reçoit pas des informations sur le processus qu´il doit suivre pour trouver la bonne solution ni sur les raisons de ses erreurs.

L´approche proposée par Delisle pour l´enseignement de la traduction par objectifs n´est pas sans poser des problèmes car elle est uniquement axée sur les cours initiaux de formation des traducteurs et elle ne s´intéresse pas aux étapes les plus avancées du processus de formation.

A propos de l´approche socioconstructiviste de l´enseignement de la traduction, on constate que dans la conception, il y a un manque de délimitation claire des objectifs poursuivis et du séquençage du matériel et des activités de travail. Aussi sommes-nous du même avis que Schäffner (2004:159-160) lorsqu´il affirme que l´approche de Kiraly est trop catégorique et exagérée dans ses affirmations, puisque beaucoup des postulats qu´elle défend sont conçus plus comme des règles obligatoires que comme une description de sa vision de la didactique de la traduction.

La proposition de Gamero et Hurtado (1999) par rapport à l´enseignement de la traduction spécialisée, bien qu´étant un modèle très intéressant qui présente de façon claire et pratique les objectifs généraux, spécifiques et intermédiaires de la traduction spécialisée, peut être améliorée car elle ne propose pas des unités didactiques par rapport à tous les objectifs formulés.

Falzoi (2005) conçoit l´évaluation comme un outil d´apprentissage destiné à favoriser la formation. Cependant, elle ne met pas l´accent sur cet aspect didactique. Elle fait une classification des erreurs les plus courantes en traduction, mais elle n´établit pas de critères clairs, de moyens ni d´instruments d´évaluation pour les activités formatives qu´elle a incluses dans sa proposition.

Nous considérons qu´en ce qui concerne l´enseignement de la traduction spécialisée économique, plusieurs aspects de la proposition de Cánovas et al. (2003) pourraient être améliorés. D´une part, elle ne fait pas allusion à la progression des contenus d´apprentissage, aspect très important dans le déroulement de tout processus d´enseignement-apprentissage. D´autre part, elle ne mentionne pas les compétences générales ni celles spécifiques (compétences et sous-compétences de traduction) qu´elle envisage de mettre en œuvre dans chacune des tâches qui composent le modèle.

Dans l´approche de Román Mínguez (2008), on ne fait pas référence à des aspects liés à l´évaluation, aux tâches spécifiques d´apprentissage qui sont décrites dans les différentes phases du modèle, ni au produit final du processus de traduction.

 

 

Conclusion

Il ressort de cette étude que pour l´enseignement-apprentissage de la traduction générale, beaucoup d´approches peuvent être utilisées et chacune d´elles porte ses fruits. Il en est de même pour l´enseignement de la traduction spécialisée pour laquelle plusieurs propositions sont mises en avant.

Il importe de souligner qu´aucune approche ou proposition n´est moins valable ou intéressante que l´autre. Il suffit tout simplement de pouvoir les utiliser de façon adéquate, c´est à dire, d´être en mesure de les mettre en pratique dans une situation réelle d´enseignement-apprentissage de la traduction.

Ces méthodes utilisées pour la traduction pourraient même parfois être combinées dans l´optique de faire du bon travail. En d´autres termes, le traducteur pourrait souvent faire recours à deux ou plusieurs approches ou propositions d´enseignement-apprentissage de la traduction afin de réussir une traduction de qualité.

 

 

Bibliographie

  • CÁNOVAS MÉNDEZ, M., COTONER CERDÓ, L. y GODAYOL NOGUÉ, P. (2003) Traducción de textos jurídicos y económicos. En GONZÁLEZ DAVIES, M. (Coord.) Secuencias. Tareas para el aprendizaje interactivo de la traducción especializada. Barcelone: Octaedro EUB, 89-109.
  • DELISLE, J. (1980) L’analyse du discours comme méthode de traduction: Initiation à la traduction française de textes pragmatiques anglais, théorie et pratique. Ottawa: Presses de l’Université d’Ottawa.
  • FALZOI, M.C. (2005) Aproximación a la metodología didáctica de la traducción jurídica. Teoría y práctica. Thèse doctorale. Université de Las Palmas de Gran Canaria.
  • GAMERO PÉREZ, S. y HURTADO ALBIR, A. (1999) La enseñanza de la traducción especializada. En HURTADO ALBIR, A. (Dir.) Enseñar a traducir. Madrid: Edelsa, 139-153.
  • GONZÁLEZ DAVIES, M. (Coord.) (2003) Secuencias. Tareas para el aprendizaje interactivo de la traducción especializada. Barcelone: Octaedro EUB.
  • GONZÁLEZ DAVIES, M. (2004a) Multiple Voices in the Translation Classroom. Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins.
  • HURTADO ALBIR, A. (1995) La didáctica de la traducción. Evolución y estado actual. En FERNÁNDEZ NISTAL, P. y BRAVO GOZALO, J.M. (Coords.) Perspectivas de la traducción inglés-español. Tercer curso superior de traducción. Valladolid: Instituto de Ciencias de la Educación (Université de Valladolid), 49-74.
  • HURTADO ALBIR, A. (1999) Enseñar a traducir. Metodología en la formación de traductores e intérpretes. Teoría y fichas prácticas. Madrid: Edelsa.
  • HURTADO ALBIR, A. (2007) Competence-based Curriculum Design for Training Translators. The Interpreter and Translator Trainer, 1(2), 163-195.
  • HURTADO ALBIR, A. (2008) Compétence en traduction et formation par compétences. TTR (Traduction, Terminologie, Rédaction), 21(1), 17-65.
  • KIRALY, D. (1995) Pathways to Translation. Pedagogy and Process. Kent (Ohio): The Kent State University Press.
  • KIRALY, D. (2000) A Social Constructivist Approach to Translator Education- Empowerment from Theory to Practice. Manchester: St. Jerome Publishing.
  • NORD, CH. (1991) Text Analysis in Translation. Theory, Methodology, and Didactic Application of a Model for Translation-Oriented Text Analysis. Amsterdam: Radopi.
  • PIZARRO SÁNCHEZ, I. (2010) Análisis y traducción del texto económico inglés-español. Corogne: Netbiblo.
  • ROMÁN MINGUEZ, V. (2008) La enseñanza de la traducción (inglés-español) de los tipos textuales del mundo de la empresa: aproximación metodológica y materiales. Thèse doctorale. Université de Málaga.
  • SCHÄFFNER, CH. (2004) Book Review. Don Kiraly. A Social Constructivist Approach to Translator Education: Empowerment from Theory to Practice. Target, 16(1), 157-189.
  • SEVILLA MUÑOZ, M. (2002) Didáctica de la traducción científico-técnica (inglés-español) para estudiantes de humanidades. Tesis doctoral. Université Complutense de Madrid.
  • VIENNE, J. (1994) Toward a Pedagogy of Translation in Situation. Perspectives: Studies in Translatology, 2(1), 51-59.
  • VIENNE, J. (1998) Vous avez dit compétence traductionnelle. Meta, 43(2), 187-190.
  • VIENNE, J. (2000) Which Competences Should we Teach to Future Translators, and How? En SCHÄFFNER, CH. y ADAB, B. (Eds.) Developing Translation Competence, Amsterdam: John Benjamins, 91-100.

[1] Sous cet angle, Delisle présente la traduction comme un acte interprétatif et non mécanique, dans lequel le traducteur doit prendre constamment des décisions et mettre en pratique sa propre créativité. Dans ce sens, un cours d´initiation à la traduction aurait comme principal objectif d´améliorer la facilité, la rapidité et la précision avec lesquelles l´apprenti-traducteur est capable de réexprimer vers la langue cible le sens d´un texte (Marco, 2003 :599).

[2] En réalité, cette auteure distingue deux aspects distincts de l´enseignement de la traduction, bien que son modèle accorde une attention spéciale au premier ; celui-ci fait référence à l´enseignement de la traduction au niveau professionnel, tandis que le second utilise la traduction comme moyen d´apprentissage d´une langue étrangère (Nord, 1991 :140)

[3] Quoiqu´au sein du cadre de l´enseignement de la traduction, cet ouvrage est la référence la plus utilisée, l´approche par des tâches d´apprentissage est apparue dans d´autres recherches préalables de l´auteure telles que Hurtado (1995) et Hurtado (1996).

[4] Cette modalité est à la base d´autres travaux postérieurs qui s´adossent sur le travail de collaboration pour l´enseignement de la traduction. C´est le cas de Colina (2003a), La Rocca (2007) et Kenny (2007).

Sous-catégories